Force est de reconnaître que la situation est extrêmement mouvante : il suffit d'observer l'évolution des chiffres dans d'autres pays pour admettre que les finances publiques ont des aspects quelque peu insaisissables, du moins en ce qui concerne les recettes.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, nous avons procédé depuis le mois de septembre à plusieurs ajustements, dans une totale transparence. Malheureusement, les prévisions de recettes doivent encore être revues à la baisse. Nous attendions avec une certaine inquiétude l'acompte de décembre de l'impôt sur les sociétés, et cette inquiétude est confirmée. Eu égard aux bons résultats de la consommation finale – meilleurs que dans bien d'autres pays –, nous étions moins inquiets s'agissant de la TVA ; pourtant, ses recettes diminuent également de manière sensible en novembre et décembre. Pourquoi ? Vous avez pour partie répondu à cette question : on noterait, au niveau des entreprises, des phénomènes d'augmentation des délais de paiement et d'anticipation des remboursements.
Dans cette situation très difficile, il importe de garder en ligne de mire le rétablissement aussi tôt que possible de nos comptes publics. Dans cette optique, l'essentiel, c'est la dépense.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré qu'en 2008 les 4 milliards d'euros de dépassement par rapport à la règle, que nous suivons depuis plusieurs années, voulant que la dépense évolue au même rythme que l'inflation, avaient une seule et unique origine : l'impact de l'inflation sur les charges de la dette, notamment sur la fraction du capital de la dette qui est indexée sur l'inflation. Il s'agirait donc moins d'un problème de charges d'intérêt que de provisionnement du coût de cette indexation, qui pèse désormais de manière conséquente sur la dette à long terme. S'agissant de la dépense 2008, pouvez-vous nous confirmer qu'à l'exception de ce problème, nous sommes restés dans le cadre de la règle à respecter ?
Pour contenir la dépense, il convient de jouer sur la réserve de précaution. Outre les annulations survenues lors du collectif, il restait environ 3 milliards d'euros. Comment ce solde a-t-il été utilisé ? Le calibrage de la réserve de précaution pour 2009 permettra-t-il de respecter la règle susdite ?
Lors de l'examen du collectif budgétaire, nous avons noté que la totalité des dépenses prévues au titre du plan de relance étaient des dépenses non récurrentes, des dépenses d'investissement, d'anticipation. Nous travaillons également sur un texte de programmation pluriannuelle. Ne serait-il pas sain de faire figurer pour les années 2011-2012 les économies à trouver en contrepartie de l'anticipation des dépenses 2009-2010 ? Nous devons impérativement disposer d'instruments de pilotage permettant de ne pas perdre de vue l'objectif du retour à l'équilibre, quelle que soit la conjoncture. Ce plan de relance est, je l'ai déjà dit, remarquablement équilibré, associant des mesures de trésorerie, de soutien aux entreprises, et des mesures d'investissement, non récurrentes ; il faut cependant aller jusqu'au bout de la logique et s'engager au-delà de cette période, dans la perspective d'une sortie de la crise courant 2010, en travaillant sur l'assainissement de nos dépenses – dans la mesure où, du côté des recettes, on ne peut que constater des moins-values.
En matière de recettes, d'ailleurs, ayons la modestie de reconnaître que la prévision est un art extrêmement difficile, en particulier s'agissant de l'élasticité à la croissance, qui peut aller de taux négatifs jusqu'aux taux de 2,5 voire 3 % obtenus en 1999-2000. L'expérience le montre : il faut prendre en compte l'effet « assiette » en totalité. Or nous constatons une moins-value de 5 milliards par rapport au dernier ajustement, en décembre. Il faut, monsieur le ministre, que vous la preniez en compte totalement en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés et la TVA, ce qui doit conduire à une augmentation équivalente de la prévision de déficit pour 2009.
En matière d'imposition sur les revenus du patrimoine, la surprise est bonne. Toutefois, on observe là un effet de bosse. Il faut être prudent et ne pas le reconduire pour 2009.
S'agissant de la stratégie à adopter, nous avons tout intérêt à voter la loi de programmation pluriannuelle, modifiée d'après les indications que vous nous avez données, car elle comporte le volet très important de la dépense triennale. Au moment où vont être engagées les discussions budgétaires pour 2010, il faut donner un signal aux différents ministères afin qu'ils comprennent que, s'il y a un plan de relance, il convient également de respecter les règles de gestion établies, dans le cadre triennal, à partir de crédits « normaux ».
Avec le président de la Commission, nous avons souhaité que soient intégrées dans la loi de programmation certaines règles de bonne gouvernance en matière de dépense fiscale. Vous avez accédé à notre demande, ce dont je vous remercie. Dans cette période d'incertitude, il convient d'avoir des repères : le premier est la nécessité de faire évoluer la dépense au rythme de l'inflation, hors les dépenses spécifiques non récurrentes du plan de relance ; le second est la non-augmentation des dépenses fiscales : si je suis aujourd'hui convaincu d'une chose, c'est que les baisses d'impôt ne sont pas à l'ordre du jour !