Mes chers collègues, nous accueillons le général Stéphane Abrial, chef d'état-major de l'armée de l'air, à qui je souhaite la bienvenue en notre nom à tous.
Certains d'entre nous ont déjà eu l'occasion, en juillet dernier, de débattre avec lui des problèmes spécifiques à l'armée de l'air, en particulier de l'effort très important de restructuration qu'elle va devoir réaliser puisqu'elle porte sur 30 % de ses bases en France métropolitaine. Nous connaissons aussi les difficultés opérationnelles auxquelles elle est confrontée, difficultés qui risquent d'être encore accentuées par le nouveau retard de l'A400M.
Vous nous ferez le point, mon général, sur ces différents sujets en nous détaillant par ailleurs l'évolution des crédits pour 2009, première année de la future loi de programmation militaire.
Général Stéphane Abrial, chef d'état-major de l'armée de l'air. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, c'est avec fierté et plaisir que je m'exprime devant vous pour la troisième fois en tant que chef d'état-major de l'armée de l'air afin de vous rendre compte de l'engagement des aviateurs au service de la Nation.
L'année 2008 est particulière puisque l'exécution de la loi de programmation militaire (LPM) 2003-2008 se termine, tandis que nous préparons un autre exercice qui va s'étendre de 2009 à 2014. Après avoir évoqué ce que l'armée de l'air accomplit chaque jour au profit de nos concitoyens, je vous ferai un bilan rapide de la précédente LPM et vous présenterai les enjeux liés au projet de loi de finances (PLF) pour 2009 en termes d'équipements, de mise en condition opérationnelle de nos matériels, ainsi que l'impact, y compris sur le plan humain, de la rationalisation de très grande ampleur que nous allons mettre en oeuvre. Je m'en tiendrai évidemment aux domaines liés à mes attributions, sous l'autorité du chef d'état-major des armées. Vous comprendrez donc que mes appréciations se porteront principalement sur la cohérence organique de l'armée de l'air.
Les contributions de l'armée de l'air au service des autorités politiques et militaires ou de nos concitoyens sont très variées. L'usage de la troisième dimension peut être une alternative à des méthodes plus classiques pour traiter les crises. Ce sont ainsi des avions de reconnaissance qui ont ramené les preuves de la présence de missiles balistiques à Cuba en 1962. Ce sont des avions militaires de transport qui ont assuré un pont aérien vers Berlin en 1948 et évité tout risque d'accrochage au sol entre les convois de ravitaillement et les troupes soviétiques. L'armée de l'air joue en fait un rôle essentiel en incarnant le volet militaire de la puissance aérienne, qui participe elle-même à la puissance globale et au rayonnement d'un pays. Mais la contribution de l'armée de l'air s'inscrit également quotidiennement dans la stratégie de défense et de sécurité nationale. Elle intervient sur l'ensemble des théâtres d'opération où nos armées sont impliquées. Elle participe aux différentes missions qui mobilisent les moyens militaires.
Depuis octobre 1964, des avions équipés d'armement nucléaire sont prêts à décoller si nos intérêts vitaux venaient à être menacés. Premier pilier historiquement mis en oeuvre dans notre triade nationale, la composante pilotée offre des capacités uniques au sein de notre outil de dissuasion : profils de vol différents s'adaptant en permanence aux modes d'actions défensifs adverses ; rappel possible jusqu'au dernier moment laissant la place à d'ultimes négociations ; précision extrême ; sanctuarisation de notre territoire. Tous ces effets sont obtenus à un coût relativement faible au sein du système de dissuasion français.
Toujours sur notre territoire, nous contribuons à la sécurité de nos concitoyens. Nous mobilisons ainsi de très nombreux moyens pour la sûreté de l'espace aérien, garantissant sa souveraineté et la liberté d'action de l'État. Nous maintenons en permanence en alerte jusqu'à 12 avions de chasse sur 6 bases, et jusqu'à 4 patrouilles de 2 hélicoptères dans le cadre de la posture permanente de sûreté – la PPS –, ce qui mobilise vingt-quatre heures sur vingt-quatre environ 1000 personnes. Nos avions de chasse décollent en moyenne 1 500 fois par an pour veiller sur le ciel de France. Par ailleurs, environ 130 opérations de recherche et sauvetage sont déclenchées annuellement en France : elles sauvent en moyenne une vingtaine de personnes, victimes d'accidents aériens civils ou militaires.
