Le Collectif est intervenu sur la question de la prise en charge des affections de longue durée, soit parce qu'il était directement consulté – ce qui fut le cas avec la Haute Autorité de santé (HAS) –, soit parce que ses représentants sont également membres d'institutions qui se sont prononcées sur les ALD, tel le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Pour sa part, le CISS ne mène pas de discussion directement avec les pouvoirs publics sur le sujet, même si celui-ci peut être évoqué à l'occasion de différentes réunions.
Par ailleurs, si le Collectif a organisé des discussions en interne sur le bouclier sanitaire, les analyses des différentes associations ont été par trop divergentes pour qu'il puisse présenter une position commune sur ce point. Après la première étape, d'ordre conceptuel, et la deuxième, la mission confiée à MM. Raoul Briet et Bertrand Fragonard sur la faisabilité du bouclier sanitaire, il en manque une troisième, celle de l'acceptabilité sociale de ce dernier, à laquelle la MECSS peut concourir.
Selon MM. Raoul Briet et Bertrand Fragonard, le bouclier peut être mis en oeuvre dans un délai de deux ans après que son lancement aura été décidé. Pour autant, plusieurs paramètres ne le rendent pas aujourd'hui acceptable.
D'une part, la suspicion est forte, surtout après l'institution des franchises et l'annonce de transferts de charge importants à l'occasion de l'examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, d'autant que si les franchises ont touché un nombre élevé de personnes, le bouclier sanitaire concerne, lui, huit millions de personnes mais 60 % des remboursements de la sécurité sociale.
D'autre part, le sujet n'est pas de savoir comment en finir avec les ALD, mais comment améliorer la prise en charge des Français en situation de maladie de longue durée. Aujourd'hui, le dispositif ALD est un mécanisme économique. Le protocole de soins et l'ordonnance bizone sont en effet conceptuellement très pauvres quant aux notions de qualité et de pédagogie de la prise en charge et d'accompagnement de la personne. Dans la pratique ce sont ainsi les patients qui coordonnent les médecins et non les médecins qui coordonnent les soins.
La réponse au problème posé par les maladies chroniques passe donc par une approche globale avec la mise en place de plans de soins coordonnés. Or, le bouclier sanitaire semble avoir plus été conçu pour résoudre l'équation économique des ALD que pour améliorer la qualité de la prise en charge.
Enfin, l'étude de MM. Raoul Briet et Bertrand Fragonard, en ne traitant pas des dépassements d'honoraires, laisse penser que le bouclier est d'emblée « percé », faute d'encadrement. Le CISS rendra d'ailleurs publique, le 4 juin prochain, une enquête sur les dépassements, menée dans les 80 caisses primaires d'assurance maladie – sur 109 – dans lesquelles il est présent. Le fait que la quinzaine de réponses obtenues porte sur le secteur 1, là où le dépassement n'est pas autorisé, montre que la complicité entre l'assurance maladie et les médecins en matière de dépassements a quelque réalité.
Il n'est donc pas question de prendre position tant que l'on ne saura pas de quel bouclier sanitaire il s'agit et les conditions dans lesquelles il sera mis en oeuvre.
L'approche qualitative des ALD devrait d'ailleurs être envisagée de manière « contractuelle », car l'on ne peut responsabiliser les patients qu'à trois conditions :
– L'information du malade – il n'existe pas en effet dans notre pays, en dépit de la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades, dite « loi Kouchner », d'information digne de ce nom, comme en Grande-Bretagne ou aux États-Unis ;
– La motivation et la mobilisation du patient pour se traiter, sachant qu'un tel objectif ne peut être atteint par la mise en place de plates-formes téléphoniques, mais par le contact, ce que l'on appelle le temps médical – à cet égard, s'il est difficile en France de pratiquer des soins sans médecin, le temps non médical pourrait être facilité avec la création de nouvelles professions favorisant la relation de soins ;
– Enfin, la résolution des obstacles socio-environnementaux, afin que le malade puisse suivre son protocole de prise en charge. Il n'est pas facile en effet, lorsque l'on est à la rue, de prendre un médicament rétroviral qui doit être conservé au frais.