Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean-Yves Placenti

Réunion du 15 octobre 2008 à 10h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jean-Yves Placenti :

Je ne reviendrai pas sur ce qu'ont dit avant moi mes confrères, qu'il s'agisse de la réalisation du budget, des ressources exceptionnelles ou de la sous-évaluation des OPEX – un problème récurrent depuis plusieurs années, en dépit des progrès réalisés.

L'UNSA-défense s'est permis d'envoyer, il y a quelques jours, au ministre une lettre ouverte dont je citerai certains extraits. Elle résume le sentiment général de notre organisation et ses attentes en ce qui concerne le budget de la défense pour 2009. Nous tenions à faire part au ministre de deux ou trois réflexions, dans l'espoir que, contrairement à ce qui s'est passé cette année, elles ne restent pas lettres mortes lors de la préparation du projet de budget 2010. Ces réflexions tournent autour des trois thèmes que l'UNSA-Défense a l'habitude d'aborder devant les responsables de la politique de défense : l'emploi, l'emploi des crédits et l'emploi des personnels.

L'UNSA-Défense n'a pas caché à M. Morin le peu d'enthousiasme des personnels à l'issue des annonces faites cet été. Je crains qu'il faille maintenant lui faire part de l'amertume des personnels civils que l'on pousse dehors afin de faire de la place aux militaires réintégrés dans les cadres civils de la défense. L'UNSA-Défense comprend très bien que le ministère de la défense ait des devoirs envers ses personnels militaires, et elle serait très mal placée pour tenir un discours tendant à condamner la politique volontaire de reconversion menée au profit des militaires. Au contraire : c'est une politique tellement remarquable que le ministre serait bien inspiré de l'étendre à tous ses personnels. Mais il n'apparaît pas sain de développer un jeu de chaises musicales qui a pour effet de marginaliser encore plus cette minorité que constitue la composante civile de l'administration de la défense, et d'en fragiliser la gestion.

Le ministre ne peut ignorer que les mesures de reclassement prises en faveur des militaires, pour justifiées qu'elles soient, sonnent comme des privilèges exorbitants dès lors que l'ensemble des agents de son département n'en bénéficie pas. Ainsi, pour prendre un exemple, pourquoi l'accession de sous-officiers à des postes d'encadrement supérieur serait-elle possible, dès lors que les intéressés détiennent un niveau de qualification jugé suffisant, alors qu'elle reste fermée pour les employés et les cadres de maîtrise civils disposant des mêmes qualifications ?

Pour ce qui la concerne, l'UNSA-Défense ne peut partager une conception de la réforme qui passe obligatoirement par une réduction homothétique des composantes civiles et militaires de nos armées et services. Comme vous le savez, depuis la LOLF, la maîtrise de la masse salariale importe plus que les effectifs. Après quelques passes d'armes et combats d'arrière-garde, l'administration a été contrainte d'admettre que les personnels civils sous statut coûtent moins cher que les personnels militaires – de l'ordre de 20 à 30 %. Moyennant quoi, pour préserver la paix sociale des états-majors, qui, plus que tout, détermine les grands équilibres de la défense, notre ministre continue à donner son quitus pour que les fonctions de soutien administratif soient assurées par des personnels militaires, dont une bonne partie n'aura jamais de vocation opérationnelle. Il s'apprête ainsi à confier à des militaires le commandement de quatre-vingt-sept bases de défense sur quatre-vingt-dix, et les informations dont l'UNSA-Défense dispose laissent penser que l'encadrement de ces services de soutien sera assuré par une majorité de militaires, laissant aux civils les tâches d'exécution. Au lieu de déployer une politique volontariste de promotion de la réserve parmi les personnels civils de la défense, on continue à donner aux états-majors l'illusion de régner sur des bataillons de militaires – de plus en plus administratifs, hélas ! – en échange de la réduction du format des unités de combat.

L'UNSA-Défense est persuadée que l'avenir de nos armées est lié à la dynamisation de leur composante civile, et non à la vision passéiste et corporatiste qui a seule droit de cité dans les états-majors – et donc au ministère.

Ainsi, pour l'UNSA-Défense, l'emploi public ne saurait être l'ennemi des réformes. En revanche, une inflexion des habitudes doit être donnée, qui ne pourra venir que du pouvoir politique.

Il appartient donc au ministre de la défense de mettre en oeuvre cette réforme pour que les armées et services de notre ministère s'ouvrent, grâce aux économies dégagées par la réduction des effectifs militaires de soutien et la montée en puissance corrélative de la composante civile, les marges de manoeuvre budgétaires nécessaires au maintien de la condition opérationnelle de nos forces.

On a vu couler bien des larmes de crocodile ces dernières semaines, lorsque dix de nos soldats ont subi, en Afghanistan, les dommages collatéraux de la politique menée depuis des années. Pour notre part, nous dénonçons depuis plus de dix ans la gabegie qui règne dans ce ministère. Au lieu d'équiper ses forces, on préfère développer les corps administratifs que l'on peuple de militaires, et ce pour un coût faramineux. Aujourd'hui, alors que dix de nos soldats se sont fait tuer, on pleure parce que l'on n'a pas été capable de les équiper. C'est d'une indécence ignoble.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion