Madame la ministre de la justice, monsieur le secrétaire d'État à la justice, j'observe, tout d'abord, que vous avez fait à l'Assemblée nationale et au Sénat l'affront de déclarer l'urgence sur ce projet de loi, pourtant présenté comme fondamental par le Gouvernement. Comment pouvez-vous prétendre améliorer la condition pénitentiaire dans ces conditions ?
Ensuite, ce projet de loi est un texte régressif, pour plusieurs raisons.
Premièrement, on ne peut pas nous expliquer à la fois qu'il faut voter des lois répressives qui conduisent des gens en prison – je pense en particulier aux textes sur les peines plancher et sur la récidive, ainsi qu'à cette loi honteuse sur la rétention de sûreté – et que l'on va améliorer la condition des détenus dans les lieux de privation de liberté.
En effet, la politique menée par votre gouvernement depuis 2002 est à l'origine d'une surpopulation carcérale sans équivalent dans les autres pays d'Europe. Quelques chiffres. Dans seize maisons d'arrêt, cette surpopulation est supérieure ou égale à 200 % ; les prévenus peuvent ainsi se retrouver jusqu'à trois dans une cellule de 9 m2, vivant dans des conditions d'hygiène et d'insalubrité dénoncées par tous les organismes internationaux, condamnées par la Cour européenne des droits de l'homme et par le Comité de prévention de la torture, qui les qualifie d'« indignes et inhumaines ». Dans cinquante et un établissements de privation de liberté, la surpopulation oscille entre 120 % et 140 %. Une telle situation n'est pas digne d'une grande démocratie !
Deuxièmement, lorsque, comme beaucoup de mes collègues, je pénètre dans ces lieux de privation de liberté, qu'il s'agisse de maisons d'arrêt ou de centres de détention, je vois bien l'arbitraire qui peut y régner et l'humiliation imposée à ceux qui y sont enfermés pour payer une dette vis-à-vis de la société. Ainsi que nous l'avons répété au cours de ce débat dans lequel nous avons été peu entendus, la prison est le lieu, non pas de l'expiation, mais de l'exécution de la peine. Or, lorsqu'il s'est agi d'apporter quelques petites améliorations à la situation actuelle des détenus dans nos prisons – je pense en particulier à l'aménagement des peines –, on s'est aperçu que vous étiez guidés par une seule obsession, celle de la politique sécuritaire.
Celle-ci a, du reste, gagné vos nouveaux convertis, qui nous expliquent, la semaine dernière, que l'on va supprimer les tests ADN pour des raisons, non pas éthiques, mais techniques, et qui se livrent aujourd'hui, pour satisfaire l'aile la plus conservatrice de la majorité, à une opération de ratissage indigne de notre pays, en chassant de ce que l'on appelle la « jungle » des damnés de la terre. Il paraît que l'on envoie des troupes en Afghanistan pour que ces hommes et ces femmes qui fuient la tyrannie puissent vivre sous des latitudes plus clémentes, mais, lorsqu'ils viennent chez nous, on les chasse manu militari ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC. –Protestations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Oui, mesdames, messieurs de la majorité, il convient de rapprocher ce qui s'est passé ce matin de ce projet de loi pénitentiaire, d'autant plus régressif du point de vue républicain que, comme l'a très bien souligné celle qui fut une grande garde des sceaux, Mme Guigou (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – « Ah ! » sur les bancs des groupes UMP et NC), qui a fait voter la loi de juin 2000, il remet en cause le principe de l'encellulement individuel.