Je ne reviens pas sur le problème des cadences de livraison du Rafale, ni sur le « retrofit » de Mirage 2000D ou le traitement des obsolescences.
En ce qui concerne l'aviation de combat, la question du missile METEOR reste posée. Le Rafale est un bon avion, mais avec le METEOR il pourra asseoir sa suprématie sur l'ensemble des avions de combat existant à ce jour. Or on est toujours en panne de commande. De plus, on entend dire que cela compromettrait l'exportation des Rafale dans la mesure où l'Eurofighter et le Grippen seraient équipés d'un tel missile.
Le fabricant de l'A400M doit absolument surmonter les difficultés auxquelles il est confronté, mais cela risque d'être long et ce ne sera pas sans conséquence pour lui, avec des pénalités, voire une révision de prix, qui est, il me semble, indexé sur le PIB des pays acheteurs. J'en déduis que l'armée est en meilleure position pour négocier des solutions de remplacement telles que l'utilisation d'A330 en version cargo, qui seraient ensuite « retrofittés » en MRTT, par exemple dans le cadre d'un partenariat public-privé entre le SIAé et l'industriel. Le CASA pourrait également se révéler un complément utile.
En revanche, je suis plus inquiet pour le MRTT. Aucune décision n'a été prise alors qu'elle était annoncée pour le milieu de l'année 2008. Or il est urgent de décider car les C135FR sont très usés. Les KC135 le sont moins, mais on ne peut pas les déployer à l'international. Nous sommes donc au pied du mur.
J'en viens aux drones. Le SIDM aurait, selon l'industriel, été livré en mai 2008. Pour m'être rendu au centre d'expérimentation aérienne militaire de Mont-de-Marsan, je sais que ce drone en est encore au stade des mises au point, qui nécessitent l'intervention de l'industriel. Le déploiement en Afghanistan sera un test de vérification, y compris pour le dégivrage. Mais, comme ce déploiement n'était pas prévu, se pose le problème des pièces de rechange et des systèmes supplémentaires éventuels. Sauf erreur de ma part, la fin de vie de cet équipement était prévue vers 2016. Or l'Advanced UAV – le remplaçant – est attendu vers 2020, voire plus tard. Comment faire la soudure ? Nous avons une offre sur la table, certes avec un autre type d'appareil, mais à un coût moindre. Comment envisagez-vous le montage du programme SDM ? Le ministre de la défense a déclaré qu'il avait signé avec ses collègues allemand et espagnol une déclaration d'intérêt tripartite pour l'Advanced UAV, mais qu'elle n'était pas totalement engageante. Notre commission pourrait faire oeuvre utile sur la question avant que la décision ne soit prise. L'enjeu n'est pas mince : il se compte en milliards d'euros.
La contrainte budgétaire doit nous rendre encore plus attentifs à la dépense, à toute la dépense. Je ne nie pas la nécessité de remplacer certain parc d'avions, ni l'urgence qui s'y attache. Toutefois, il aurait fallu choisir entre les urgences ; or cela ne paraît pas être le cas. Le processus de préemption de crédits auquel nous assistons ne semble pas de bonne politique s'agissant d'un budget de la défense qui reste contraint, avec des exigences opérationnelles fortes. Tout le monde aura compris que je veux parler du renouvellement du parc d'avions gouvernemental.
Général Stéphane Abrial, chef d'état-major de l'armée de l'air. Le METEOR, programme franco-britannique, est l'une des clefs de notre coopération depuis de nombreuses années. Il s'agit à mes yeux d'un élément indispensable de la panoplie d'armement dont doit disposer le Rafale. À l'époque où le programme Rafale était encore dans les limbes et émergeait difficilement, l'armée de l'air a dû se concentrer sur les armements indispensables à court terme : c'est pour cette raison que, pour le combat air-air, il n'est pour le moment équipé que des missiles MICA.
