, a précisé, faute de pouvoir faire preuve d'autant d'optimisme que les précédents intervenants et estimant, pour sa part, que la crise n'était que dans sa première phase, que le rôle des universitaires est, en la circonstance, de poser des questions.
Si des crises interviennent périodiquement, elles sont toujours différentes dans le détail, ce qui explique que les évaluateurs soient surpris puisque ce sont sur les connaissances passées que l'on fonde les évaluations alors qu'une crise naît toujours d'une innovation.
En l'occurrence, la première caractéristique de la crise a trait à la logique financière : en cas de crise, il y a toujours un lien entre l'expansion du crédit et l'appréciation du prix d'un actif au moins – aujourd'hui l'immobilier ; en 1999, la bourse –, le processus gagnant en puissance suite à l'euphorie des acteurs qui pensent s'enrichir en s'endettant, anticipant une appréciation du prix. Aujourd'hui, il n'existe pas suffisamment de gros investisseurs stabilisants, surtout sur le long terme, pour empêcher cela.
La deuxième caractéristique tient au volume de la titrisation par rapport au crédit bancaire porté au bilan des banques. Si l'on estime, à juste titre, que la titrisation va mieux disséminer le risque, encore faut-il que la qualité des crédits reste la même qu'à l'origine. Or, si l'on était assuré de revendre des crédits dans toutes les conditions, il serait alors certain que ceux-ci ne seraient plus évalués comme avant. Il faut donc que les banques soient incitées à évaluer le crédit titrisé de la même façon que les crédits qu'elles portent elles-mêmes, ce qui implique de leur imposer des règles en la matière.
La troisième caractéristique est que l'investisseur qui achète des crédits structurés ne sait plus quels sont les bons et les mauvais produits structurés, faute de discrimination entre les subprimes et le crédit traditionnel. Alors que le prime mortgage aux États-Unis est de qualité, car garanti par deux agences publiques, le rachat par celles-ci de crédits structurés a conduit les subprimes, anomalie parmi d'autres, à être notés triple A comme le prime mortgage.
Afin d'éviter une telle confusion des investisseurs, il convient de standardiser une grande partie de la titrisation grâce à un marché organisé – telle la bourse de Chicago – qui est plus robuste puisqu'il comprend à la fois de la compensation, un règlement et une instance centrale qui surveille.
Pour M. Henri Bourguinat, économiste, une personne arrivant d'une autre planète aurait pu penser, à entendre les premiers intervenants, que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Certes, une économie dynamique a besoin d'une finance prospère et inventive, comme cela a été le cas ces dernières années, mais il n'en reste pas moins que la crise est sérieuse, ne serait-ce que par les conséquences de l'injection de 400 milliards de dollars de liquidités par les banques centrales.
Pour expliquer la crise, ont été successivement mis en cause les subprimes, les agences de notation puis les hedge funds, c'est-à-dire les spéculateurs. Cependant, si ces trois facteurs ont eu leur importance s'agissant du déclenchement de la crise, le fait que celle-ci se soit étendue comme une traînée de poudre à l'échelle mondiale tient fondamentalement à l'organisation de la finance, ou plutôt à ce qu'on peut appeler le génome de la finance : dans l'enchaînement des maillons, quelque chose a grippé, la titrisation de deuxième génération commençant à faire problème du fait de l'éloignement croissant entre celui qui ouvrait le crédit et celui qui en portait le risque. On a ainsi abouti à une « granularité » de ce dernier, les petits grains se retrouvant dans des endroits inattendus, jusqu'aux SICAV de trésorerie.
Les faiblesses de la finance moderne – déjà mises en avant en 2004 – tiennent, d'une part, à cette dissociation du risque, d'autre part, au défaut de traçabilité du risque, enfin, au risque moral, c'est-à-dire à la théorie économique du principal agent : si l'établissement qui ouvre le crédit n'en supporte pas le risque, il a tendance à prendre plus de risques.
Sans aller jusqu'à réformer le système financier international, il convient donc, à court terme, d'amener les banques à une meilleure communication sur les expositions au risque, de mieux étiqueter les produits offerts à la clientèle, et, à moyen et long terme, de mieux structurer les informations au niveau international par le biais de la BRI ou du Fonds monétaire – on savait, par exemple, qu'il y avait, depuis 2006, un problème avec les subprimes –, de revoir les pratiques de consolidation des structures que l'on crée pour gérer ces produits afin d'éviter un déséquilibre entre l'actif et le passif, et, enfin, de porter plus d'attention aux conflits d'intérêts, ce qui ne concerne pas seulement les agences de notation.
Il faut donc se hâter de promouvoir Bâle II et de trouver, en amont, de nouvelles obligations de fonds propres, indicateurs dont la banque centrale se sert comme moyen choc d'intervention, des coupe-circuits, bref de mieux décrypter le génome de la finance.
Le Rapporteur général, a relevé, s'il avait bien compris, que l'exposition au risque subprime était donc marginale et que la crise avait été une bonne chose. Cette disproportion entre l'analyse subjective de la crise et les conséquences constatées de cette dernière explique donc, en partie, la crise de défiance actuelle et, surtout, ses impacts.
À cet égard, Bâle II va-t-il permettre de mettre en place un système de traçabilité de ce type de dérivés de crédits, sachant que le niveau national n'est pas suffisant en matière de régulation ?
S'agissant des incidences sur l'économie, les prêts aux entreprises ne vont-ils pas, dans la situation actuelle, devenir plus coûteux du fait d'une hausse des taux d'intérêt ? De façon plus générale, quels sont les risques de contamination sur l'économie de la crise financière, sachant que des millions de ménages aux États-Unis vont se retrouver insolvables, ce qui va avoir des conséquences sur les actifs titrisés qui se promènent à travers le monde ?