À l'étranger, nos moyens sont engagés en Afrique depuis une trentaine d'années. Nous disposons de 5 avions de transport au Tchad et en Côte-d'Ivoire et de 6 avions de chasse soutenus par un ravitailleur à N'Djamena, qui peuvent intervenir sur toute l'Afrique centrale. Nous participons actuellement à l'EUFOR avec l'ensemble de nos moyens prépositionnés.
Les événements tragiques du 18 août ont aussi mis en avant notre engagement en Afghanistan. Les hélicoptères Caracal ont acheminé renforts, secours et équipements pendant la majeure partie des combats dans la vallée d'Uzbeen tout en évacuant les victimes. De nombreuses actions de ce type, bien que beaucoup moins intenses, se sont déjà produites. Nous intervenons en effet depuis plus de six ans en Asie Centrale avec nos hélicoptères, nos avions de transport, de ravitaillement, de chasse ou nos forces spéciales qui ont d'ailleurs effectué un travail aussi remarquable que discret. L'activité y est très soutenue. Nos Rafale et nos Mirage 2000D basés à Kandahar accomplissent quotidiennement des missions de renseignement, de protection de convois, de surveillance de zones et d'itinéraires, ou de démonstration de forces et, quand c'est nécessaire, d'attaques d'objectifs désignés par les troupes de la coalition sous le feu ennemi. Le couple avion de chassetroupes au sol est devenu incontournable en Afghanistan du sud et de l'est. Les équipages de transport assurent un flux logistique indispensable pour fournir en matériels et denrées les unités françaises présentes en Afghanistan et usent parfois de techniques originales comme l'aérolargage à haute altitude pour livrer les fournitures qu'ils emportent. Comme au Tchad, un nombre limité d'hommes met en oeuvre une dizaine d'appareils capables d'intervenir sur un théâtre étendu. Nous pouvons ainsi, avec une empreinte au sol réduite à moins de 500 personnes, rayonner aisément et faire valoir notre influence sur toute une région en nous appuyant sur une base servant de hub, telle Douchanbe en Asie centrale qui dessert des ramifications : Kaboul et Kandahar.
Au total, et au-delà du personnel et des appareils dédiés à la posture permanente de sûreté, ce sont quelque 3 500 aviateurs qui servent hors de métropole et mettent en oeuvre environ 80 machines, qu'il s'agisse d'avions de chasse ou de transport, d'hélicoptères ou de ravitailleurs.
Notre efficacité en opération s'explique notamment par le fait que les priorités fixées par l'armée de l'air dans le cadre de la loi de programmation militaire 2003-2008 ont été globalement atteintes. Le taux d'exécution budgétaire de la LPM au travers des lois de finances successives est de l'ordre de 99 %. Ce résultat, qui paraît remarquable, ne doit cependant pas masquer une certaine faiblesse du volume des autorisations d'engagement dans le bilan provisoire 2003-2007, qui nous a contraints de retarder la modernisation de nos flottes en faisant peser de fortes contraintes organiques sur le maintien en condition de certains avions anciens.
Les marges de manoeuvre sur les programmes de l'armée de l'air sont aujourd'hui très faibles, du fait des mesures déjà prises lors des arbitrages budgétaires précédents, du caractère inéluctable des dépenses à venir ou des engagements liés aux programmes développés dans le cadre de la construction européenne.
Des incertitudes pèsent sur la fin de gestion 2008 qui peut se révéler délicate. Pour l'armée de l'air, le plafonnement des engagements se traduira probablement par une limitation des commandes de 2008 aux environs des 1,9 milliards d'euros – contre un montant initial de 2,2 milliards – incluant 280 millions d'euros destinés aux avions à usage gouvernemental. Nous avons fait le choix incontournable cette année de préserver les programmes liés à la modernisation de notre outil de combat aérien. Notre cohérence globale en souffre, avec des ressources moindres accordées à l'entraînement, à la simulation ou à la mise aux normes de l'Organisation de l'aviation civile internationale de certains aéronefs.
