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Intervention de Robert Nicodème

Réunion du 29 mai 2008 à 9h00
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Robert Nicodème :

J'aborderai la question des affections de longue durée en faisant part d'un exemple tiré de ma pratique médicale. Parmi les trois patients en ALD souffrant de néoplasie que je recevais hier dans mon cabinet, le premier venait pour apprendre qu'il était affecté d'une affection de longue durée, et les deux autres pour suivre un traitement préventif, l'un souffrant d'un risque cardiovasculaire après un cancer de la prostate, l'autre d'une maladie métabolique après un cancer du sein.

Alors que la prise en charge à 100 % en ALD du premier patient m'a permis d'éviter une difficile discussion financière qui serait venue s'ajouter à la souffrance physique et morale du malade, j'ai considéré, s'agissant des traitements préventifs des deux autres, qu'ils devaient également relever d'une prise en charge en ALD. Il m'a semblé en effet impossible de distinguer dans ma consultation, même si elle était, dans les deux derniers cas, consacrée en majorité à autre chose qu'à l'ALD elle-même, entre ce qui relève de l'ALD et ce qui a trait à la surveillance cancérologique.

Dans ces conditions, on peut préférer soit optimiser le système actuel de prise en charge, sachant qu'il faudra alors faire des choix car la santé, comme le pétrole, coûte de plus en plus cher, soit réfléchir à un autre système. Dans tous les cas, les solutions seront différentes selon que l'objectif visé est financier, médical ou social.

Encore faut-il, pour faire des choix, disposer d'études fiables, scientifiquement validées. Or tel n'est pas le cas, alors que toutes les ALD ne se ressemblent pas. Pourtant, on dispose en France non pas de douze ou de quinze systèmes d'assurance maladie sans cohérence entre eux, comme en Hollande, mais d'un seul, l'assurance maladie – laquelle devra d'ailleurs réaliser des progrès dans ses relations avec le monde médical : les jeunes médecins ne veulent plus s'installer en médecine générale car ils ne veulent pas de paperasserie.

Les études pourraient distinguer selon les grands types de pathologies.

Premièrement, les maladies cardiovasculaires et métaboliques, qui sont dues notamment au cholestérol ou au diabète. À cet égard, si les six ou sept médicaments inhibiteurs de la pompe à protons – IPP – traitant les ulcères ou les gastrites ont la même efficacité, c'est le plus cher qui est le plus vendu. Il conviendrait donc, comme dans les hôpitaux, d'en choisir un. Le patient, en acceptant d'être pris en charge par la société, doit en effet consentir à prendre le médicament que celle-ci lui propose. Il s'agit de maladies dans lesquelles la charge émotionnelle n'est pas très importante : elles sont acceptées, car les patients ne se sentent pas pour autant diminués sur le plan social.

Deuxièmement, les maladies cancéreuses. Si le retentissement psychosocial est plus grand que pour les précédentes, les critères d'entrée et de sortie sont, en revanche, faciles à définir.

Troisièmement, les maladies psychiatriques, pour lesquelles le comportement du patient ne peut être mis en cause : le fait de ne pas se soigner fait partie de la maladie.

Quatrièmement, les maladies dégénératives, qui provoquent un vieillissement prématuré de l'organisme – Parkinson, sclérose en plaques, Alzheimer, etc. Elles ont un grand retentissement dans la population et l'image de l'organisation des soins est donc majeure.

Cinquièmement, les maladies infectieuses chroniques – VIH, hépatites, etc.

Sachant que la réalité est complexe – un patient peut souffrir à la fois d'une ALD et d'une autre affection –, l'Ordre propose, pour la prise en charge des ALD, d'une part, un accès aux soins dans les mêmes conditions pour tous et dans le respect de procédures clairement identifiées, d'autre part, une liberté de choix, enfin, un respect de la volonté des patients – ce qui pose d'ailleurs la question de l'éducation thérapeutique et de la responsabilité de ces derniers.

À cet égard, un patient diabétique qui ne suit pas son régime alimentaire doit-il être sorti du dispositif ALD ? Humainement, c'est impossible, même s'il arrive que des malades ne demandent pas leur prise en charge en ALD, préférant vivre comme ils le désirent.

En Grande-Bretagne, lorsqu'un patient atteint d'une maladie cardiovasculaire continue à fumer, un comité se réunit pour décider, dans le cas où le malade s'obstinerait, si on doit ou non l'opérer du coeur. Peut-on en France, sur le plan éthique, tenir le même raisonnement ? En d'autres termes, ne doit-on pas donner toutes ses chances à celui qui accepte la procédure, et essayer par ailleurs de convaincre l'autre ?

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