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Intervention de Bruno Ryterband

Réunion du 15 juillet 2008 à 15h00
Mission d’information sur les questions mémorielles

Bruno Ryterband :

L'expérience rapportée par M. Gremetz est terrifiante. Elle rejoint les préoccupations évoquées par M. Hoog et nous renvoie à une approche très simple, voire simpliste et basique, des commémorations. Une hiérarchisation des valeurs comme des événements historiques s'impose. Celle-ci ne peut se faire que par la connaissance, seul moteur de recherche acceptable face à la profusion des données historiques.

La clé me semble être l'enseignement de l'histoire. Je parle, en toutes circonstances, avec humilité, mais encore plus sur ce plan car je n'ai pas de compétence en matière éducative, même si j'ai vécu quelques expériences en ce domaine. Je ne rejette pas les historiens chercheurs dans leurs bibliothèques. Ils sont à la source même de l'information transmise par l'éducation et partie prenante de ce travail.

Un effort doit être fait – par le législateur ou d'autres acteurs de la vie citoyenne – sur le terrain de l'enseignement, non pas dans l'élaboration des programmes officiels, au sens où cela a été dénoncé, mais dans la transmission de la controverse au sein de la classe sur le plan historique. J'ai eu le bonheur de participer aux initiatives dites « Initiadroit » mises en place par le barreau de Paris dans des classes de collège. Cela a été une expérience très enrichissante, qui m'a d'ailleurs permis de mesurer l'abyme existant sur le plan des connaissances chez les jeunes générations, sans que j'aie été confronté à des contresens aussi terrifiants que celui rapporté par M. Hoog. Je retiens de cette expérience que, à partir du moment où on apporte la controverse dans la classe, que ce soit par l'intermédiaire du professeur ou par le vecteur d'un intervenant extérieur sous l'égide de l'enseignant, on obtient des résultats très intéressants. Nos efforts – de citoyens, de parents, de personnes engagées – doivent se porter vers l'école pour aider – pardonnez-moi le jeu de mot – à la discrimination, au premier sens du terme, c'est-à-dire permettre, d'une part, de faire le tri de toutes les informations disponibles qu'il est de plus en plus difficile de hiérarchiser, d'autre part, de définir ce qui pourrait constituer les valeurs, c'est-à-dire les événements porteurs de valeurs essentielles.

Je n'ai pas de solution toute faite mais on doit favoriser les interventions des associations dans le milieu scolaire, notamment celles qui travaillent en partenariat avec certains rectorats, en particulier celui de Paris, pour assurer des séances de débat historique, appuyées par des projections de films, sur l'ensemble des discriminations – au sens courant du terme – et des travaux mémoriels. On peut regretter que le soutien apporté à ces associations, comme « Mémoire 2000 » qui oeuvre depuis plus de dix ans et est la plus active dans ce domaine, ne soit pas amplifié. Toute aide pour opérer un tri dans ce qui est admissible ou inadmissible sur Internet passe par un développement de la réflexion critique.

Remarque plus anecdotique mais tout aussi intéressante : les noms de rues sont un hommage tous azimuts à notre histoire. Toutes sortes de personnages, aux actions desquels nous n'adhérons pas nécessairement, sont célébrées par l'apposition d'une plaque de rue. Mon propos peut paraître iconoclaste et de nature à réjouir les éditeurs de plans, mais des actions sont à mener de ce point de vue. Les commémorations s'accompagnent souvent de l'apposition d'une plaque dans certains lieux.

Je relaierai ici une initiative de mon ami Bernard Jouanneau, qui s'est heurtée à un échec. Avocat, il mène le combat judiciaire contre Robert Faurisson depuis le début, a défendu Robert Badinter dans le procès que j'évoquais tout à l'heure et a consacré sa vie à l'histoire et à la lutte contre le racisme. Son idée est, non pas de renommer mais de co-nommer la station de métro Bir-Hakeim à Paris : Vel d'Hiv. Il s'est heurté à mille objections. Il y a beaucoup d'autres chantiers mémoriels mais je livre cette idée car elle me paraît intéressante. Sans que la loi n'ait à se mêler de tels détails, elle peut inciter à une réflexion et à une action régulière sur le plan des symboles puisque la commémoration est, par essence même, symbolique.

Tels sont les apports concrets que je voulais livrer, non pas en tant que juriste, mais en tant que simple citoyen, les deux états n'étant pas incompatibles.

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