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Intervention de Éric Woerth

Réunion du 20 janvier 2009 à 16h15
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, nous avions convenu de cette rencontre dans la mesure où, malgré les rectifications successives, les recettes financières pour 2008 n'étaient pas à la hauteur de nos attentes. Je suis aujourd'hui en mesure de vous les présenter en détail, la période complémentaire s'étant achevée vendredi dernier, 16 janvier, au soir. Ces informations vous sont donc communiquées dans un délai record.

L'année 2008 s'est achevée sur un déficit budgétaire de 56,2 milliards d'euros, en augmentation de 14,5 milliards par rapport à la loi de finances initiale, et de 4,7 milliards par rapport au collectif voté en décembre dernier. Cette dégradation est intégralement imputable à la conjoncture, qui pèse fortement sur les recettes fiscales.

Les moins-values de recettes traduisent ainsi une dégradation très sensible de la conjoncture en fin d'année. Elles sont concentrées sur les recettes fiscales, qui sont en moins-value de 11,5 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale et de 4,5 milliards d'euros par rapport au collectif de décembre.

L'ampleur des moins-values par rapport aux dernières prévisions, pourtant relativement récentes, est significative ; elle s'explique par leur concentration sur les deux derniers mois de l'année et sur les deux impôts les plus sensibles à la conjoncture : la TVA et l'impôt sur les sociétés. Un tel incident était attendu sur l'acompte de décembre de l'impôt sur les sociétés, mais non sur la TVA.

Les recettes de TVA nette s'élèvent en effet à 129,8 milliards d'euros, somme inférieure de 3,3 milliards d'euros au collectif de décembre et de 5,2 milliards d'euros aux projections de la loi de finances initiale. Il y a deux explications à cela.

Tout d'abord, le rythme de traitement des remboursements de crédits de TVA par l'administration fiscale s'est accéléré à la fin de l'année. L'impact sur les encaissements de TVA nette de l'année est de 800 millions d'euros ; toutefois, suivant la règle comptable, cela n'a pas d'influence sur le déficit public et ne devrait pas se reproduire en 2009.

Ensuite – et c'est plus inquiétant –, les recouvrements de TVA ont été en net recul en novembre et décembre : leur valeur est inférieure de 2,5 milliards d'euros aux prévisions du collectif, et se trouve même en deçà du niveau de novembre et décembre 2007. À y regarder dans le détail – bien que l'on ne dispose pas encore de tous les agrégats –, ce recul s'expliquerait, dans une faible mesure, par une demande accrue de délais de paiement de la part des entreprises et, dans une large mesure, par une baisse de l'assiette taxable. En effet, l'analyse sectorielle de la TVA déclarée par les entreprises met en évidence des baisses importantes dans des secteurs comme le commerce de gros, les services aux entreprises et l'industrie des biens intermédiaires, ce qui tend à indiquer que la dégradation concerne davantage le comportement des entreprises – baisse de l'investissement, déstockage –, que la consommation finale des ménages.

Quant à l'impôt sur les sociétés, ses revenus sont en diminution de 2,2 milliards d'euros par rapport au collectif et de 4,6 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale. Cette moins-value tient en particulier à de moindres versements d'acompte de décembre, ce qui traduit des anticipations de résultats moins favorables qu'en 2007. Ce phénomène concerne les sociétés du secteur financier, ce qui était largement anticipé, mais aussi celles d'autres secteurs, comme l'énergie. Il est notamment dû à des provisions passées pour dépréciations d'actifs financiers.

En revanche, les recettes des autres impôts sont en ligne ou en légère plus-value par rapport aux dernières prévisions : léger excédent – 200 millions d'euros – par rapport à la prévision du collectif pour l'impôt sur le revenu, en raison d'une amélioration du taux de recouvrement ; pour la TIPP, les recettes sont en légère dégradation par rapport à la loi de finances initiale, mais en ligne avec l'évaluation du collectif ; quant aux autres recettes fiscales, elles dépassent de 800 millions d'euros la prévision du collectif notamment en raison du dynamisme des prélèvements sur les revenus de capitaux mobiliers.

Les recettes non fiscales sont, quant à elles, très proches des dernières évaluations, puisqu'elles sont inférieures de 200 millions d'euros à la prévision du collectif. Des moins-values sur les recettes tirées des jeux, des amendes de police et de la contribution de la Caisse des dépôts et consignations représentative de l'impôt sur les sociétés sont compensées par diverses recettes, en particulier, et cela mérite d'être relevé, par les premières recettes tirées de la rémunération de la garantie accordée par l'État à Dexia et à la société de financement de l'économie française, la SFEF, pour 200 millions d'euros.

J'en viens maintenant aux dépenses : elles ont progressé comme l'inflation, en ligne avec les prévisions du collectif.

