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Intervention de Guénhaël Huet

Réunion du 27 janvier 2009 à 17h00
Mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuénhaël Huet :

Le premier élément marquant est celui de l'augmentation de la prise en compte judiciaire des violences conjugales : de 39 000 affaires enregistrées en 2003, nous sommes passés à 58 000 en 2007. Cela ne signifie pas que les faits commis se sont multipliés, mais que les efforts entrepris par les associations, la police, la gendarmerie, la justice, et les différentes structures pour favoriser le dépôt de plainte ont porté leurs fruits.

S'agissant du traitement judiciaire, les données statistiques de 2008 tirées des sept juridictions de la couronne parisienne informatisées permettent de constater une baisse de la part des classements sans suite : de 31 % en 2003 on est passé à 16 % en 2008. Les procédures judiciaires étant en augmentation et la caractérisation des faits étant souvent difficile, cette baisse est significative. Les poursuites devant le tribunal correctionnel représentent environ 40 % des procédures. Parmi les procédures alternatives, la médiation est en baisse, conformément à la volonté de la Garde des sceaux et à la sensibilité du Parlement sur cette question.

Les condamnations sont également en hausse : 16 279 condamnations en 2007 contre 13 108 en 2006. La peine la plus prononcée est celle de l'emprisonnement et les condamnations à une peine d'emprisonnement ferme augmentent.

4 880 condamnations ont été prononcées pour des violences n'ayant pas entraîné d'Incapacité Temporaire de Travail (ITT), soit une augmentation de 92,3 % entre 2003 et 2007. Les peines d'emprisonnement représentent 77 % des condamnations ; 79 % ont été assorties d'un sursis total.

9 821 condamnations ont été prononcées pour des violences ayant entraîné une ITT inférieure ou égale à 8 jours. Les peines d'emprisonnement représentent 81,5 % des condamnations, dont 19 % d'emprisonnement ferme ; le quantum moyen est de 4 mois.

Enfin, en ce qui concerne les violences ayant entraîné une ITT supérieure à 8 jours, 1 529 condamnations ont été prononcées, soit une augmentation de 30 % par rapport à la période de référence. Les peines d'emprisonnement ferme représentent 88 % d'entre elles ; le quantum moyen est de 6 mois.

Le suivi des peines plancher nous fournit des données actualisées concernant le taux de récidive. Sur 16 279 condamnations prononcées en 2007, 7,9 % des faits commis l'ont été en récidive : cette augmentation résulte sans doute des instructions données aux procureurs généraux pour une meilleure prise en compte de la récidive. Le taux moyen de récidive pour les autres formes de violence est inférieur, autour de 5,5 % :

En matière de violences conjugales suivies d'une ITT inférieure ou égale à 8 jours, le taux d'application des peines minimales prévues par la loi du 10 août 2007 est de 66 %, et pour les violences conjugales suivies d'une ITT supérieure à 8 jours, de 68 %. Le taux moyen national est de 50 % environ. Les chiffres datent de ce mois-ci.

Les mesures d'éviction du conjoint violent ont augmenté de 10 % environ entre le deuxième trimestre 2006 et le troisième trimestre 2008. Elles ont été prononcées dans des affaires de meurtre – 68 % –, d'agression sexuelle – 26 % – de violences graves – 25 % –, de violences légères – 8 %. Par ailleurs, 45 % d'entre elles l'ont été dans le cadre d'un contrôle judiciaire, 30 % dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve, 18 % dans le cadre d'une mesure alternative aux poursuites.

Au-delà des chiffres, il convient de noter les évolutions des dispositions législatives qui sont intervenues au cours de ces dernières années dans un sens plus répressif et plus protecteur des victimes : la loi de 2004 sur l'attribution du logement au conjoint qui n'est pas l'auteur de violences ; la loi d'avril 2006 sur la prévention et la répression des violences au sein du couple ; la loi de mars 2007 sur la prévention de la délinquance, qui étend le suivi socio-judiciaire avec injonction de soins aux auteurs de violences commises au sein du couple ou à l'encontre de mineurs.

