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Intervention de Christian Noyer

Réunion du 2 octobre 2007 à 16h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France :

a convenu que ses propos ont pu paraître trop optimistes. La solidité des banques, l'efficacité du système de supervision mis en place par le législateur, et enfin le fait que la Commission bancaire et le prêteur de dernier ressort soient abrités sous le même toit, ont été autant d'atouts pour faire face à la crise. L'exposition est certes réelle et les montants en cause ne sont nullement négligeables. Cependant, rapportés à l'ensemble des risques portés au bilan des banques françaises, aux fonds propres et aux revenus issus des activités bancaires classiques, les revenus provenant des activités de marché de titrisation sont faibles. Sans exclure l'existence, ici ou là, de poches de pertes, les risques sont limités, d'autant que, lorsqu'il s'agit d'actifs titrisés, certains sont de bonne qualité.

Il n'en reste pas moins que les deux questions posées par M. Gilles Carrez et reprises par plusieurs autres commissaires sont cruciales.

Nous avons assisté à une vraie crise de liquidité. Celle-ci n'est pas terminée. Elle frappe l'ensemble de la zone euro, tout comme la zone dollar et la livre sterling. En France, la liquidité provenait en grande partie des OPCVM.

Depuis cet été, la crainte de retraits les conduit à privilégier des valeurs très liquides. Les titres arrivant à échéance ne sont pas renouvelés dans les mêmes proportions. Dès lors, les gestionnaires apportent leurs liquidités à très court terme en dépôt à vue auprès des banques, lesquelles doivent prendre le relais : c'est ainsi qu'elles pourvoient au financement d'entreprises qui n'arrivent plus à placer leurs billets de trésorerie et, plus généralement, qu'elles assurent le relais de ce qui était autrefois financé par des produits structurés. Dès lors, leurs actifs augmentent et leur passif devient plus liquide.

La crise de confiance généralisée se traduit par une méfiance entre les banques et réduit la portée des ajustements interbancaires : on ne prête à d'autres banques qu'à très court terme, craignant d'être soi-même confronté à des problèmes de liquidités. Il en résulte ces problèmes de désajustement de liquidités : les liquidités sont excédentaires dans certaines banques, déficitaires dans d'autres, suivant les périodes. C'est ainsi que certaines banques sont venues chercher de la monnaie à la banque centrale tandis que d'autres lui laissaient leurs liquidités en dépôt au jour le jour.

Depuis le mois d'août, la Banque de France s'efforce de restaurer la confiance pour faire redémarrer le marché interbancaire. L'entreprise se révèle difficile et prendra du temps. Certaines liquidités ont été fournies à trois mois, mais d'autres à vingt-quatre heures, si bien qu'elles étaient remboursées le lendemain : il ne faut donc pas additionner les montants, comme l'ont fait certains journalistes.

La Fed, pour sa part, a élargi les possibilités d'accès, notamment en modifiant les modalités d'utilisation de sa fenêtre d'escompte, mais les efforts des banques centrales sont loin d'avoir restauré les conditions d'un marché normal.

S'agissant maintenant des incidences sur l'économie, on observera d'abord que la crise s'est produite à un moment du cycle différent aux États-Unis et en Europe. Le ralentissement de l'économie américaine commence au milieu de l'année 2006, alors que la zone euro est encore, au milieu de l'année 2007, dans une phase d'accélération ou de fin d'accélération. Le cycle de politique monétaire des deux banques centrales est lui aussi décalé : la Réserve fédérale a commencé à augmenter ses taux au milieu de l'année 2004 et la BCE à la fin de l'année 2005.

La Fed craint que la crise ne provoque un ralentissement du fait de son impact sur les consommateurs, si bien qu'elle a pour l'instant modifié sa politique monétaire. Dans la zone euro, on n'a pas constaté d'impact macroéconomique. Néanmoins, compte tenu des incertitudes, la BCE a décidé au début du mois de septembre de ne prendre aucune décision de mouvement des taux. On a donc considéré début septembre qu'il était trop tôt pour déterminer si la crise pouvait avoir un impact macroéconomique, et donc des conséquences sur la croissance. L'incertitude quant à l'économie internationale s'étant clairement accrue, des répercussions sont possibles pour nous, notamment l'année prochaine.

En tout état de cause, l'incertitude est bien supérieure à ce que l'on pouvait envisager à la fin de juillet ou au début d'août.

En ce qui concerne Bâle II, le dispositif répond assez bien à la question de la prise en compte des risques – notamment les risques hors bilan – pour les banques. Les lignes de crédit seront prises en compte dans les exigences de fonds propres. Les banques devront donc être plus attentives à la qualité des risques.

Ce progrès important ne permettra cependant pas de tout régler. La question de la liquidité, notamment, n'est pas traitée. La France insiste dans les instances internationales pour que l'on achève les travaux sur ce sujet, et l'on peut espérer que la crise accélérera le processus. En matière de liquidités, les règles sont assez rigoureuses en France – trop, selon certaines banques – mais elles sont beaucoup plus dispersées sur le plan international. Or plus il y a de règles communes, plus le système est sûr et permet d'éviter les effets de contagions.

S'agissant de BNP-Paribas et du risque de réputation, il y a eu confusion entre le risque encouru par la banque elle-même et le risque de sa gestion pour compte de tiers. Le souscripteur d'un produit réglementé de type OPCVM a droit à une information complète et transparente : il doit savoir à quel degré de risque il s'expose. Il faudrait qu'il en aille de même pour les produits de taux, car le risque est très différent selon qu'il s'agit de produits reposant sur des bons du Trésor et des dépôts à court terme ou de produits comprenant des éléments exotiques permettant d'afficher un rendement supérieur pendant quelque temps, mais avec des risques accrus.

Quant à la chronologie des événements, on pourra se reporter au numéro de décembre 2006 de la Revue de stabilité financière de la Banque de France. Tous les éléments d'analyse y figurent : sous-évaluation des risques, appétit excessif pour le risque, problèmes intrinsèques au mécanisme de titrisation, manque de transparence, faible liquidité des produits structurés, incertitudes entourant leur valorisation. L'analyse existait bel et bien : sans doute aurait-il fallu lui donner plus d'écho. Au demeurant, les travaux de la Banque des règlements internationaux aboutissaient aux mêmes conclusions. Il convient donc de réfléchir aux moyens d'exercer une influence plus forte ex ante.

Au sujet du LBO, on assiste en effet à une importante baisse des financements. Ceux-ci étaient extrêmement risqués et déraisonnables, ils avaient suscité l'inquiétude des autorités de supervision. Après leur brutale interruption, la Banque de France sera attentive à ce qu'ils repartent sur des bases plus saines.

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