Les dépenses au sens de la norme élargie, c'est-à-dire incluant les prélèvements sur recettes, s'élèvent à 344,9 milliards d'euros, somme de 4 milliards d'euros supérieure aux prévisions de la loi de finances initiale, mais de 300 millions d'euros inférieure à celles du collectif.

Comme cela avait été annoncé lors du collectif, ce dépassement est imputable essentiellement à l'augmentation des charges de la dette. Toutefois, la diminution significative des taux courts depuis l'automne a permis de contenir à 3,3 milliards d'euros le dépassement des charges d'intérêt par rapport à la prévision de la loi de finances initiale. Le reste du dépassement par rapport à la loi de finances initiale se partage entre le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, pour 300 millions d'euros, et le budget général.

Il convient de noter que la progression des dépenses de l'État en 2008 est restée conforme à l'objectif « zéro volume ». Elles ont en effet augmenté à périmètre constant de 2,8 % par rapport à 2007, ce qui correspond à l'estimation actualisée de l'inflation pour 2008 – rappelons que la loi de finances pour 2008 se fondait sur une hypothèse de 1,6 %. Il ne faut pas s'étonner outre mesure de cette coïncidence des chiffres car c'est bien le surcroît d'inflation qui explique l'essentiel du dépassement des charges de la dette.

S'agissant, enfin, des comptes spéciaux, l'évolution limitée de leur solde, avec un excédent de 700 millions d'euros au lieu des 900 millions prévus dans le collectif de fin d'année, masque des évolutions en sens contraire.

Le compte de pensions et le compte des participations financières de l'État sont en léger excédent – 400 millions d'euros pour le premier, 300 millions pour le second –, en raison de recettes plus élevées que prévues.

À l'inverse, le compte d'avances aux collectivités territoriales finit l'année avec un déficit de 400 millions d'euros, alors que les prévisions tablaient sur un excédent similaire. Cette moins-value de 800 millions d'euros est principalement imputable à la taxe professionnelle : il semble que les entreprises aient davantage limité leurs versements au titre du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée. Deux facteurs sont susceptibles d'expliquer ce phénomène, sans qu'il soit encore possible de les pondérer : d'une part, une recherche d'optimisation de trésorerie dans une période où le financement est difficile – en d'autres termes, les entreprises n'ont pas payé – ; d'autre part, une dynamique plus faible que prévu de la valeur ajoutée, qui conduit celles-ci à atteindre plus rapidement le seuil de 3,5 %.

Ces résultats de l'exécution 2008, combinés aux premières estimations des recettes de la sécurité sociale, vont nous conduire à réviser la prévision de déficit pour 2009 contenue dans le collectif, ainsi que la trajectoire de solde de la loi de programmation. Comme les règles de procédure nous l'imposent, cette révision se fera au Sénat en ce qui concerne le collectif et à l'occasion de la CMP pour la loi de programmation. Néanmoins, comme je m'y étais engagé devant vous, monsieur le président, c'est à votre Commission que je réserve la primeur de ces informations.

Pour 2008, il faut ajouter à la détérioration du solde budgétaire l'impact de moins-values des recettes sociales, la masse salariale ayant été moins dynamique que prévu d'environ 0,5 %. Cela représente 1,7 milliard d'euros de recettes en moins pour l'ensemble des administrations de sécurité sociale, et 1,2 milliard d'euros pour le seul régime général. L'ajustement des recettes de l'État et de la sécurité sociale conduit ainsi à réviser de 0,3 point de PIB la prévision de déficit de l'ensemble des administrations publiques pour 2008, pour la porter à 3,2 points de PIB. Cela reste une prévision, car je ne dispose pas encore de toutes les données, en particulier celles concernant les collectivités locales. Ce n'est qu'à la fin du mois de mars, après sa publication par l'INSEE, que nous connaîtrons le chiffre précis. On peut cependant penser que celui de 3,2 est très proche de la réalité.

Pour 2009, le déficit budgétaire du collectif que vous avez voté il y a deux semaines s'établissait à 79,3 milliards d'euros, et la prévision de déficit public était de 3,9 points de PIB après prise en compte du plan de relance. Toutefois, l'analyse exacte des recettes encaissées en 2008 nous conduit à revoir à la baisse les prévisions de recettes pour 2009.

Les recettes fiscales sont ainsi révisées de 7 milliards d'euros pour l'État, ce qui porte le déficit budgétaire à environ 86,5 milliards d'euros.

Les recettes de TVA sont revues à la baisse, à hauteur de 2,5 milliards d'euros, afin de tenir compte de la réalité des encaissements de TVA brute en 2008. En revanche, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, le surplus de remboursements constaté fin 2008 étant lié à une accélération du rythme de traitement administratif, il n'aura pas de répercussion sur la prévision de 2009.