Toutes les armées du monde se dotent aujourd'hui d'appareils de combat aérien à très longue portée. Le METEOR équipera l'Eurofighter et le Grippen. Quant à l'industrie russe, elle monte ce type de missile à très longue portée sur le Sukhoï 30, qui est vendu assez largement, y compris à des pays qui ne sont pas très loin du nôtre. Pour tenir son rang, le Rafale a besoin du METEOR qui préservera l'efficacité de l'armée de l'air dans les années 2020 et au-delà. Pour être exporté, le Rafale doit impérativement proposer cette option, sous peine d'être rapidement écarté au profit de ses concurrents.
Le développement et la production d'un certain nombre de missiles seront inscrits dans la LPM, le Rafale devant être équipé à la fin de la prochaine décennie, aux alentours de 2018. Cette échéance est acceptable dès lors que le développement a bien eu lieu en amont et que la situation internationale ne se dégrade pas. Si la situation sécuritaire venait à évoluer dans le mauvais sens, il faudrait alors envisager d'accélérer la fabrication de ces missiles.
Pour trouver une solution palliative au retard de l'A400M, l'armée de l'air n'est absolument pas opposée au partenariat public-privé (PPP). Une telle démarche est également envisagée pour le MRTT. Mais ce type de financement doit être examiné avec prudence car l'expérience britannique n'est pas très encourageante. Peut-être pourrons-nous apprendre d'eux et éviter de nous heurter aux mêmes écueils. Ce qui est certain, c'est que, plus le temps passe, plus les appareils vieillissent. Je dois donc payer très cher le maintien en condition opérationnelle du parc existant dont le coût à l'heure de vol augmente. Je dois aussi engager des remises à niveau pour permettre à ces avions de répondre aux exigences de la circulation aérienne civile qui s'accroissent d'année en année. Je dois changer les équipements de bord pour qu'ils puissent être acceptés, ne serait-ce que dans les phases de transit vers un théâtre ou un autre durant lesquelles nos appareils de combat sont ravitaillés. Dès que la décision sera prise, il faudra remplacer très vite les tout premiers MRTT. Or j'ai des doutes sur notre capacité à mettre en place un PPP dans les délais nécessaires, au moins pour les trois premiers appareils. Il faudra vraisemblablement les acheter. En revanche, pour le reste de la flotte, un dispositif de type PPP peut être envisagé – en tout cas, l'armée de l'air s'inscrit dans cette perspective. L'appel d'offres n'est pas encore lancé, et nous avons le choix entre l'Airbus A330 – qui répondrait aux besoins avec 14 appareils – et le Boeing 767 – pour lequel il faudrait 16 appareils, car il a une capacité moindre.
S'agissant des drones, le SIDM a été initialement conçu pour acquérir de l'expérience, mais absolument pas pour aller au combat – le I de cet acronyme signifie en effet intérimaire. Mais, du fait du retard et de la situation internationale, nous sommes obligés de l'utiliser en Afghanistan. La mise en service opérationnelle sera donc réalisée en ambiance réelle. Les Américains ont adopté la même démarche avec le Predator B, qui est allé directement de l'usine au théâtre afghan. Nous allons faire la même chose, avec une difficulté : comme il s'agissait d'un dispositif intérimaire, les contrats initiaux ne prévoyaient pas le maintien en condition opérationnelle, qui est une nécessité s'il y a des opérations réelles. Globalement, nous n'avions acheté que trois systèmes. Or l'expérience de nos alliés prouve qu'il s'agit d'appareils consommables. Si on les utilise beaucoup, ils ne suffiront sans doute pas, d'où notre demande d'une quatrième plateforme.
Leur fin de vie est prévue pour 2015-2016 et ces systèmes ne pourront pas être prolongés très longtemps. Il faut donc éviter tout risque de rupture capacitaire. Deux projets sont actuellement sur la table : l'Advanced UAV, qui intéresse aussi nos camarades allemands et espagnols, et un projet concurrent porté par les sociétés Dassault, Thales et Indra sur la base d'un appareil israélien. Si aucune de ces deux pistes n'aboutit, nous n'aurons pas d'autre choix que d'acheter sur étagère des produits soit israéliens, soit, plus vraisemblablement, compte tenu des contraintes d'interopérabilité et de compatibilité, américains.