a rappelé que le groupe d'amitié France-Afghanistan a procédé à plusieurs auditions pour préparer la conférence du 12 juin.
Après trente ans de guerre civile, d'occupation et de désordres, le bilan de la reconstruction qui a commencé à partir de 2002, n'est pas à la hauteur des sommes engagées et de la volonté affichée par les principaux pays donateurs. Le constat partagé par tous les observateurs est que les aides, qu'elles soient économiques, logistiques ou humaines, sont insuffisamment efficaces. Il ne s'agit pas de critiquer le travail effectué par les organisations étatiques ou non gouvernementales sur le terrain, mais de prendre en compte l'avis de la population. Le groupe d'amitié s'est efforcé de recueillir cet avis au fil des auditions qu'il a organisées.
Environ 80 % des aides sont absorbées par l'administration et l'organisation matérielle des différentes associations qui travaillent sur place. Tous les interlocuteurs du groupe d'amitié indiquent que seulement 20 % des montants engagés ont une véritable lisibilité. Malgré des réalisations non négligeables depuis 2002, la déception de la population afghane est immense.
Parallèlement, la situation économique, politique et de sécurité se dégrade considérablement, surtout depuis un an. Des territoires réputés relativement sûrs connaissent un regain d'insécurité. La faiblesse de l'administration et le développement de la corruption ont empêché la mise en place de structures véritablement démocratiques dans les provinces. On assiste, surtout depuis un an, à un regain d'activité des organisations tribales.
En 2004 et en 2005, pourtant, malgré les inquiétudes des observateurs étrangers, les élections présidentielle et législatives se sont déroulées de façon satisfaisante. La participation a été de 72 % ; et, fait notable, presque une moitié de femmes se sont rendues aux urnes pour la première fois.
Le parlement comporte une chambre haute, la Mechrano Jirga, et une chambre basse, la Wolesi Jirga. Les députés sont élus pour cinq ans. Conformément au quota fixé, il y a 25 % de députées et de sénatrices, soit entre soixante et soixante-dix femmes parlementaires. Si, à Kaboul, des femmes d'un niveau culturel élevé ont été élues, d'autres femmes venues de provinces reculées ont également accédé à des fonctions parlementaires. Cela a représenté un immense espoir : ces femmes, qui n'y étaient pas du tout préparées, ont tenu à être présentes dans la vie démocratique de leur pays par-delà les difficultés de leur propre parcours et de la situation politique générale. On a cependant l'impression que leur enthousiasme tend à décroître. Lorsqu'elles rejoignent le parlement en session, elles ne se sentent pas véritablement associées aux décisions. Jusqu'au dernier remaniement ministériel, il y avait quatre femmes au gouvernement ; il n'y en a maintenant plus qu'une. Certains partis dénoncent l'absentéisme féminin au parlement, qui est réel. Si cette situation perdure, les nouvelles candidates auront du mal à se déterminer pour les élections de 2010 et les femmes qui sont déjà parlementaires ne retrouveront peut-être pas la foi qui les animait lors de leur première élection.
Il existe en Afghanistan plus de cent partis politiques légalement déclarés. Parmi eux, certains vont jusqu'à interdire l'adhésion des femmes. Deux ou trois tentatives de constitution de partis politiques uniquement féminins se sont soldées par des échecs.
Il faut ajouter à cela une situation économique très préoccupante. L'Afghanistan a connu une suite d'hivers particulièrement rigoureux qui ont fait chuter la production agricole. Dans certaines provinces, les conséquences dont dramatiques. C'est donc une certaine régression qu'il faut déplorer, qui nous éloigne des espoirs nés il y a quatre ans.
On notera cependant des avancées dans trois domaines : la santé, l'éducation et les droits de l'homme.
En matière de santé, la mortalité des nourrissons a été réduite de 26 % et la mortalité infantile de 23 %. Les soins se sont améliorés, notamment pour les femmes. Les petits centres de soins primaires sont dotés d'au moins une femme médecin, ce qui permet aux femmes d'aller consulter sans risquer une interdiction de la part de leur époux. La mise en place d'un planning familial donne accès à des méthodes de contraception plus modernes. La contraception des femmes mariées en zone rurale est passée de 5 à 16 %. Enfin, une vaste campagne a permis de vacciner plus de cinq millions de femmes en âge de procréer, pour un coût total de moins de 4 millions de dollars.
Pendant les périodes de guerre civile, en particulier sous le régime des talibans, l'école a été interdite aux filles. Les femmes ont pourtant réussi à maintenir un enseignement par des canaux parallèles. Depuis 2004, six millions d'enfants ont été inscrits dans les écoles et le taux d'alphabétisation a sensiblement augmenté même si, sur environ trente millions d'habitants, onze restent analphabètes. La proportion de filles scolarisées augmente : elles représentent maintenant plus de 40 % des enfants scolarisés. L'engouement des garçons est moindre, d'autant que leur éducation était plus religieuse. Depuis 2001, on a construit 3 500 écoles et l'on prévoit d'en construire encore 4 500 dans les trois prochaines années.
L'activité des universités a repris. Entre 50 000 et 60 000 étudiants sont inscrits pour la prochaine rentrée. Il faut rappeler que l'université de Kaboul était, il y a trente ans, une université phare dont les enseignements étaient reconnus et recherchés.
Les avancées dans le domaine des droits de l'homme doivent également être relevées. La Constitution garantit les droits de l'homme fondamentaux. Une commission indépendante des droits de l'homme a été créée en 2002.
Ces quelques signes permettent d'avoir une vision un peu plus positive de la situation, mais ils restent trop marginaux pour que l'on puisse parler d'une véritable reconstruction.
La France apporte une aide diversifiée qui est particulièrement affirmée – outre le domaine militaire – dans le domaine médical. Cette aide concerne aussi, via un partenariat avec le Japon, l'éducation, notamment l'enseignement universitaire. Enfin, la mise en place d'institutions démocratiques s'est accompagnée de formations très appréciées de la partie afghane. Celle-ci a seulement déploré que l'aide ait été beaucoup trop concentrée dans le temps et que son caractère très généraliste n'ait pas permis pas à un pays qui partait de zéro de mieux asseoir ses connaissances. Ces remarques concernent l'aide que la France a apportée après les élections. En revanche, durant la période de préparation du processus démocratique, l'aide a été plus complète et plus longue, grâce notamment à des échanges avec l'Assemblée nationale et le Sénat ; mais cette formation a concerné l'administration et non les parlementaires.
Pour répondre aux attentes, il conviendrait d'examiner concrètement avec le ministère des affaires étrangères comment les femmes parlementaires françaises pourraient encourager les femmes déjà élues et comment aider celles qui auraient envie de s'intégrer dans la vie démocratique de leur pays. Il serait possible, par exemple, de recentrer plus spécifiquement sur l'aide aux femmes parlementaires un projet intitulé initialement « Promouvoir la contribution de la femme dans la société afghane » en mettant l'accent sur la formation de long terme et la formation de formateurs. Un chiffrage sera bientôt établi. Il faudra certainement privilégier les provinces les plus éloignées, ce qui soulèvera des difficultés considérables compte tenu de la détérioration de la sécurité depuis un an.
De façon plus symbolique, chaque femme parlementaire française pourrait établir des liens avec une de ses collègues afghanes. De toute façon, l'aspiration à une république démocratique est telle que ne rien tenter serait faillir à ce pour quoi les parlementaires français se sont eux-mêmes engagés.