Il faut distinguer deux espaces.
Dans celui de la controverse et du débat historique entre gens qui savent ou qui ont un niveau de culture suffisamment grand pour savoir ce qu'ils font et être conscients du niveau d'instrumentalisation de l'histoire, je ne suis pas sûr effectivement que la loi doive protéger l'histoire.
La loi me paraît, en revanche, essentielle, pour ceux qui ne savent pas, notamment lorsque l'accès à l'histoire et au savoir est critiquable et discutable comme sur Internet. Les questions qui font débat à l'heure actuelle sont des crimes ou des génocides d'une mémoire proche, dont ont craint que la transmission ne se perde en même temps que les derniers témoins. Si l'on tape les mots « shoah » ou « génocide » sur un moteur de recherche, est-on vraiment sûr que les cinq premiers sites qui s'afficheront donneront la vérité, si je puis employer ce mot, c'est-à-dire la connaissance juste et honnête, qu'un honnête homme et une honnête femme doivent avoir, et sous une forme compréhensible et accessible à un enfant à partir de onze ans ? On sait que, aujourd'hui, ces moteurs de recherche ne fonctionnent pas selon une logique académique, intellectuelle, civique et citoyenne. Un enfant de douze ans, dont les parents n'ont pas la capacité, la force ou le savoir d'expliquer ce qui s'est passé au cours d'une période donnée, peut poser des questions à son professeur et, éventuellement, à son libraire ou à un documentaliste dans une bibliothèque. Il se trouve alors dans un espace humain, où la controverse, le débat et les termes de l'échange sont connus et organisés. Sur Internet, les termes de la discussion et les modes d'accès au savoir ne sont pas connus, car ils ne sont pas clairs.
Le sujet n'est pas tant d'organiser l'histoire – le travail de l'historien se justifie – que l'accès aux sources du savoir dans un monde numérique où règne la profusion des informations. Nous parlons aujourd'hui entre personnes qui savent. Or, par définition, il va y avoir de plus en plus de gens qui ne savent pas. Il est à espérer qu'il y ait autant de librairies et de bibliothèques qu'aujourd'hui mais rien n'est moins sûr. En revanche, la production aujourd'hui sur papier se lira demain sur Internet. On doit dès lors s'interroger sur la manière de favoriser l'accès à une ressource dont on sait qu'elle dit plus la vérité qu'une autre ?
Je citerai un exemple tiré de mon expérience de responsable d'une entreprise publique, l'INA, qui a beaucoup développé sa présence sur Internet ces dernières années. Devant la photographie du général de Gaulle habillé, pour le discours de Bayeux, en uniforme, des élèves de 4e ont tous prononcé le nom d'Adolf Hitler. C'est à la fois effarant et effrayant. Le savoir n'est pas donné. C'est pourquoi l'accès à celui-ci me paraît central.