Avant de commencer nos travaux, je tiens à saluer la mémoire de M. Bronislaw Geremek, décédé accidentellement avant-hier, dimanche 13 juillet. Notre mission d'information l'avait entendu le 24 juin en sa qualité d'historien, certes, mais également en tant que député européen et acteur politique majeur de la Pologne moderne. Le message humaniste qu'il nous a laissé demeurera un moment fort de nos réflexions. Il avait en particulier insisté sur le « défi » que représente la construction d'une histoire européenne, « le dernier grand rêve du XXème siècle », et il avait appelé de ses voeux « la réunification des mémoires » divisées par le Rideau de fer. S'il avait cité Paul Valéry, selon lequel l'Histoire est « le poison le plus nuisible que la chimie de l'intellect humain ait inventé », il avait également déclaré qu'elle pouvait être aussi pour les hommes une manière « d'exister en diversité ».
Après avoir auditionné une douzaine d'historiens et d'intellectuels, nous avons ouvert mardi dernier un cycle de tables rondes afin de déterminer la façon dont nous pourrions formuler des préconisations précises à l'automne prochain. Je rappelle que cette mission a été créée par la conférence des présidents de l'Assemblée nationale à l'initiative de son président, M. Bernard Accoyer – qui vous prie de bien vouloir excuser son absence aujourd'hui. Au cours de la première table ronde sur la recherche historique, nos invités ont expliqué comment travaillent les historiens, quels sont leurs moyens et leurs motivations. Ils ont également évoqué leur rôle social et les difficultés auxquelles ils se heurtent. À cette occasion, nous avons déjà abordé le thème de la liberté d'expression que nous allons maintenant approfondir : les initiatives mémorielles, en effet, ne risquent-elles pas de créer une censure déguisée pour ceux qui concourent à la diffusion des travaux historiques ? Lorsque l'histoire quitte les cénacles de la recherche pour atteindre un public plus large et devenir un enjeu du débat public, l'intervention des politiques est certes inévitable mais sa légitimité n'en est pas moins parfois contestée. Qu'il s'agisse de livres, de produits audiovisuels ou de contenus diffusés sur Internet, existe-t-il un risque de censure, voire, d'autocensure, en raison des lois mémorielles – sachant que celles-ci peuvent conduire devant les tribunaux ? Les polémiques sur l'interprétation des faits historiques sont-elles dommageables en tant que ferment de dissension ou, au contraire, souhaitables comme toute forme de débat ? Enfin, de quelle manière les pouvoirs publics, à travers leurs actions éditoriales, peuvent-ils procéder à des commémorations sans imposer une interprétation historique univoque ? Je précise à ce propos qu'une table ronde spécifique sur le « processus commémoratif » sera organisée le 30 septembre prochain.
Nous sommes heureux, aujourd'hui, d'accueillir les représentants de toutes les professions qui concourent à diffuser les travaux historiques dans le grand public : éditeurs privés et publics, producteurs, sans oublier un de leurs avocats puisque le contentieux est souvent au centre de ces questions. Je vous remercie donc tous pour votre présence.