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Intervention de Frédéric Péchenard

Réunion du 13 mai 2009 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Frédéric Péchenard, directeur général de la police nationale :

Je m'élève contre l'idée reçue concernant la répartition du travail entre CRS et gendarmes mobiles : dans toutes les opérations de maintien de l'ordre, ils interviennent à peu près à parité. Je m'engage d'ailleurs à vous transmettre dans les meilleurs délais les statistiques d'emploi des CRS et des gendarmes mobiles.

Chaque force a sa spécificité, les gendarmes mobiles étant plus « bloquants » et les CRS plus mobiles ; l'utilisation de l'une ou de l'autre force est laissée à la libre appréciation de chaque préfet. Les CRS travaillent d'autant mieux la nuit et le week-end que leurs heures supplémentaires sont intégralement payées et non récupérées. Les seules différences tiennent certainement aux exigences en ce qui concerne le cantonnement, les gendarmes acceptant des conditions de vie plus rudimentaires que les CRS. C'est sans doute la marque de leur statut militaire.

En revanche, l'Outre-mer est de la compétence exclusive de la gendarmerie mobile. Je précise que des compagnies départementales d'intervention y sont également positionnées. Celle de la Guadeloupe, composée à 100 % de personnels locaux, s'est d'ailleurs récemment avérée très utile : aucun problème de racisme n'a par exemple pu être mis en avant lorsqu'elle a été déployée.

Il n'est pas question de dénier à la gendarmerie le droit, mais aussi le devoir de recueillir du renseignement. Elle le fait du reste au quotidien pour fournir de l'information aux préfets et la plupart des informations recueillies sont transmises à l'autorité compétente sur un même document qui récapitule les informations émanant des deux services. Sur le renseignement lié à la lutte contre le terrorisme, les informations recueillies par la gendarmerie sont très utiles : ainsi elle est la première informée des vols de véhicules au pays basque qui est sa zone de compétence. À l'étranger, la police est peu présente, que ce soit en Afghanistan, à Gaza ou en Irak ; la gendarmerie assure alors la collecte du renseignement pour l'ensemble des organismes français. Tout le monde doit recueillir du renseignement brut ; l'important est que son exploitation soit centralisée.

Un colonel de gendarmerie est intégré à mon cabinet et fait fonction d'interface entre la police et la gendarmerie. Il assiste à ce titre à toutes les réunions et peut en faire état à son directeur général. Quand les deux directeurs seront dans le même bâtiment, sa fonction ne présentera plus d'intérêt. J'ai proposé qu'il soit alors nommé numéro deux de l'unité de coordination de la lutte antiterroriste, qui dépend de mon cabinet, c'est-à-dire à une position centrale pour faire monter et descendre les informations avec la gendarmerie. Il me semblait indispensable que la gendarmerie soit plus étroitement associée à cet organisme où sont déjà représentés tous les autres services de sécurité.

La lutte antiterroriste en Corse présente la particularité d'être partagée entre la police et la gendarmerie. C'est une idée des magistrats mais, franchement, je ne suis pas sûr qu'elle soit bonne. Quand un même groupe attaque à la roquette un cantonnement de CRS le lundi et une caserne de gendarmerie le jeudi, il serait plus efficace et plus opérationnel que les deux enquêtes soient menées par le même service. Pour que les services communiquent, je souhaite au moins que soient créées des équipes communes d'enquête, même si je suis conscient de l'importance du facteur humain en la matière.

Pour le secours en haute montagne, j'avais le sentiment que le problème se posait surtout avec la sécurité civile. Les gendarmes et les CRS me semblent travailler ensemble dans d'excellentes conditions, les deux forces intervenant pour une semaine à tour de rôle. J'ai accepté il y a un an et demi que la gendarmerie conserve les enquêtes sur la totalité des missions, les CRS n'y étant pas trop défavorables. Il serait tout à fait envisageable que le secours en montagne soit du ressort exclusif de la gendarmerie, des CRS ou de la sécurité civile mais le dispositif actuel me semble déjà très efficace et il serait inutile de le remettre en cause.

Pour ce qui est des effectifs, il s'agit d'environ 150 000 policiers et de 100 000 gendarmes. La zone police couvre 5 % du territoire national et la zone gendarmerie 95 % mais la délinquance se concentre dans la zone police avec plus de 70 % de la délinquance générale, plus de 80 % de la criminalité organisée et 90 % des cités sensibles. Sur les 500 000 placements en garde à vue de l'an dernier, 400 000 ont été effectués par la police.

Quant aux mutualisations, facteur d'économies, je vous en donnerai trois exemples: l'achat de la Peugeot 308 sérigraphiée au terme d'un marché public conjoint ; l'acquisition de pistolets Sig Sauer, conditionnés et réparés sur un site unique ; l'équipement en lanceurs de balles de 40, fusil appelé à remplacer le flash ball, permettant de toucher un individu à trente ou quarante mètres. À Bastia, lors de la dernière manifestation, faute d'un tel outil qui leur aurait permis de tenir les émeutiers à distance, les CRS et les gendarmes mobiles engagés ont compté soixante-dix-sept blessés. Il est indispensable que les forces mobiles, qui ne peuvent faire usage de leurs armes qu'en cas de légitime défense, disposent de moyens intermédiaires de réponse. Pour autant, toute arme, y compris le Taser ou le lanceur de 40, est potentiellement létale et peut occasionner des blessures graves. Un jeune homme vient ainsi de perdre un oeil à Villiers-le-Bel, ce qui constitue pour nous un problème majeur.

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