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Intervention de Jean-Pierre Jouyet

Réunion du 7 novembre 2008 à 9h00
Commission élargie

Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes :

Pour répondre à Mme Ameline tout d'abord, il est clair que l'existence d'un programme ad hoc pour la présidence française, parfaitement conforme à l'esprit de la LOLF, permet une centralisation des informations et du pilotage. Le secrétariat général pour la présidence française, composé d'une vingtaine de fonctionnaires excellemment dirigés par Claude Blanchemaison, assure donc le pilotage, la gestion étant décentralisée vers chaque ministère pour ce qui le concerne. L'articulation se fait par le biais de comités de gestion mensuels, ce qui permet notamment d'évaluer le coût de chaque manifestation, de le faire évoluer le cas échéant, voire d'en limiter le nombre si nécessaire. Le fait que la présidence ait lieu au second semestre introduit une difficulté particulière pour l'engagement des crédits, et il y aura des reliquats sur 2009. Le périmètre retenu était le bon, puisqu'il englobe toutes les dépenses induites par la présidence. L'Assemblée va ainsi disposer pour la première fois d'une vue exhaustive du coût de la présidence, ministère par ministère et manifestation par manifestation. C'est un progrès important. Pour connaître le bilan définitif, il faudra ajouter à l'exécution finale du programme les rémunérations de l'équipe de Claude Blanchemaison, qui sont de l'ordre d'un million sans les charges sociales, et le coût des renforts de personnel des services traitant des affaires européennes de l'ensemble de l'administration.

Ce programme a été doté de 190 millions en autorisations d'engagement – un montant comparable à celui de la dernière présidence allemande –, soit 120 millions en crédits de paiement pour 2008 et 70 pour 2009. Ces chiffres s'entendant hors réserve légale, les crédits disponibles sont en réalité de 179 millions au total – 113 millions pour 2008, déjà consommés à 65 %. Nous estimons être en mesure de dégager des économies sur ce budget : tout ne sera pas consommé.

S'agissant du contenu de cette présidence, il est vrai que l'imprévisible a de beaucoup dépassé le prévisible et que la capacité de réactivité et d'innovation de la France fera sans doute date. Elle a su bouleverser les habitudes, bousculer les calendriers établis d'habitude selon un ordre quasi liturgique et cela restera, quels que soient les responsables aux commandes. La Commission et le Parlement européen, le Conseil surtout, ne pourront plus rester sans réaction immédiate.

J'en viens aux priorités de la présidence, à commencer par le pacte européen de l'immigration, qu'a aussi évoqué Mme Pau-Langevin. L'Europe a besoin d'immigration. Il est clair que son déficit démographique doit être comblé et que l'immigration constitue une opportunité pour elle. L'objet du pacte est de l'organiser, dans un espace de Schengen qui reste le plus important espace de libre circulation des personnes de la planète – 450 millions de personnes. En outre, ce pacte s'inscrit dans la continuité des actions déjà menées depuis 2005 par la Commission européenne. Il met l'accent sur deux éléments importants : d'une part, le codéveloppement et les accords avec les pays d'origine des migrants ; d'autre part, la relation entre les besoins économiques et sociaux de l'Union et son attractivité à l'égard des populations migrantes. De ce point de vue, nous nous rapprochons plutôt du modèle des États-Unis, que vous avez cité en exemple.

Quels que soient les jugements que l'on peut porter sur la République française, celle-ci peut s'honorer d'une ouverture à certaines formes d'immigration, même au plus haut niveau : l'exemple du Président de la République le montre.

J'en viens à l'agriculture. Nous devrions parvenir, lors de la prochaine réunion du conseil des ministres concernés, en novembre, à un accord sur le bilan de santé de la politique agricole commune. Il existe déjà un consensus sur la nécessité de conserver une forte production agricole en Europe – ce qui n'était pas acquis, notamment aux yeux de nos partenaires britanniques – et de développer une agriculture prenant en compte les besoins environnementaux tout en l'orientant davantage vers la sécurité alimentaire. Il reste à trancher la question de l'intervention. Dans ce domaine, nous sommes attachés au maintien des dispositifs existants, en raison de l'extrême volatilité des cours sur le marché agricole, dont on a vu encore récemment les manifestations.

