Le contexte dans lequel nous avons travaillé depuis 6 mois, lorsque nous a été confiée la présente mission, a profondément évolué. C'est pour cette raison que nous présentons notre rapport avec une grande humilité, car nous sommes devant une situation complexe. L'Afghanistan est un Etat tampon, qui subit les influences de ses voisins, influences qui ne sont pas toutes pacifiques et stabilisatrices. Il constitue un pays multiethnique, ce qui a généré, tout au long de son histoire une instabilité chronique. Nous avons retrouvé des propos qui, tenus à un siècle d'intervalle par Winston Churchill et des officiers soviétiques, conservaient une actualité surprenante. Enfin, la situation politique de ce pays et de son voisin pakistanais évolue très rapidement. Nous avons ainsi conduit nos travaux alors que les Etats-Unis mettaient en oeuvre leur nouvelle stratégie à l'égard de l'Afghanistan et du Pakistan. Nous les achevons alors que le résultat des élections présidentielles en Iran risque d'altérer le processus de paix dans la région.
Humilité ne signifie ni résignation, ni renonciation à toute ambition. Notre rapport s'intitule « Afghanistan, un chemin pour la paix », car nous considérons que nous avons un impérieux devoir de prospection pour sortir d'un conflit douloureux pour la population afghane, et important pour la crédibilité de notre engagement politique.
La recherche de la paix nous semble fondamentale car si nous avons constaté une nette inflexion de la situation militaire, il est important que le consensus politique sur la base duquel notre pays s'est engagé en 2001 soit rétabli. En 2001, M. Jacques Chirac, Président de la République et M. Lionel Jospin, Premier ministre, étaient d'accord sur les objectifs de guerre et la nécessité de respecter le pacte atlantique de solidarité avec les Etats-Unis. Ce consensus s'est délité, pour aboutir à une division de la classe politique lors du vote au Parlement en 2008 sur notre présence en Afghanistan. Il nous apparaît primordial de le rétablir, mais cela ne peut être assuré que sur un seul fondement : une perspective de paix.
L'intervention militaire de 2001 a atteint ses objectifs initiaux : renverser les taliban et les empêcher de reprendre le pouvoir. Mais rien n'est réglé. La coalition n'a pas mis assez de moyens pour tenir le terrain, notamment parce que les Etats-Unis faisaient de l'Irak leur priorité, et la nature du conflit – un conflit asymétrique, fait de guérillas et contre guérillas, d'attentats suicide – rend difficile la sécurisation totale du territoire afghan. Néanmoins, la situation militaire évolue favorablement, avec, côté français, des forces qui ont pris la mesure de leur adversaire et qui sont repassées à l'offensive.
Comme la guérilla risque de se poursuivre encore longtemps notre conviction est que ce conflit ne peut être gagné sur le seul plan militaire. Il est indispensable que les forces de la coalition disposent d'un rapport de force militairement favorable pour rechercher une solution politique.
Au plan intérieur, l'année 2009 est dominée par l'élection présidentielle du mois d'août. Outre le Président Karzaï, 44 candidats sont en lice, témoignant ainsi de la vitalité de la vie politique afghane. Mais les conditions de l'élection seront nettement différentes de celles de 2004. L'opposition est plus virulente et la conduite de la campagne électorale sera plus difficile en raison du manque de sécurité dans le pays. Il est impératif que la FIAS permette le bon déroulement du processus électoral. Le récent exemple iranien montre l'importance d'un scrutin sincère et régulier. Dans le cadre de l'Afghanistan, c'est un préalable indispensable au processus de paix.
L'autre problème de politique intérieure concerne la réconciliation nationale, que le Président Karzaï souhaiterait mener à son terme avant l'élection présidentielle pour faire de celle-ci un plébiscite sur le retour à la paix civile. Il n'est pas certains que ses adversaires lui fassent ce cadeau… Il reste que ce processus est indispensable, notamment avec les insurgés, pour rétablir la paix entre les forces politiques et entre les ethnies.
L'objectif de notre présence, en sus de la lutte contre le terrorisme, est de construire l'Etat afghan et d'assurer l'aide à son développement. Il est important de poursuivre la restructuration de l'Etat, qui dispose d'un pouvoir exécutif avec son Président, d'un Parlement qui mène de nombreux débats, et d'une armée nationale en constant progrès. La police, en revanche, doit être mieux soutenue, car elle mène de véritables opérations de guerre alors que ses agents, mal rémunérés, sont sensibles à la corruption.
Le montant de l'aide internationale est loin d'être conforme aux engagements annoncés. L'écart peut aller jusqu'au double… Pour la France, il faut souligner l'efficacité du travail de notre collègue, Pierre Lellouche, Représentant spécial pour l'Afghanistan et le Pakistan, qui a permis à l'aide française de retrouver le niveau auquel notre pays s'était engagé. Mais l'ensemble de l'aide internationale est sujet aux pertes en ligne, car un pays en guerre génère une économie de guerre. Les grandes institutions civiles et militaires sont les premières bénéficiaires des investissements tandis que la population afghane en ressent peu les bénéfices. Par ailleurs, cette aide souffre d'un tel manque de coordination qu'il est actuellement impossible de la mesurer avec exactitude. Ainsi, l'Union européenne n'a toujours pas achevé le Livre bleu sensé retracer toutes les contributions européennes.
Les 25 propositions que nous faisons ont pour objectif de dégager les logiques qui peuvent conduire vers la paix. Elles partent d'une analyse de la situation existante pour s'efforcer d'en dégager les éléments qui favorisent, à tous les niveaux, la recherche d'une solution négociée.