Les recettes de l'impôt sur les sociétés sont revues fortement à la baisse, à hauteur de 4,5 milliards d'euros. Ce montant est supérieur à la moins-value constatée fin 2008 par rapport au dernier collectif, car nous souhaitons être prudents : la diminution constatée des acomptes versés en décembre 2008 laisse craindre une moins-value supplémentaire à l'occasion du versement du solde de l'impôt dû au titre de 2008 à la suite de la clôture de leurs comptes par les entreprises. Dans le plan de relance, nous avons offert aux entreprises la possibilité d'avancer celui-ci d'avril à janvier : nous connaîtrons donc assez vite le résultat. Au total, la prévision de recettes pour l'impôt sur les sociétés pour 2009 s'établit désormais à 37,9 milliards d'euros, soit un niveau proche des recettes perçues en 2002-2003 et inférieur de 25 % au maximum de 2007.

Les prévisions de recettes des autres impôts ne sont pas modifiées, car il ne m'a pas paru prudent de tirer des conséquences pour 2009 des plus-values constatées en 2008.

Quant aux prévisions de recettes de la sphère sociale, elles sont réduites de 1,7 milliard d'euros, ce qui traduit directement l'effet en base de la moins-value de 2008.

Au total, le déficit public pour 2009 serait aggravé de près de 9 milliards d'euros, soit 0,5 point de PIB, pour atteindre 4,4 points de PIB. Comme vous l'avez indiqué, monsieur le président, à ce stade, nous n'avons pas revu nos prévisions macroéconomiques : les dernières prévisions de la Commission européenne, qui donnent pour la France un déficit de 5,4 points de PIB pour 2009 et une croissance de moins 1,8 %, ne sont pas les nôtres.

Une chose est sûre : si la croissance est négative, nous laisserons jouer les stabilisateurs automatiques, mais nous ne compenserons pas les manques à gagner de recettes fiscales ou de cotisations sociales. On peut estimer qu'un point de croissance en moins se traduira par un accroissement du déficit public d'environ 0,5 point de PIB. La différence entre la prévision de la Commission et la nôtre renvoie à des hypothèses de croissance différentes, non à une compréhension différente de la politique budgétaire menée.

Pour les années 2010 à 2012, le déficit serait impacté de la même manière qu'en 2009 par les révisions de recettes, soit d'environ 9 milliards d'euros. Il s'inscrirait donc à 3,1 points de PIB en 2010, à 2,3 points en 2011 et à 1,5 point en 2012.

Si cette prévision nous fait revenir assez rapidement en deçà des 3 points de PIB et nous permet de viser un déficit limité en 2012, ce n'est pas par angélisme : c'est, d'une part, parce que nous croyons toujours possible une reprise en 2010 et, d'autre part, parce que le plan de relance est borné dans le temps. L'effet de relance est ciblé essentiellement sur 2009 et nous avons proscrit toute dépense supplémentaire pérenne. Nos finances publiques ont trop souffert de la stratification de dépenses nouvelles décidées dans des périodes de basses conjonctures, et sur lesquelles on ne revient jamais ! Si l'on veut avoir un effet rapide sur l'activité tout en préservant la soutenabilité financière de l'État – dont on mesure aujourd'hui l'intérêt –, c'est bien de dépenses ciblées, significatives, mais bornées dans le temps que nous avons besoin.

Pour conclure, je relèverai trois faits saillants de l'analyse de l'exécution 2008.

Premièrement, la dépense, corrigée des effets du pic d'inflation observé en cours d'année, est globalement tenue. C'est le signe que, dans la crise, nous n'abandonnons pas nos objectifs fondamentaux de maîtrise des finances publiques. Il en sera de même en 2009 : si le plan de relance doit être mis en oeuvre d'une façon résolue et rapide, je suis tout aussi résolu à garantir la maîtrise des dépenses courantes des ministères.

Deuxièmement, le déficit s'accroît très sensiblement, en raison de l'impact de la conjoncture sur les recettes fiscales. Cela traduit l'engagement que nous avions pris de ne pas ajouter la crise à la crise, et de ne pas chercher à compenser par des mesures pesant sur les ménages ou les entreprises la diminution des recettes due au ralentissement de l'économie. Nous avons pris le parti d'en tirer d'emblée les conséquences dans l'évaluation du déficit 2009 : le collectif sera amendé en ce sens au Sénat.

Troisièmement, l'analyse plus détaillée des moins-values de recettes, concentrées sur l'impôt sur les sociétés, sur la TVA sur l'investissement et les consommations intermédiaires, et sur la taxe professionnelle, met en évidence que la situation des entreprises est davantage dégradée que la consommation des ménages. Cela conforte la stratégie du plan de relance, qui privilégie le soutien à l'activité des entreprises et à l'investissement par rapport à la consommation.

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