Une autre de nos priorités concerne la défense et à la sécurité. Au conseil européen de décembre, et après la réunion informelle des ministres de la défense à Deauville, nous devrions trouver un consensus sur une nouvelle stratégie de sécurité, qu'il s'agisse des relations entre l'Union européenne et la Russie, des nouvelles menaces terroristes, des déséquilibres et des catastrophes naturels, de la cybercriminalité. De même, le lancement de programmes de coopération devrait être annoncé, dans le domaine aéronaval ou aéroporté, par exemple. Des progrès sont également à attendre sur l'A 400 M.

Le dossier le plus important et le plus délicat est celui du paquet « énergie-climat », pour lequel les négociations restent difficiles dans trois domaines.

Le premier est celui du partage de l'effort de réduction des émissions polluantes, notamment dans les pays d'Europe centrale et orientale. Dès lors que certains pays produisent 95 % de leur électricité à partir du charbon, il faut bien prendre en compte leur spécificité ; le tout est de savoir de quelle façon.

Le deuxième problème concerne certains secteurs industriels à haute intensité énergétique, qui doivent rester compétitifs si nous voulons éviter les délocalisations liées à l'environnement.

Enfin, le troisième a trait aux mécanismes d'affectation de revenus tirés des permis à polluer et à la solidarité dont nous devons faire preuve en matière énergétique, afin, notamment, de rendre un certain nombre de pays moins dépendants de la Russie. Nous avons un mois pour résoudre ces difficultés. Quoi qu'il en soit, l'Europe a conscience des responsabilités qui lui incombent avant les prochaines conférences internationales, à Poznan avant la fin de l'année, et à Copenhague dans un an.

Vous avez abordé la question des relations transatlantiques. Nous proposons à la nouvelle administration américaine un dialogue lucide, fondé sur les valeurs et les intérêts que nous avons en commun. Nous devons développer une action complémentaire en faveur de la sécurité collective et nouer un dialogue au sujet des relations avec certains grands pays émergents dont la Russie. Quelle sera l'attitude des États-Unis face à certains défis globaux comme le réchauffement climatique ou la question alimentaire ? Sur ces sujets aussi, nous devons avoir un dialogue renouvelé. Enfin, dès la semaine prochaine, nous engagerons avec eux des discussions sur la refondation du système financier international, un domaine dans lequel nous devons les amener à plus de multilatéralisme. Les États-Unis doivent accepter que le rôle d'institutions multilatérales comme le Fonds monétaire international soit renforcé et mieux articulé avec celui des régulateurs spécialisés dans la supervision bancaire ou les assurances. Nous devons mettre en place, dans le secteur financier, des normes nouvelles et des systèmes plus transparents et plus sûrs. L'élection de Barack Obama offre à cet égard une opportunité historique, puisqu'il a déclaré lui-même que le temps de l'absence de régulation était révolu. Nous avons donc la possibilité d'agir de manière intelligente pour sortir de la crise actuelle.

Enfin, Mme Ameline a abordé la question de l'opinion publique, sans doute une des plus difficiles auxquelles je suis confronté. Comment délivrer une information intelligente – je ne reprendrai pas le terme de « propagande » employé par M. Brard – sur les apports de l'Union européenne, mais aussi, éventuellement, sur les difficultés qu'elle rencontre ? Il existe un très grand nombre de sources d'information, aux niveaux communautaire, national, régional ou local, sans connexion entre elles. Nous devons donc développer une réflexion sur la stratégie de communication à adopter, au plan national comme au plan communautaire. C'est le cas pour la première fois au niveau européen, puisqu'un accord politique a été obtenu, sous la présidence française, pour harmoniser la communication du Conseil, de la Commission et du Parlement européen. De même, au niveau national, nous devons réfléchir à la définition d'une communication objective, indépendante des sensibilités politiques, ainsi qu'à l'adaptation de notre structure administrative au degré d'intégration européenne auquel nous sommes arrivés. Il existe en effet un déphasage entre la persistance de structures administratives, au niveau national ou territorial, qui continuent à fonctionner en silo, et une intégration européenne davantage transversale.

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