La présentation du rapport de Jean Launay, et en particulier l'évocation du travail réalisé par la Cour des comptes sur l'Assemblée nationale, me semble appeler quelques remarques.
Tout d'abord, il s'agit d'un audit, et non d'un contrôle. La procédure n'est pas la même, par exemple, que dans le cas des contrôles effectués par les chambres régionales des comptes, que les nombreux élus locaux ici présents connaissent bien. L'audit auquel la Cour a procédé fait suite à une demande déposée par le président et le bureau de l'Assemblée en décembre 2007. Or la publication de certaines informations dans la presse m'incite à apporter quelques précisions.
Ainsi, on a évoqué une progression des dépenses de 47 % sur douze ans. Mais si on la ramène à un rythme annuel, on obtient une moyenne de 4 % par an, ce qui est beaucoup moins spectaculaire que ce que certains ont indiqué. Le rapporteur spécial indique dans son rapport l'évolution de ces dépenses, année par année, de 1996 à aujourd'hui. Or cette période est caractérisée par deux grandes innovations : l'instauration d'une prime d'ancienneté pour les collaborateurs de députés, dont le salaire, auparavant, n'évoluait pas pendant la législature, et la mise à disposition de deux ordinateurs par député.
On a par ailleurs prétendu que l'Assemblée utilisait une dizaine de comptes bancaires. En réalité, elle en a trois : un compte de fonctionnement courant à la Société générale, un compte chez NATIXIS qui ne sert qu'à recevoir le produit de la rétrocession des indemnités journalières par les caisses primaires d'assurance maladie, et un compte dormant à La Poste, qui doit se substituer, en cas de problème, à celui de la Société générale.
Selon le rapport d'audit, l'Assemblée ne disposerait pas d'une compétence éprouvée en matière d'achat. Mais j'observe que l'ensemble des achats qu'elle effectue passe par des marchés publics – nous en acceptons de un à trois par semaine. Dès lors que cette procédure est respectée à la lettre, la référence à « une compétence éprouvée » me paraît convenir bien mieux aux grandes centrales d'achat de la grande distribution qu'à l'Assemblée nationale !
J'ai également lu que l'on reprochait à notre institution une insuffisance de méthode en ce qui concerne la gestion de son fonds de réserve. Nous aurions ainsi perdu 1,8 million d'euros. En fait, ces réserves sont placées sur deux comptes, dont l'un s'est montré plus performant que l'autre. Si c'est ce dernier que nous prenons pour référence, nous avons peut-être perdu de l'argent. Mais nous n'avons pas le droit, me semble-t-il, de mettre tous nos oeufs dans le même panier – et si nous l'avions fait, on aurait sans doute pu nous le reprocher. En outre, 1,8 million d'euros représente un faible montant comparé au gain de 62 millions d'euros obtenu depuis 2001.
Il est exact que nous avons dû louer des places au parking des Invalides. Mais je rappelle que les travaux effectués au 101, rue Saint Dominique ne nous permettaient pas d'utiliser les places situées sous cet immeuble. Il nous a donc fallu trouver en 2006 une solution de rechange pour permettre à tous ceux qui viennent travailler à l'Assemblée, quelquefois jusqu'à une heure tardive, de stationner leur véhicule.
J'en viens aux dépenses informatiques et au fameux logiciel SAP – standard du marché en Europe, puisqu'il est utilisé par de nombreuses administrations, y compris par Bercy. Je rappelle que plus de 7 000 bulletins de salaire et de traitement sont émis chaque mois par l'Assemblée, recouvrant des situations très différentes : fonctionnaires, députés, contractuels de droit public, collaborateurs de députés – plus de 2 100 –, retraités… L'opération est donc extrêmement complexe. C'est pourquoi nous avons connu certaines difficultés avec l'entreprise THALES pour l'application du marché qu'elle avait obtenu.
Enfin, je souhaite m'arrêter quelques instants sur les travaux immobiliers conduits par l'Assemblée, car, dans le dernier numéro du Point, on peut lire que leur coût dépasserait de 125 millions d'euros le montant initialement alloué. J'admets qu'il s'agit de travaux importants, mais 125 millions d'euros, cela correspond au coût global de l'opération !
Au début du projet, en décembre 2004, le coût de la rénovation du 101, rue de l'université et du 32, rue Saint Dominique, c'est-à-dire l'ancienne résidence et l'immeuble Jacques-Chaban-Delmas, était évalué à 115 millions d'euros toutes charges comprises. En mars 2005, avant le début effectif des travaux, il était estimé à 120 millions d'euros, dont 81,9 millions hors taxes pour les travaux de base et 13,3 millions pour des travaux complémentaires, consécutifs notamment à des demandes particulières provenant de l'Assemblée ou de la commission de sécurité. Ainsi, la démolition-reconstruction des façades du « 32 » n'était pas prévue au départ ; elle résulte de la découverte que sa construction n'avait pas été effectuée dans des conditions normales.
Par ailleurs, les sessions extraordinaires ou les grèves ont entraîné des délais, qui sont à la charge du maître d'ouvrage. Je rappelle que nous avons connu cette année, en juillet et en septembre, deux sessions extraordinaires pendant lesquelles il était difficile de poursuivre de gros travaux. Les aléas techniques, liés notamment aux imprévus, ont représenté un coût de 13,3 millions d'euros, ce qui porte le montant total des travaux à 95,2 millions d'euros hors taxes. À cela, s'ajoutent l'incidence de l'augmentation de l'indice du coût de la construction, laquelle a représenté un surcoût de 3,3 millions d'euros, et les dépenses consécutives en maîtrise d'oeuvre et assurances. Bref, après déduction d'économies réalisées sur les crédits de mobilier et d'autres postes, on arrive à un total de 122,4 millions d'euros hors taxes. Le budget global de l'opération n'a donc été dépassé que de 3,5 millions d'euros, soit 2,9 % – bien loin du doublement indiqué !
Dernier point que je voulais souligner : les frais de personnel de l'Assemblée sont en effet très élevés. Ils comportent aussi des primes, que perçoivent les fonctionnaires, les députés et leurs collaborateurs, ainsi que les retraités. Mais le Parlement français est aussi celui qui siège sans doute le plus en Europe : notre nombre d'heures de séance est à peu près le double de celui du Bundestag. Nous siégeons souvent de nuit, tous ici le savent. Le dépôt de milliers d'amendements est également une particularité de notre procédure législative, qui ne se retrouve nulle part ailleurs. Enfin, je le précise, le régime des indemnités pour travaux supplémentaires, qui remonte au XIXème siècle, a été réformé au moment du passage à la session unique après négociation avec les syndicats, avec l'aval du président de l'Assemblée d'alors – la législature de 1993 à 1997.