Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jacques Semelin

Réunion du 15 juillet 2008 à 15h00
Mission d’information sur les questions mémorielles

Jacques Semelin :

C'est précisément parce qu'on trouve n'importe quoi sur Internet que nous avons voulu lancer notre projet. Nous l'avons fait au nom d'une certaine responsabilité éthique et scientifique.

Des auteurs pensent, comme vous l'avez indiqué, monsieur Néri, que les Gaulois ont été victimes d'un génocide de la part des Romains. Des livres ont déjà été publiés à ce sujet. Il nous faut analyser et hiérarchiser ce type d'approche.

Les problèmes soulevés par M. Hoog au sujet d'Internet sont ceux que nous rencontrons. Au-delà même de la question de la hiérarchisation des recherches, se pose pour nous celle d'exister sur Internet. Dans quelle mesure une base de données comme la nôtre va-t-elle durer ? Comme les technologies évoluent, le ministère de la recherche se propose d'assurer la pérennité d'un certain nombre de sites animés par des chercheurs. C'est une initiative intéressante, qui peut être appuyée par la représentation parlementaire afin de permettre à de tels sites d'exister et de durer.

Mon intervention liminaire a pu faire croire qu'il n'y avait pas de problème, ce qui est faux. J'en citerai un en rapport avec le deuxième thème de la table ronde – le bon usage des controverses –, à savoir la distinction entre histoire et mémoire. Certains faits historiques se sont indéniablement produits. Les sources sont plus ou moins fiables mais on sait qu'ils ont existé. Si on les nie, on se situe dans le cadre du négationnisme. Par exemple, dans notre projet, ce que nous appelons dans notre vocabulaire les « indexes chronologiques », c'est-à-dire les synthèses historiques, indiquent aux lecteurs ce qui, selon nous, s'est passé, ce que nous savons – ou ce que nous ne savons pas. Vient ensuite le problème de l'interprétation des faits, qui peut être source de controverse sur la manière d'analyser les événements et de leur donner des qualifications juridiques.

Prenons le cas des Arméniens. Un travail remarquable a été réalisé sur notre site par M. Raymond Kevorkian, que je considère comme un grand historien. Aucun chercheur turc ne s'est encore exprimé sur notre site. On peut cependant imaginer qu'un chercheur turc reconnaisse la réalité des faits décrits par M. Kevorkian mais considère ceux-ci, non comme un génocide mais comme un crime contre l'humanité, en arguant que cette notion, plus générale que celle de génocide, a été presque mise en avant par la France et l'Angleterre en 1915 à un moment où la notion de génocide n'existait pas, et en demandant d'éviter toute vision rétroactive de l'histoire. C'est un point de vue qui se discute. Si ce type de contribution paraît sur notre site, serons-nous passibles de la loi que vous avez votée ? Je ne le sais pas. Il est vrai que notre projet, dans un espace qui s'appelle « papiers théoriques », a pour but de susciter des controverses et des discussions, sans prendre parti, pour offrir aux lecteurs les principaux courants de pensée sur tel ou tel cas. C'est une question à laquelle je n'ai pas de réponse aujourd'hui. Le cas ne se présente pas mais ne saurait être écarté.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion