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Intervention de Dominique Strauss-Kahn

Réunion du 25 mars 2009 à 16h15
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI :

Monsieur Bapt, la BCE est en effet plus optimiste que le FMI. J'espère qu'elle a raison. Jusqu'à maintenant, cela n'a pas été le cas. Force est de reconnaître qu'une banque centrale n'a pas les mêmes moyens d'information que nous. Le travail du FMI a l'avantage d'être une gigantesque machine d'itération, permettant de rendre l'ensemble cohérent.

Le Forum de stabilité financière, le FSF, créé il y a dix ans par le G7, regroupe les principaux banquiers centraux et diverses institutions de contrôle, afin de réfléchir sur la régulation. C'est un rôle qu'il remplit assez bien, mais il s'agit avant tout d'une coordination de ce qui se fait par ailleurs – en matière bancaire, en matière de comptabilité ou en matière d'assurance. Il est bien que cet outil soit étendu au G20.

Monsieur Goua, certes les Chinois disposent d'un moyen de pression sur les Américains, mais ils n'ont pas intérêt à ce que la situation des Etats-Unis soit trop mauvaise. Par ailleurs, l'une des missions du FMI est de surveiller l'évaluation des devises. Le RMB, le yuan est très fortement sous-évalué, c'est vrai, mais le plus important aujourd'hui est que la Chine contribue à soutenir la croissance. De plus, le fait que le plan de relance chinois recentre sur la consommation intérieure la production chinoise, jusqu'ici très largement tournée vers l'exportation, va avoir pour effet de faire remonter le RMB. Quant à l'idée d'une autre monnaie de réserve, ce n'est que de l'affichage. Mais j'ai la conviction que les décennies à venir seront dominées par la relation Chine–Etats-Unis, par rapport à laquelle l'Europe doit déterminer son positionnement. Il ne s'agit pas seulement de questions financières – je pense en particulier à la présence chinoise en Afrique.

Madame Brunel, je ne puis répondre à votre question sur la marge de manoeuvre de la France en matière d'endettement. Quant aux agences de notation, je suis très réservé sur leur activité : le contrôle public de ce bien public mondial qu'est l'information sur la situation du monde me paraît indispensable ; l'encadrement de ces agences me semble donc faire partie des questions de régulation dont il faut débattre.

Monsieur Asensi, je reconnais volontiers que le FMI peut avoir un rôle politique. En revanche, je ne partage pas votre vision du Fonds. Quand un pays fait appel au FMI, c'est qu'il ne peut vraiment pas faire autrement. Lorsqu'il se trouve en cessation de paiements parce qu'il a accumulé des déficits publics pendant des années, le FMI lui apporte son aide ; mais celle-ci ne servirait à rien si elle ne s'accompagnait pas d'une correction de la situation budgétaire. Ce qui est nouveau de la part du FMI, c'est qu'il essaie de faire en sorte que, dans le cadre du plan que lui propose le pays pour réduire son déficit, toute l'attention nécessaire soit portée, avec son aide, aux personnes les plus fragiles. A ce sujet, et pour exemple, l'affirmation que je déplore d'avoir lue dans la presse, selon laquelle le FMI aurait demandé de réduire les salaires des fonctionnaires en Hongrie est totalement erronée : il revient évidemment au gouvernement hongrois de déterminer comment il choisit de réduire son déficit. Le FMI ne fait que demander de soigner le mal. Certes c'est un exercice douloureux, mais les choix ne relèvent pas de nous – même s'il est bien compréhensible que les gouvernements préfèrent, vis-à-vis de leur opinion, en rejeter la faute sur le FMI.

Monsieur Tron, je ne crois pas beaucoup à l'effondrement du dollar, même s'il est difficile de faire de pronostics. Force est de constater que dans le contexte actuel de crise, le dollar se tient plutôt bien, contrairement à ce qu'on aurait pu attendre, sans doute parce que c'est encore dans l'économie américaine que les investisseurs conservent le plus de confiance.

Monsieur Bouvard, les fonds souverains ne se concentrent pas sur des investissements stratégiquement agressifs. En outre, on peut comprendre que les Saoudiens, par exemple, quand on leur demande d'augmenter la production de pétrole, veuillent investir comme ils l'entendent les revenus de leurs activités pétrolières. Les fonds souverains ne voient pas pourquoi on leur demanderait des comptes alors que nous n'en demandons pas aux hedge funds. Leurs investissements se portent d'ailleurs souvent sur des secteurs dont ils pensent qu'ils seront profitables à très long terme, ce qui rejoint votre préoccupation.

Quant à la compagnie AIG, elle portait à l'origine une grande partie des actifs toxiques, mais la localisation de ces actifs est de plus en plus difficile. Notre estimation de 2.200 milliards de dollars est fondée sur les risques que nous constatons, mais nous aurions besoin d'une analyse microéconomique : il faudrait que dans chaque pays, les superviseurs analysent les bilans de toutes les banques. Le manque d'informations à ce niveau explique qu'on n'avance pas suffisamment vite dans la correction des déséquilibres. Cela explique aussi mon « pessimisme » raisonné.

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