Pardonnez-moi d'être un peu long, mais je vais être obligé de refaire l'histoire d'Adidas à partir du moment où j'en prends le contrôle.
Adidas, c'est 20 milliards de francs de chiffre d'affaires, pratiquement celui de Nike, qui fait entre 1,5 milliard et 2 milliards de bénéfice, tandis qu'Adidas perd entre 1,5 milliard et 2 milliards. Adidas fait son chiffre d'affaires avec 11 000 employés, dont 9 500 en Europe, Nike avec 7 000 employés, dont 6 500 en Asie du Sud-Est.
Sur le plan du marketing pur, le marché est le suivant : 30 % de croissance sur le sportswear, 5 % sur le sport. Adidas fait 75 % de son chiffre d'affaires dans le sport, le reste dans le sportswear ; Nike, c'est l'inverse. Inutile de vous dire qu'à la limite, c'est un des redressements les plus faciles à opérer, à condition de mettre en oeuvre trois principes : un, repositionner la marque sur le plan marketing, ce que je fais en débauchant le patron du marketing de Nike, M. Strasser ; deux, je forme un état-major digne de cette maison en débauchant d'Airbus M. Friderichs, qui était l'ancien ministre des Finances allemand, et Mme Gilberte Beaux, qui travaillait avec M. Goldsmith, le premier devenant président du directoire, la seconde présidente du conseil de surveillance ; trois, malheureusement, on procède à une délocalisation. Quand on prend le contrôle d'une affaire qui travaille dans le textile, les temps de réponse se situent entre trois et quatre ans, tous ceux qui ont fait un peu d'industrie le savent. Et c'est sept ans dans l'automobile. La prise de contrôle date de mi-1990 ; les premiers effets bénéfiques des transformations et mesures qui sont prises ne se ressentiront qu'à partir de 1993. Les premières années, au contraire, les charges liées à la restructuration coûtent très cher, notamment le licenciement de près de 4 000 personnes. Le bilan d'Adidas ne deviendra conforme à ce qu'on attendait qu'à partir de 1993, et l'exercice 1994 dégage déjà un bénéfice de 500 millions de deutsche marks.
La question a d'ailleurs été posée à tous moments de la procédure. Je vous lis la synthèse faite dans la sentence arbitrale : « Il résulte en effet des différents témoignages et pièces comptables versées au débat que l'ensemble des mesures prises de 1990 à 1992 a produit ses effets à partir de 1994. […] La présentation des comptes… est tendancieuse car elle met l'accent sur le bilan et le résultat de 1991 et 1992. » Évidemment, quand on fait le bilan l'année qui suit les restructurations, ce n'est pas brillant ! « Aussi est-ce à juste titre que les liquidateurs invoquent le coût de ces restructurations […] Quant aux baisses du chiffre d'affaires,… » Vous verrez dans tous les témoignages – tous – que le redressement a été opéré « aux trois quarts », selon l'expression de M. Galbois, directeur financier d'Adidas mis en place par le Crédit Lyonnais. Ce n'est pas moi qui l'ai engagé ! Il déclare : « …le redressement était assuré aux trois quarts, un quart seulement était dû au nouveau management, comme la mise aux normes comptables internationales nécessaires à l'introduction en bourse. » Autrement dit, toutes les structures qui ont été mises en place l'ont été par Gilberte Beaux, Bob Strasser, et par M. Friderichs.