L'approche régionale est indispensable pour sortir de l'imbroglio afghan. Le contexte régional est un élément de la complexité du dossier afghan. Chaque pays y a des ethnies, donc des clans que l'on peut considérer comme ses relais, ou ses vassaux. Ainsi, le Président Karzaï a salué le résultat des dernières élections en Iran car il a besoin des voix des chiites pour sa réélection.
L'Afghanistan est géographiquement au carrefour de plusieurs mondes et civilisations – perse, asiatique, indienne –. Il est aussi entouré de quatre puissances nucléaires, peut-être d'une cinquième prochainement, et sa frontière n'est pas stabilisée avec son voisin pakistanais. La question du Cachemire entre l'Inde et le Pakistan est l'une des raisons de la persistance du conflit en Afghanistan, car le Pakistan préfère aider le mouvement taliban plutôt qu'avoir un régime pro-indien à Kaboul.
Le contexte économique et social est également très trouble, et la crise sociale favorise la montée d'un Islam radical, qui se forge dans des madrasahs (écoles coraniques) qui diffusent un message simpliste.
Pour autant, aucun voisin de l'Afghanistan ne souhaite le retour des taliban. Il est donc possible de parier sur une nouvelle donne régionale en pariant sur l'intérêt de chaque pays limitrophe à un Afghanistan pacifié, qui retrouverait son rôle d'espace de transit commercial. C'est ce processus que la diplomatie française a encouragé au mois de décembre 2008, de même que l'administration américaine du Président Barack Obama, qui, en déclarant rompre avec le concept d'axe du mal, se tient prête à dialoguer avec toutes les puissances d'Asie centrale et du Sud. Ainsi les Etats-Unis souhaitent-ils dialoguer avec l'Iran et contribuer à la stabilisation du Pakistan, sous réserve que plusieurs conditions soient remplies. En tant que Rapporteurs, nous ne pouvons qu'approuver cette stratégie, ne serait-ce que pour convaincre le Pakistan d'abandonner son obsession d'axe de profondeur stratégique lorsqu'il envisage ses rapports avec Kaboul. Le double jeu des services pakistanais, avec un soutien occulte aux taliban, enfants de la guerre froide, n'a en effet jamais cessé. Même si l'armée pakistanaise semble avoir la volonté d'éradiquer le talibanisme au Pakistan, elle ne semble toujours pas vouloir cesser son aide aux insurgés afghans.
La communauté internationale n'a pas d'autre choix que d'aider l'armée pakistanaise à mener un combat difficile qui a le caractère d'une guerre civile, qui provoque une catastrophe humanitaire ayant conduit au déplacement de centaines de milliers de personnes. S'agissant de l'aide, il paraît opportun de ne pas la soumettre à des exigences de conditionnalité si celle-ci a effectivement une destination civile.
L'Union européenne, qui doit améliorer l'efficacité et la visibilité de son aide, comme la France peuvent jouer un rôle dans la stabilisation du Pakistan dans de nombreux domaines : formation, investissements, coopération militaire, sécurisation des installations nucléaires… Il reste que l'apaisement du conflit régional ne se fera pas rapidement, car l'Inde, hostile aux taliban d'un côté, n'est pas prête à la moindre concession sur le Cachemire.
L'Iran, qui a de nombreux intérêts à voir un Afghanistan stable, s'est montré disposé à contribuer au processus de paix, tout en souhaitant à l'évidence un départ de la FIAS.
L'ensemble des efforts diplomatiques des Etats intéressés par un règlement pourrait déboucher sur une conférence régionale parrainée par les Etats-Unis et l'Union européenne, ou par l'ONU, afin de garantir à l'Afghanistan une paix durable, un statut de neutralité et l'engagement de ses voisins à ne pas s'ingérer dans ses affaires. Cette conférence pourrait être préparée par un groupe de contact regroupant les pays frontaliers de l'Afghanistan, plus l'Inde.