Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Xavier Bertrand

Réunion du 24 juillet 2007 à 15h00
Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs

Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarit :

s'est réjoui de l'occasion qui lui est donnée de présenter aux membres de la commission spéciale le projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs. Ce texte répond à trois objectifs : éviter au maximum le recours à la grève en jouant la carte de la prévention des conflits ; éviter la paralysie des transports terrestres en cas de grève ; améliorer la situation des usagers en cas de grève, notamment en faisant émerger un véritable droit à l'information des clients des services publics de transport terrestre.

Trois volets correspondent à ces objectifs :

– le premier est consacré à la prévention des conflits dans les entreprises de transport,

– le second traite de l'organisation du service en cas de grève ou autre perturbation prévisible du trafic,

– le troisième est relatif aux droits des usagers.

En ce qui concerne la prévention des conflits, le gouvernement n'est pas parti d'une page blanche. Un certain nombre d'accords ont en effet déjà été signés, en particulier à la RATP, à la SNCF, qui ont montré qu'en jouant la carte de la prévention des conflits on évitait souvent le recours à la grève. Les parlementaires avaient également beaucoup travaillé sur ce thème et la proposition de loi du rapporteur de la commission spéciale avait en son temps recueilli un nombre impressionnant de signatures.

Le projet vise à donner une base légale aux accords d'entreprise qui ont été signés en vue de mettre en place des procédures d'alarme sociale. L'enjeu n'est pas seulement juridique : il s'agit de faire en sorte que, comme dans beaucoup de pays, la négociation précède l'action, et non plus l'inverse.

Le premier volet du projet de loi pose ainsi le principe d'une négociation obligatoire dans les entreprises de transport public, qui doit aboutir, avant le 1er janvier 2008, à la signature d'un accord cadre qui fixera une procédure de prévention des conflits prévoyant une négociation préalable à organiser avant le dépôt de tout préavis de grève. Il s'agit tout simplement d'amener systématiquement les différents interlocuteurs à négocier car on sait qu'il y a ainsi moins de conflits et, surtout, moins de grèves.

Le Sénat a adopté un amendement en vertu duquel les négociations auxquelles seront tenues les entreprises seront également engagées au niveau de la branche. Les accords de branche éventuellement conclus s'appliqueront dans les entreprises où aucun accord cadre n'a pu être signé. Par ailleurs, un décret en Conseil d'État interviendra, juste après le 1er janvier 2008, pour traiter le cas des entreprises où les négociations collectives n'auraient pas abouti.

L'accord cadre négocié fixera les conditions dans lesquelles la négociation précédant le dépôt de tout préavis de grève se déroulera entre l'entreprise et les organisations syndicales représentatives. Les organisations syndicales représentatives devront être réunies par l'entreprise au plus tard dans les trois jours suivant la transmission des motifs pour lesquels le dépôt d'un préavis de grève est envisagé, la négociation ne pourra pas excéder huit jours. On en demeure donc bien au préavis légal de cinq jours, mais avec un délai préalable pour négocier.

Enfin, le projet prévoit que lorsqu'un préavis de grève a été déposé, le dépôt d'un autre préavis ne peut intervenir avant l'échéance du préavis en cours. Ainsi, la pratique dite des « préavis glissants » ne sera plus susceptible d'être utilisée dans les entreprises de transport public.

Le deuxième volet est également très important. En effet, on ne saurait laisser croire aux Français qu'une fois la négociation engagée on se moque de ses résultats. C'est pourquoi le projet traite également de l'organisation du service en cas de grève ou d'une autre perturbation prévisible du trafic.

Des règles d'organisation du service public sont ainsi prévues :

– la définition de priorités de desserte et de besoins essentiels par les autorités organisatrices de transport, c'est-à-dire par les collectivités locales qui ont la responsabilité de l'organisation des transports publics. Il est en effet important de savoir quelles sont les vraies priorités de desserte pour telle ou telle ligne, surtout si l'on tient compte des critères posés par le gouvernement et renforcés par le Sénat ;

– la mise en place de procédures qui permettront aux entreprises de connaître avec plus d'anticipation les moyens en personnels dont elles vont disposer durant la grève. C'est en particulier l'objet de la déclaration préalable des agents ;

– la possibilité d'organiser une consultation indicative, au bout de huit jours, sur la poursuite de la grève ;

– le renforcement des droits des usagers en matière d'information.

Le projet ne retient pas une définition uniforme du service minimum, mais la renvoie, dans le respect des principes cadres qu'il fixe, aux autorités aptes à prendre en compte les spécificités locales et les réalités de terrain. Il est évident que les besoins d'une ville comme Saint-Quentin ne sont pas les mêmes que ceux de la région parisienne. Ainsi, en province, la question du retour à la maison des collégiens pour déjeuner le midi se pose plus fréquemment. C'est pourquoi le gouvernement a fait le choix du sur-mesure et de la loi-cadre, même si celle-ci sera plus précise que l'on pouvait s'y attendre. Mais il lui semble que la définition des priorités de dessertes est un sujet qui ne prête guère à la polémique.