À l'actualité de cette question, il faut y ajouter le plan triennal de lutte contre les violences faites aux femmes qui a pour objectif de coordonner les acteurs et la réflexion sur une répression plus efficace des violences, notamment par l'introduction dans le code pénal de la notion spécifique de violences psychologiques. Comme vous le savez, le point de savoir si la jurisprudence de la Cour de cassation suffisait à elle seule à intégrer le périmètre des violences dites psychologiques a longuement été débattu. La direction des affaires criminelles et des grâces a proposé d'introduire un nouvel article 222-14-2 dans le code pénal ainsi rédigé : « Les violences réprimées par les dispositions de la présente section sont constituées quelle que soit leur nature, y compris s'il s'agit de violences psychologiques, qu'elles aient porté atteinte à l'intégrité physique ou à l'intégrité psychique de la victime ».

Cette proposition est intégrée dans un avant-projet de loi soumis au cabinet du garde des sceaux en décembre dernier, renforçant la lutte contre les mariages forcés et d'autres formes de violences contre les personnes. Ce texte prévoit la création d'une circonstance aggravante des homicides, tortures et violences commis en cas de mariage forcé, avec application de la loi pénale si les faits ont été commis à l'étranger à l'encontre d'une personne résidant habituellement en France. La répression spécifique des violences habituelles sur le conjoint ou le concubin est également prévue, avec aggravation de la peine encourue, à l'instar de ce que prévoit le code pénal pour les violences habituelles commises sur le mineur de quinze ans ou sur une personne vulnérable. Cela se traduirait par un nouvel alinéa de l'article 222-14 du code pénal disposant que : « Les peines prévues par le présent article sont applicables également aux violences habituelles commises par le conjoint ou le concubin de la victime, ou par le partenaire lié à celle-ci par un pacte civil de solidarité ».

S'agissant de la mise en oeuvre de la politique pénale, le guide de lutte contre les violences conjugales a été réactualisé. Indépendamment du rappel du corpus de règles, il précise des orientations, comme la volonté de limiter plus encore le recours aux mesures alternatives aux poursuites pour ces formes de violences et met en exergue des bonnes pratiques. Les parquetiers et les magistrats du siège, en partenariat avec des institutions, des collectivités territoriales ou des associations, à Douai et ailleurs, ont pris des d'initiatives qui méritent d'être valorisées, et pour certaines, généralisées au niveau national.

La circulaire du 19 avril 2006 recommande aux juridictions de désigner un magistrat référent pour la lutte contre les violences conjugales. Il n'est malheureusement pas possible d'identifier au plan national les magistrats concernés. Il existe de très nombreux contentieux comme celui des discriminations, par exemple, pour lesquels on a souhaité la spécialisation de magistrats appelés par ailleurs à changer au gré des mutations. Cependant, la mobilisation est réelle. J'en veux pour preuve la formation délivrée par l'École nationale de la magistrature, qu'il s'agisse de la formation initiale –dans le cadre de l'ouverture à la connaissance de la société contemporaine, avec des formations spécifiques sur la famille dans lesquelles sont abordées les problématiques de violences conjugales – ou de la formation continue – deux sessions annuelles de cinq jours sur le thème des violences conjugales. Ces formations réunissent un nombre important de magistrats. À l'initiative des parquets, les magistrats participent également à des colloques ou à des formations mises en oeuvre par des associations.

La création de tribunaux spécialisés – parallèlement à la rédaction d'une ordonnance de protection des victimes –, qui est proposée par le Collectif national pour les droits des femmes, serait susceptible de porter atteinte à l'égalité des citoyens devant la loi. En revanche, l'article 399 du code de procédure pénale prévoit que le siège et le parquet peuvent conjointement déterminer le rôle des audiences, par nature de contentieux. De la même manière que l'on organise des audiences spécifiques dans le domaine du droit du travail ou de la concurrence, des audiences rassemblant des procédures ayant trait au droit pénal de la famille – et pas seulement aux violences conjugales – peuvent être mises en place : le message, notamment à l'égard des auteurs, n'en est que plus fort, et les magistrats peuvent trouver là matière à exercer leur appétence et leur écoute particulière. La création de juridictions spécialisée apparaît ainsi comme surabondante par rapport aux politiques d'audience qui doivent être menées par les chefs des juridictions.

Voilà, en quelques mots, la façon dont le ministère de la justice entend que soit donnée aux faits de violence conjugale, la réponse pénale la plus claire, la plus lisible et, on le voit avec l'augmentation des peines plancher, la plus ferme.

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