En vous entendant, monsieur le Premier président, on a la forte impression que, texte fiscal après texte fiscal, projet de loi de finances après projet de loi de finances, l'État se prive de ressources qu'il est ensuite obligé d'emprunter précisément à ceux qui viennent de profiter des mesures votées. Je ne dis pas que cela soit systématique, mais il est tentant de faire le rapprochement entre des allègements successifs manquant souvent de visibilité à long terme, voire de cohérence, et la nécessité où l'État se trouve de devoir emprunter à leurs bénéficiaires. Quel est votre sentiment à ce sujet ?
Je vous remercie à mon tour pour ce rapport. Pour au moins deux des mesures du « paquet fiscal », l'exonération des droits de mutation à titre gratuit et le bouclier fiscal, il nous permet de disposer – il n'est jamais trop tard pour bien faire ! – de l'étude d'impact que l'on ne nous a pas fournie à l'été 2007.
Sauf erreur de ma part, la recette des droits de mutation à titre gratuit s'élevait à 9 milliards d'euros. Le coût de l'exonération votée par le Parlement est estimé à 2 milliards. C'est une amputation considérable. De plus, comme 90 % des droits de mutation à titre gratuit étaient déjà exonérés de fait, la mesure revient à réduire de moitié le dernier décile. L'effort collectif ne profite donc qu'à une petite minorité.
Les promoteurs du bouclier fiscal ont souvent affirmé que le dispositif visait à éviter à certains ménages modestes d'être frappés par l'ISF du fait, par exemple, de l'augmentation de la valeur de leur habitation principale. Or il semblerait que seuls 0,08 % des redevables à l'ISF au titre de la première tranche activent le bouclier fiscal, alors qu'ils sont 39 % à le faire dans la dernière tranche. Dès lors, ne peut-on considérer que l'argument de la protection des ménages à revenus modestes soit plus un alibi qu'autre chose ? Certes, le coût du bouclier fiscal – 260 millions d'euros – est bien inférieur à celui de la mesure précédente, mais, comme vous avez bien voulu reconnaître le caractère symbolique de l'ISF, ne considérez-vous pas que ce soit au symbole que certains ont voulu s'attaquer ?
Vous soulignez enfin qu'avec 8 % la France impose plus lourdement le patrimoine que la moyenne des pays de l'OCDE. Mais n'est-ce pas un effet d'optique dû notamment à la prise en compte dans cette moyenne de la très faible imposition du patrimoine en Allemagne ? Il est précisé, à la page 251 du rapport, que le pourcentage est de 10,1 au Canada, de 11,1 aux États-Unis, de 9,1 en Australie, de 12,4 au Royaume-Uni et de 9,1 au Japon.