Dans la police aussi les inquiétudes sont fortes. Il me semble important de rassurer les gendarmes, mais il m'appartient également de répondre aux interrogations des policiers.
Je ne m'oppose pas au principe d'une haute autorité mais je suis hostile à la création d'un organisme qui aurait pour objet de superviser et de coordonner les deux forces, comme c'est le cas en Espagne, où elles relèvent d'un directeur commun. Deux raisons principales expliquent ce refus : cela préfigurerait une fusion et cela priverait les deux directeurs généraux de l'accès direct au ministre de l'intérieur dont ils jouissent actuellement. Cette proximité est en effet indispensable pour que l'autorité politique puisse trancher en cas de besoin.
Les propos que j'ai tenus en ce qui concerne la police judiciaire ont été parfois déformés. Je tiens à être très clair : il n'est pas question qu'elle devienne une compétence exclusive de la police nationale ; aucun policier ne l'a d'ailleurs jamais prétendu. Cette mission concerne toutes les forces de sécurité intérieure. Cependant, dans deux domaines spécifiques de la police judiciaire que sont la lutte contre le terrorisme et la lutte contre la criminalité organisée, je ne souhaite pas voir se développer des pôles de compétence non coordonnés. Ainsi, l'unité chargée de coordonner l'action de police judiciaire dans ces deux domaines, la direction centrale de la police judiciaire, au travers de sa plate-forme SCCOPOL (section centrale de coopération opérationnelle de police), point d'entrée unique vers INTERPOL et EUROPOL, est animée par des policiers, des magistrats mais aussi, naturellement, par des gendarmes. Pour le reste de la coopération internationale, nous disposons d'offices centraux interministériels, rattachés soit à la gendarmerie soit le plus souvent à la police, mais au sein desquels les gendarmes sont toujours nombreux. En matière de police judiciaire, 80 % des affaires sont réalisées par la police nationale et 20 % par la gendarmerie, ce qui n'est pas marginal. L'essentiel est que les structures de coordination, notamment des échanges internationaux, demeurent communes.
Sur les formations, nous allons travailler à la mutualisation de la formation des maîtres-chiens et des motards, cette dernière devant être regroupée sur un site unique à Fontainebleau. Il pourrait en être de même pour les officiers de police judiciaire. En revanche, il n'est pas envisageable de regrouper toutes les formations et certainement pas les formations initiales. L'enjeu consiste à être efficace, c'est-à-dire à gagner de l'argent et du temps, sans prendre le risque de se confondre.
Deux pays européens ont fusionné leur police et leur gendarmerie : la Belgique et plus récemment l'Autriche. En Espagne, l'une des difficultés est la démilitarisation progressive de la guardia civil avec la constitution d'associations qui peuvent ressembler de plus en plus à des syndicats ; cela entraînera automatiquement la disparition du statut militaire et, par voie de conséquence, des interrogations sur le positionnement des deux forces. Quoi qu'il en soit, l'instauration d'un état-major et d'un chef communs préfigure incontestablement la fusion. C'est pour cela que je suis très prudent sur la possible création de toute structure de commandement commune aux deux forces.