Ces priorités doivent concerner, au premier chef, les déplacements quotidiens de la population. Les autorités organisatrices de transport vont ainsi définir les dessertes auxquelles l'accès, parce qu'il constitue un besoin essentiel de la population, doit être assuré en toutes circonstances, y compris en cas de grève. Elles devront donc trouver le point d'équilibre entre le respect, d'une part, du droit de grève, qui est mentionné dans ce texte, et d'autre part, d'autres droits à valeur constitutionnelle : continuité de l'accès aux services publics, liberté du travail, liberté d'aller et venir, liberté du commerce et de l'industrie.

Il reviendra aux entreprises de transport d'arrêter, chacune, un plan de transport adapté et un plan d'information des usagers. Les plans de transport adapté devront être intégrés dans toutes les conventions d'exploitation conclues entre les autorités organisatrices et les entreprises de transport à partir du 1er janvier 2008. En cas de carence des autorités organisatrices, l'État pourra intervenir, par l'intermédiaire du préfet, en arrêtant lui-même les priorités de desserte.

Par ailleurs, le projet prévoit que les entreprises de transport et les organisations syndicales représentatives négocient en vue de la signature, avant le 1er janvier 2008, d'un accord collectif de prévisibilité. Cet accord fixe les conditions dans lesquelles le service est organisé lors d'une grève ou d'une autre perturbation prévisible du trafic, par exemple une alerte météorologique. L'accord précisera notamment la façon dont les personnels non grévistes peuvent être réaffectés durant la grève.

En outre, et c'est l'un des points importants du projet, les salariés doivent informer l'entreprise, au plus tard 48 heures avant le début de la grève, de leur intention ou non de se joindre au mouvement. Cette déclaration préalable d'intention ne vaut que pour les salariés dont la présence détermine directement l'offre de service. S'ils ne la respectent pas, ils encourront des sanctions disciplinaires. De son côté, l'entreprise qui utiliserait les informations contenues dans les déclarations préalables à d'autres fins que l'organisation du service ou qui les communiquerait à un tiers serait passible de sanctions pénales.

Le Sénat a également souhaité que, dès le premier jour de grève, un médiateur puisse être nommé d'un commun accord entre l'entreprise et les syndicats.

Le projet de loi prévoit aussi qu'au bout de huit jours de grève, une consultation peut être organisée, à la demande de l'entreprise, des syndicats ou du médiateur, sur la poursuite de la grève. Cette consultation a lieu à bulletin secret.

En ce qui concerne les droits des usagers, ce texte marque l'émergence d'un véritable droit à l'information et modifie donc la logique d'un certain nombre d'entreprises en cas de grève.

Il renforce les droits des usagers en matière d'information, en imposant aux entreprises de transport de faire connaître, au moins 24 heures avant le début de la grève, le service qui sera assuré. Il rend possible d'imposer aux entreprises qui ne respecteraient pas les obligations le remboursement aux usagers des titres de transport non utilisés pour cause de grève ou la prolongation de l'abonnement.

Enfin, le projet rappelle le principe du non paiement des jours de grève. Le Sénat a voulu être encore plus clair sur ce point.

Ce texte concerne la SNCF et la RATP, mais aussi toutes les entreprises de transport de voyageurs. Il ne vise pas seulement l'Île-de-France mais l'ensemble du territoire métropolitain et ultramarin. Il se veut à la fois ambitieux et pragmatique. Il repose sur la volonté d'améliorer de façon très pratique la situation des usagers. Les entreprises de transport vont également devoir modifier certaines habitudes, en particulier en termes de communication et d'information, domaines où les marges de progression sont importantes.

Il faut être conscient qu'en cas de grève, on devra probablement faire face à un service réduit, avec moins de trains, plus de monde dans les trains. Dans ce cas, ce qui est important, ce n'est pas de savoir qu'il y aura un train sur deux mais, précisément, si le train de 7 h 02 sera à quai le lendemain matin. Car il est insupportable d'attendre à un arrêt un bus ou un train qui ne viendra peut-être jamais. C'est pour cela que le droit à l'information est tellement important car il va aussi changer la logique d'organisation du service en cas de grève.

Le Président Hervé Mariton a rappelé que l'on dit souvent que lorsqu'une grève concerne un tiers des personnels, elle perturbe les deux tiers du service. Un des enjeux est donc d'optimiser les moyens disponibles afin d'assurer un meilleur service aux clients et de savoir si les entreprises de transport sont elles-mêmes prêtes à entrer dans ce jeu.

Par ailleurs, au-delà de la distinction entre les transports quotidiens – dont on comprend bien qu'ils sont l'objectif principal du texte – et ceux qui ne le sont pas, la question se pose de savoir si le dispositif proposé, en particulier ce qui a trait au droit à l'information, peut aussi concerner les clients des grandes lignes de la SNCF.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion