J'observe que, d'une certaine façon, nous donnons l'avantage aux membres du Gouvernement, car il est toujours plus confortable de riposter que d'ouvrir le feu en premier.
Comme le président l'a fait remarquer, il est également vrai que la France n'a pas vocation à exercer indéfiniment la présidence de l'Union européenne, même si j'ai eu l'impression que le Président de la République n'y verrait aucun inconvénient.
J'ajoute que je ne serai jamais assez reconnaissant à l'ancien président de la Commission des finances, M. Pierre Méhaignerie, de m'avoir confié ce rapport spécial. Le président actuel a su s'inspirer des meilleures traditions de cette Commission.
La mission « Direction de l'action du Gouvernement » comprend trois programmes : « Coordination du travail gouvernemental », « Présidence française de l'Union européenne » et « Protection des droits et libertés ».
Alors que les dotations du budget annexe « Publications officielles et informations administrative » subissent une légère diminution – de 1,3 % –, celles des programmes « Coordination du travail gouvernemental » et « Protection des droits et libertés » devraient très sensiblement augmenter de 2008 à 2011, respectivement de 17,3 % et de 12,7 %. Cette hausse des crédits concernera en particulier les fonds spéciaux et les autorités administratives indépendantes.
Ma première observation portera sur le contrôle des fonds spéciaux. À mes yeux, nulle dépense publique ne devrait être soustraite à l'esprit de la LOLF – je pense que le président Migaud sera sensible à cette exigence, puisqu'il en est, si j'ose dire, l'un des deux géniteurs de la LOLF.
L'opacité dont profitent les services concernés ne me semble pas saine : le secret qui sied aux fonds spéciaux ne devrait pas se traduire par une liberté totale pour décider des dépenses dont la pertinence ne peut pas ensuite être établie. Je ne dis pas que ces dépenses ne sont pas légitimes, mais j'ignore si elles le sont. En effet, le contrôle est ainsi organisé que je ne dispose pas, en ma qualité de rapporteur spécial, du pouvoir d'investigation que ma curiosité naturelle me pousserait à exercer.
J'en viens au Centre d'analyse stratégique. À la suite de la très intéressante audition de M. René Sève, nouveau responsable de cette institution, j'avoue avoir changé d'opinion : il me semble désormais que nous devrions conforter cet organisme dans son rôle de centre de réflexion indépendant.
Je continue en revanche à m'interroger sur l'activité d'autres instances rattachées à ce centre, notamment le Conseil d'analyse de la société, présidé par M. Luc Ferry. Cet organisme me paraissant très désoeuvré, je pense qu'il conviendrait de le supprimer, d'autant que d'autres instances mènent également des travaux très pertinents dans ce domaine.
En troisième lieu, il me semble que la situation actuelle de la Direction des Journaux officiels et de la Documentation française devrait être éclaircie afin de conforter ce service public. Le départ de l'ancien directeur des Journaux officiels, le préfet Pierre-René Lemas, aujourd'hui remplacé par M. Xavier Patier, coïncide en effet avec une période de grande incertitude sur la stratégie de l'État en matière de diffusion publique.
Il pourrait en résulter une démobilisation des énergies, alors même que le rapprochement entre les Journaux officiels et la Documentation française est un processus fort complexe. De nombreuses mutations doivent être gérées, notamment le passage partiel du papier à l'immatériel, ou encore l'allégement de la charge de travail de salariés par ailleurs très qualifiés. Tout cela aurait pu se passer très mal et prendre la forme de conflits très durs, mais le sens poussé des responsabilités dont les différents partenaires ont su faire preuve a permis d'éviter pareille situation.
Toutefois, il ne faudrait pas verser dans le fossé dans la dernière longueur, au moment où nous nous acheminons vers une issue positive. J'espère donc que M. Karoutchi lèvera les dernières incertitudes, qui concernent notamment l'achat d'une nouvelle rotative. J'ai évoqué ce dernier sujet avec le secrétaire général du Gouvernement, qui a souhaité réserver la primeur de sa réponse aux partenaires syndicaux, ce qui me semble tout à fait légitime. Selon M. Patier, avec qui je me suis entretenu tout à l'heure, M. Karoutchi devrait nous donner une réponse positive.
Pour la troisième année consécutive, j'appelle l'attention sur le fait que le Gouvernement a décidé de confier les renseignements administratifs à des partenaires privés. Non seulement on ne peut pas apprécier la qualité du service – il aurait fallu pour cela faire des tests avant et après –, mais, même en admettant par hypothèse que le service soit de qualité égale, le coût reste plus élevé. Cela est contraire à l'esprit de la LOLF, qui vise à l'efficacité de la dépense publique. En quelque sorte, vous gaspillez l'argent public.
Après la réforme constitutionnelle qui vient d'être adoptée, on ne sait pas quel sera le destin de la médiature de la République et du contrôleur général des lieux de privation de liberté. Il ne faut pas mélanger les genres.
Le nouveau contrôleur général des lieux de privation de liberté accomplit remarquablement, avec toute son équipe, un travail difficile. Les représentants du contrôleur se rendent sur place pour un travail qui n'est pas limité dans le temps, comme l'a découvert à ses dépens un directeur de prison qui n'avait pas compris quelles étaient les prérogatives du contrôleur général et a dû déférer sans délai à ses demandes. Ce contrôle très particulier demande du temps et une disposition d'esprit très spécifique.
La médiature de la République accomplit elle aussi un travail remarquable sous l'autorité de Jean-Paul Delevoye, qui y prend un vrai plaisir et qui a amélioré la qualité du service public assuré par son équipe. Comme celui du contrôleur général des lieux de privation de liberté, l'avenir de la médiature est incertain, mais si le médiateur de la République ne peut pas être renouvelé dans sa fonction, pourquoi ne serait-il pas chargé, compte tenu de son savoir faire, de mettre en place la nouvelle institution ?
Je ne m'étendrai pas sur les difficultés du Gouvernement à abonder les dotations indemnitaires des agents de la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Peut-être pourrait-on aussi mieux justifier les subventions aux associations et fondations.
Quant à la consommation des crédits dans les cabinets ministériels, elle ne porte pas toujours la marque de la modération que le Gouvernement recommande. Pour être clair, ces crédits ont un peu dérapé. Je veux bien croire cependant que la réforme constitutionnelle a pu induire certaines dépenses supplémentaires. Pour les crédits du secrétaire d'État chargé de la prospective, de l'évaluation des politiques publiques et du développement de l'économie numérique, le dérapage est particulièrement sensible et, même s'il peut s'expliquer en partie par le fait que la compétence en matière de développement de l'économie numérique a été ajoutée en cours de route, nous souhaiterions en savoir plus.
Les crédits de propagande du Premier ministre accusent eux aussi des dérapages déplacés. Fallait-il ajouter 5 millions d'euros de crédits pour faire croire aux Français que leur pouvoir d'achat s'améliore ? Croyez-en mon expérience : les lecteurs de la Pravda n'étaient pas toujours convaincus que ce qu'ils lisaient était vrai ! (Sourires.) Il en va de même pour vos campagnes, qui ne suffisent pas pour faire prendre à nos concitoyens des vessies pour des lanternes.
Je terminerai par des questions très précises.
Comment le Gouvernement envisage-t-il de renforcer l'État autour du Premier ministre et du Secrétariat général du Gouvernement ? L'existence du contrôleur général des lieux de privation de liberté est-elle menacée et où en est la réflexion du Gouvernement sur la mise en place du défenseur des droits ? Est-il vraiment indispensable de modifier les autorités administratives indépendantes ? Notre collègue Jean-Luc Warsmann, dont chacun connaît les qualités, l'engagement et la méticulosité, se prépare à déposer un amendement en séance publique pour en réduire les crédits. Il a tort, car l'activité de ces autorités indépendantes, qui se situent dans l'entre-deux, dans le rapport entre les institutions et les citoyens, est en croissance. À l'heure actuelle, on aurait tort de se priver de la burette grâce à laquelle le mécanisme grince parfois un peu moins.
Je souhaiterais que le Secrétariat général du Gouvernement communique rapidement les études réalisées par l'administration sur les grands sujets d'intérêt national et les choix de nature législative. La réflexion du secrétaire général du Gouvernement sur les études d'impact et les évaluations est tout à fait légitime et le Gouvernement devrait l'écouter plus attentivement. Des études d'impact à jour et pertinentes sont nécessaires, notamment pour éclairer la décision législative. Ce point a été très souvent débattu à la Commission des finances et en séance publique, mais nous ne sommes pas entendus. Je ne dirai rien des évaluations, qui, quand elles existent, sont parfois exotiques – souvenez-vous du débat que nous avons eu à la Commission des finances à propos des heures supplémentaires.
Les mesures prises par le secrétaire général du Gouvernement pour ce qui concerne la démarche de performance me conviennent.
Monsieur le ministre, allez-vous en venir à plus de rigueur et solliciterez-vous moins la dépense publique pour des dépenses inutiles et en décalage avec les crédits prévus à l'origine – je pense à ce que vous appelez délicatement « crédits de communication » ?
Pour ce qui concerne l'activité du CAS, je souhaiterais que le secrétaire d'État chargé de l'évaluation soit en mesure d'évaluer sa propre activité. Étant donné qu'il s'agit d'un département nouveau, nous n'avons aucun point de repère et l'évaluation est encore plus nécessaire.
Je tiens pour conclure à remercier tous mes interlocuteurs, notamment M. Blanchemaison présent aujourd'hui, qui se sont toujours attachés à éclairer de leur mieux le travail du rapporteur spécial.