Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Dominique Strauss-Kahn

Réunion du 26 octobre 2007 à 10h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Dominique Strauss-Kahn :

À travers la question de la prise de participation minoritaire par l'État, c'est tout le problème de la politique industrielle qui se trouve posé. On peut à cet égard distinguer trois temps.

D'abord le temps socialiste traditionnel : on affirme que la participation de l'État est décisive car elle garantit tout à la fois le long terme, l'intérêt collectif, etc. Tout cela est bien connu.

Ensuite le temps libéral : on soutient que de tels dispositifs ne marchent jamais, que l'État est incapable de s'en occuper – la preuve en est que l'on ne s'en occupe pas –, on brandit les mauvais résultats, etc.

Puis nous entrons dans un troisième temps, qui peut être illustré de deux façons.

Lorsque Daimler-Chrysler décide de réduire sa participation, ce sont d'abord des Allemands qui se proposent d'acheter afin de ne pas provoquer de déséquilibre avec la partie française. Pour une bonne part, ce sont des entités publiques : l'équivalent de la Caisse des dépôts, les Länder. Mme Merkel, qui pourtant n'est pas au parti socialiste, indique qu'elle veut une participation publique allemande dans EADS. C'est là un élément de réponse à votre question, M. Carrez : un État aujourd'hui dirigé par une chancelière qui est loin d'être une gauchiste – certes dans le cadre d'une coalition – saisit l'occasion, non pas pour trouver des partenaires allemands privés, mais pour que des entités publiques achètent.

De façon plus générale, un des grands débats qui agitent la communauté financière internationale concerne les fonds souverains. Ces fonds sont constitués d'argent public généré soit par des excédents de ressources naturelles – Arabie Saoudite, Norvège… –, soit, de façon plus trouble, par des phénomènes de change – en Chine principalement. Par leur biais, l'autorité publique met des milliards de dollars sur le marché et prend des participations minoritaires dans des entreprises partout sur la planète. On pourra saluer dans ce phénomène le grand retour de l'entreprise publique, ce qui n'est d'ailleurs pas totalement faux. Toute considération idéologique mise à part, ce qui est sûr est que Qatar Investment, le fonds de pension gouvernemental norvégien ou les 200 milliards de dollars de réserves de change chinoises investissent effectivement de l'argent public en participation minoritaire dans des entreprises du secteur concurrentiel. À ma connaissance, il ne s'agit pas de généreux donateurs qui perdent leur argent !

Le problème consiste donc, non seulement à réaliser les bons montages, mais surtout à s'en occuper par la suite. Ce n'est pas parce qu'il y a de l'argent public dans une entreprise que, par un coup de baguette magique, les intérêts de la collectivité se trouvent garantis. Il faut des gestionnaires. Du reste, les fonds souverains que je viens d'évoquer sont gérés par des professionnels de la gestion de fonds privés, et ceux-ci gèrent le fonds public comme ils auraient géré un fonds privé, c'est-à-dire en recherchant l'efficacité et la rentabilité, en contrôlant les conseils d'administration, etc. Si les représentants de l'État sont là pour dormir, l'argent part de toute façon à vau-l'eau, que la participation soit majoritaire ou minoritaire !

En définitive, la question n'est pas de savoir s'il faut ou non des participations publiques. Si celles-ci existent, il y a des raisons à cela. La question centrale est de savoir s'il y a des gens pour les gérer. Or notre pays n'est sans doute pas assez armé pour que ses fonds publics soient gérés au mieux.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion