La loi de 2001, outre la création du Comité pour la mémoire de l'esclavage, instaure une date de commémoration, mais c'est sans préjudice de celles qui existent déjà dans les départements d'outre-mer. Votre témoignage est intéressant, monsieur le secrétaire d'État, car en Martinique, les descendants de maîtres ont encore aujourd'hui une force économique réelle. Leurs relations avec les descendants d'esclaves sont difficiles, bien que, depuis le vote de la loi, ceux-ci participent aux célébrations et s'expriment publiquement. La loi a donc instauré le dialogue.
S'agissant de l'évaluation des effets de la loi, elle a également permis des avancées intéressantes puisque le CPME réalise chaque année un état des lieux exhaustif, cependant que des professeurs d'IUFM examinent les manuels scolaires, dont certains, semble-t-il, ont sensiblement évolué. En réalité, les enseignants évoquent depuis longtemps cet aspect de l'histoire, mais avant la loi, ils manquaient de supports pédagogiques. La publication de supports agréés par l'Éducation nationale facilite le travail des enseignants et apporte plus d'égalité dans l'enseignement de ces questions. C'est un progrès incontestable.
Aujourd'hui, les territoires prennent en charge les lieux de mémoire : certains érigent des statues, d'autres approvisionnent leurs bibliothèques. En métropole, des régions ont été très réactives. C'est le cas de la Franche-Comté qui, peu de temps après la promulgation de la loi, a mis en place un programme très dynamique sur tous les aspects de l'esclavage, sans oublier l'abolition et tout ce qui relève de l'anthropologie et de l'ethnologie.
Mme Pau-Langevin a évoqué le projet de Cité de l'outre-mer. Je vous rappelle qu'il avait fait à l'époque l'objet d'une querelle, certains souhaitant joindre au projet historique et culturel un centre des affaires. Je ne suis pas surprise d'apprendre que votre projet de budget pour 2009 ne comporte pas de crédits pour réaliser ce projet, mais je rappelle que le président Chirac avait confié à Édouard Glissant une mission de préfiguration sur la création d'un centre national sur ces questions.
Enfin, l'esclavage a été pratiqué par l'ensemble des puissances européennes : à ce titre, sa mémoire ne concerne pas uniquement notre pays, même si le gouvernement français de l'époque n'avait pas souhaité élargir à cette échelle le texte de la loi – lequel ne mentionne d'ailleurs pas la France comme telle. Aujourd'hui, de nombreux pays européens entreprennent de commémorer ces événements. C'est le cas de l'Angleterre, avec le Musée international de l'esclavage de Liverpool, mais aussi de la Suède et du Danemark, qui pourtant n'ont participé que marginalement à la traite.
Quant à la concurrence des mémoires, on en parle plus qu'elle ne se manifeste…