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Intervention de Yves de Kermabon

Réunion du 19 mai 2009 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Yves de Kermabon :

Je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à toutes ces questions car j'ai surtout une vision de terrain. Je vous donnerai néanmoins mon point de vue personnel.

Le Kosovo est un pays à majorité musulmane, mais sa minorité catholique est très forte et très agissante, et l'islam y est très tolérant, voire très peu pratiqué. En dépit des efforts redoublés de certains États du Moyen-Orient pour construire des mosquées, le risque intégriste est limité. De façon assez surprenante, il arrive que des familles entières de Kosovars musulmans se convertissent au catholicisme, religion originelle des Albanais.

Les Américains sont très présents au Kosovo : le drapeau américain flotte sur pratiquement tous les immeubles et la diaspora albanaise aux États-Unis soutient le Kosovo indépendant – le tiers des flux financiers circulant dans le pays provient de la diaspora. M. Joe Biden, le vice-président américain, est aujourd'hui à Belgrade et se rendra demain à Pristina. Nous verrons quelles seront les avancées avec la Serbie, qui semble désireuse d'améliorer ses relations avec les États-Unis, et quel message il délivrera aux Kosovars. Le plus gros cantonnement militaire au Kosovo est le camp Bondsteel, susceptible d'accueillir pratiquement une division américaine entière, même s'il n'y reste plus qu'un petit millier de soldats de la garde nationale. En tout cas, je ne pense pas que les Américains se désintéressent du Kosovo.

EULEX a commencé à se déployer en février 2008 pour devenir opérationnel en décembre, moment auquel la MINUK s'est entièrement retirée du domaine de l'État de droit : tous ses policiers, ses juges et ses procureurs sont partis. Mais les conditions sont difficiles car nous avons hérité de milliers de dossiers qui avaient été plus ou moins bien traités par la MINUK. La mission EULEX fonctionne maintenant à plein régime et s'attaque aux vrais problèmes.

Des incidents se produisent encore, c'est vrai, notamment à Mitrovica, où Serbes et Albanais s'affrontent depuis 1999. À force de persuasion, avec l'accord de la MINUK – qui reste l'administration officielle dans la partie Nord du Kosovo –, nous avons obtenu que soit autorisée la reconstruction des maisons détruites. Les Serbes ont d'abord réagi vivement mais, depuis dix jours, ils se mettent eux aussi à reconstruire leurs maisons. C'est symbolique, et tout se passe dans le calme, sur la base d'un accord non écrit.

Reste le problème du retour des Serbes qui ont quitté le Kosovo en 1999, dont certains vivent encore dans des camps en Serbie ou au Monténégro, ce qui constitue l'un des échecs de la communauté internationale. Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés est chargé de ce dossier. EULEX peut apporter la sécurité requise, mais c'est avant tout un problème psychologique et politique.

Aucun recensement n'a été organisé récemment. Il reste sans doute 150 000 Serbes pour 2 millions d'Albanais et la démographie joue en faveur de ces derniers. Dans certaines zones, notamment dans l'Est du Kosovo, qui a été peu touché par la guerre, les deux communautés cohabitent. À l'Ouest, au contraire, où les affrontements ont été les plus durs, il ne reste presque plus de Serbes. Il ne faut pas abandonner et il importe de continuer à travailler pour que les Serbes qui le désirent puissent revenir. Les problèmes de propriété, très compliqués compte tenu des multiples mouvements de population et du transfert en Serbie de tous les registres de cadastre, sont également du ressort d'EULEX.

Le découpage administratif serbe, avec les opstine, reste en vigueur, si ce n'est que cinq grandes régions ont été constituées, respectivement autour des communes de Pristina, Mitrovica, PecPejä, Prizren et GnjilaneGjilan. Nos relations avec le pouvoir central se doublent d'un soutien, sur le terrain, auprès des commissariats de police et des tribunaux. Cela n'entraîne pas pour nous de difficultés particulières, même si les autorités locales, au départ, ne percevaient pas bien notre intervention et rechignaient à coopérer, en particulier dans la région Nord.

Je ne connais pas l'Ossétie. Le Kosovo faisait partie intégrante de la Serbie mais était doté d'une certaine autonomie, avec, par exemple, sa propre université. M. Slobodan Milosevic est revenu sur cette organisation et est même allé au-delà, avec un début de nettoyage ethnique, ce qui a provoqué des réactions de deux ordres : une résistance pacifique, avec M. Ibrahim Rugova, qui a créé un gouvernement fantôme ; une résistance active, avec les jeunes de l'UCK, qui se sont livrés à des actes de guérilla. En 1999, il était sans doute encore possible de revenir à une très large autonomie du Kosovo. Plus le temps avance, plus les Kosovars sont exigeants et moins les Serbes sont en position de force.

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