a indiqué au ministre que, s'il avait été à sa place, il se serait demandé, en ce début de législature, quels sont les principaux problèmes qui se posent dans le domaine des transports terrestres. Or le gouvernement a choisi, par cette loi, de traiter le problème le plus mineur parmi ceux qui se posent.
Le ministre a dit à plusieurs reprises que cette loi était pragmatique et pas du tout idéologique. Le fait même qu'il l'ait répété, comme d'ailleurs ses collègues du gouvernement, voire le Premier ministre ou le Président de la République, lui fait penser que, au contraire, ce n'est pas par hasard que le gouvernement commence par une loi de ce type, qui relève plus de l'intimidation sociale que de l'amélioration des transports terrestres. Dans les années 60 et 70, les jours de grève dans les transports étaient beaucoup plus nombreux. Aujourd'hui, ce problème est assez mineur, même si chaque grève est l'occasion pour certains médias de réaliser des télé-trottoirs ou radio-trottoirs visant à faire présenter les voyageurs comme étant pris en otage, ce qui est une démarche purement idéologique.
Il n'a rien contre l'idéologie mais il préférerait cependant que le ministre assume le fait que sa démarche est idéologique au lieu de la présenter comme purement pragmatique. Au demeurant, le pragmatisme est lui-même une très belle idéologie, dont le plus grand représentant est un philosophe américain, Richard Rorty, qui nous a quittés récemment. Que le ministre prétende qu'il n'a pas d'idéologie relève typiquement de l'idéologie.
Les arrangements qui peuvent être conclus dans telle ou telle région, bien qu'intéressants, ne sont pas l'essentiel. Le problème de fond est ce grignotage, cette attaque contre le droit de grève à laquelle le gouvernement se livre, en particulier à travers l'obligation de se déclarer gréviste 48 heures avant le début de la grève, ou la consultation après huit jours de grève. C'est cela qui heurte une sensibilité dont il n'est pas certain qu'elle soit typiquement française. Le ministre aurait pu s'attaquer à des problèmes plus importants.
Le premier est celui de l'investissement. Dans beaucoup de projets qui relevaient des transports terrestres réguliers et publics, l'investissement de l'État a fait défaut. Il en est ainsi du tramway du boulevard des maréchaux à Paris, ou encore de la couverture du périphérique.
S'agissant spécifiquement du transport ferroviaire, le mot d'ordre de la SNCF depuis 25 ans a été : tout pour le transport des voyageurs, tout pour le TGV. Les lignes et les arrêts secondaires ont été délaissés, sans parler du fret, qui est une véritable catastrophe.
Autre problème : la cherté du transport ferroviaire, à laquelle on pourrait éventuellement répondre par une modulation sociale de l'accès aux transports publics, qui sont relativement chers par rapport à d'autre modes de transport, tels que le fret, pour les camions, ou la voiture, pour les hommes.
L'étalement urbain est aussi un problème. Proposer une sorte de rêve français, celui des petits lotissements où chacun a sa voiture et sa maison individuelle, avec un jardin de 300 mètres carrés, est une catastrophe pour les transports publics terrestres. Dans notre mode de vie actuel, tout est fait pour le transport individuel à moteur thermique, qu'il s'agisse du fret ou des voyageurs. Notre civilisation va être confrontée à un problème. Depuis un siècle et demi, elle vit avec un prix de l'énergie extrêmement bas, ce qui ne sera plus le cas dans les prochaines années. Il faudra répondre à une demande accrue des voyageurs, tout en menant une politique de baisse des tarifs. Tel est l'enjeu principal des cinq années à venir.