Outre qu'il importe de ne pas confondre les normes déclaratives – lois de 2001 et de 2005 – et législatives – loi Gayssot –, il ne me semble pas pertinent d'évoquer une « gayssotisation » sur le plan européen ou français. Cette loi dispose que seront punis ceux qui auront contesté l'existence d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité tels que définis par le tribunal militaire international de Nuremberg. Il s'agit en l'occurrence d'une définition très restrictive de ces crimes qui s'inscrit dans le cadre des difficultés juridiques spécifiques de la France à un moment donné de son histoire : comment, en effet, condamner juridiquement les fameux « 60 mots » de la phrase raciste et négationniste de Robert Faurisson selon lesquels « les prétendues chambres à gaz hitlériennes et le prétendu génocide des Juifs forment un seul et même mensonge qui a permis une gigantesque escroquerie politico-financière dont les principaux bénéficiaires sont l'État d'Israël d'une part et le sionisme international d'autre part, et les principales victimes le peuple allemand, mais non pas ses dirigeants, et le peuple palestinien tout entier » ? Le politique, en l'occurrence, a respecté la réserve des juges et est intervenu afin de sanctionner des propos racistes sous le couvert de considérations apparemment historiques. La « décision Mamère » et une distinction aisée entre l'histoire et l'incitation à la haine raciale interdisent me semble-t-il de craindre une éventuelle « gayssotisation ».
La directive de l'Union européenne consacrée à la lutte contre le racisme constitue quant à elle une norme satisfaisante permettant de protéger la mémoire.
J'ai par ailleurs été très sensible à l'argumentation de M. Hoog. Le « devoir de mémoire » ne relève pas seulement de la conservation des données historiques : il concerne également la nécessaire hiérarchisation des événements et le respect de la vérité historique. L'essentiel est de déterminer les valeurs essentielles et donc constitutionnelles que nous souhaitons défendre sur un plan national, européen et mondial.