J'ai le sentiment que votre travail porte sur les violences visibles, autrement dit les violences physiques, et qui sont en grande partie des violences dites conjugales. Mais il existe également d'autres formes de violences au sein du foyer conjugal sans qu'on puisse pour autant les caractériser comme étant constitutives d'un processus de violences conjugales.
Notre objectif – qui était aussi le mien lorsque j'ai proposé le dispositif qui est devenu la loi de 2006 –, c'est bien sûr de porter un regard sur les violences physiques, et en particulier sur ce drame que constituent les 180 ou 190 décès annuels dus aux violences au sein du couple. Il s'agit aussi de se préoccuper de comportements qui, tout en ne se traduisant pas par des violences physiques, pour que la justice ne puisse en connaître, créent un lien de dépendance associé à un processus de destruction identitaire. Peut-on, dans ce cas, parler de violences psychologiques, en inscrire le principe dans la loi et établir la définition qui permettra à la justice de s'en saisir ? J'ai le sentiment que vous avez très peu de moyens pour apprécier cette partie immergée de l'iceberg. Si la justice en arrive à jeter l'éponge, ne donne-t-on pas satisfaction aux pervers narcissiques que sont les violents conjugaux, lesquels démontrent de la sorte qu'ils ont gagné dans leur processus de domination sur l'autre ?
Dans votre parquet, vous êtes chargé plutôt des violences conjugales. Est-ce un choix délibéré du procureur, soucieux qu'un spécialiste conseille ses collègues pour caractériser ces violences, ou est-ce le fruit d'une réflexion que vous avez proposée ? Êtes-vous isolé ?