Aussi, malgré tous les efforts déjà largement consentis par la Nation et la conjoncture financière défavorable, est-il nécessaire d'assurer fin 2008 une sortie de gestion à l'équilibre du programme 146, tout en préservant le dernier montant des engagements fixé. En cas contraire, le risque serait grand que la future LPM soit fragilisée avant même son vote, alors qu'elle constitue le premier pas essentiel vers le modèle de défense du nouveau Livre blanc. Il me semble, de ce point de vue, nécessaire de repenser d'une manière globale le traitement en gestion des aléas financiers du ministère de la défense, notamment la prise en compte des surcoûts OPEX et du carburant opérationnel. Ce traitement n'est pas satisfaisant puisque, jusqu'à présent, il vient ponctionner les ressources du programme 146.
Pour autant, nous avons l'opportunité de bénéficier d'un nouvel élan avec une stratégie de défense et de sécurité nationale redéfinie, de nouveaux processus inspirés par la révision générale des politiques publiques et une loi de programmation militaire en cours de construction.
Le Livre blanc, comme vous le savez, définit précisément le format de l'armée de l'air pour les années à venir. Dans ses grandes lignes, il prévoit que la composante aérienne de combat sera modernisée pour disposer d'un parc homogène de 300 avions de combat de type Rafale et Mirage 2000D modernisés, dont 270 en ligne. L'armée de l'air assurera la mise en oeuvre de la composante aéroportée de dissuasion, avec 2 escadrons nucléaires et une capacité de ravitaillement associée. Une infrastructure radar adaptée, qui comprendra des avions radar de type AWACS ou Hawkeye de la marine, sera employée pour la surveillance et le contrôle du territoire national. Enfin, la flotte d'avions de ravitaillement et de transport comprendra une quinzaine d'appareils de type MRTT (avion multirôle transport-ravitaillement) et environ 70 avions de transport.
L'élaboration de ce format adapté à nos contrats opérationnels a notamment correspondu à l'application de deux principes. Le premier est que la qualité permet d'économiser sur la quantité. Il vaut mieux disposer d'un avion possédant le système d'arme conçu pour délivrer un armement précis dans un environnement urbain que de plusieurs avions, moins bien équipés et seulement capables de tirer des bombes dont les trajectoires balistiques sont plus aléatoires. Nous sommes ainsi en mesure de détruire l'objectif assigné tout en limitant fortement les risques de dommages collatéraux.
La logique est la même pour le combat aérien. Nous constatons que des matériels russes de quatrième génération très performants et polyvalents, comme le Sukhoï 30, s'exportent de plus en plus. Ces avions équipent les grandes puissances comme la Chine ou l'Inde, voire des puissances régionales comme l'Éthiopie, ou l'Algérie qui disposera à terme d'une trentaine d'exemplaires ravitaillables en vol. La Russie a parallèlement choisi de marquer son mécontentement face aux dernières initiatives américaines en laissant, comme au temps de la guerre froide, ses bombardiers stratégiques flirter avec les espaces nationaux des pays d'Europe de l'Ouest. Des modes d'action ressurgissent, que l'on pensait révolus.
Notre expérience du combat nous a appris que le talent et la bravoure ne peuvent complètement compenser une infériorité technologique. Tous ceux qui, comme moi, suivent les grands prix de Formule 1 comprennent l'importance, quelle que soit la qualité des hommes, de posséder un matériel plus performant que celui de ses adversaires pour asseoir sa supériorité. Il en va de même dans le ciel. Lors d'une interception, celui qui peut voir plus loin que son opposant et déclencher ses feux plus tôt part avec un avantage comparatif très appréciable. Le fait de disposer d'avions plus efficaces, mais en nombre réduit, permet également de réaliser des gains significatifs dans le domaine de la logistique, que ce soit dans le volume de mécaniciens nécessaires pour les entretenir ou dans l'achat de pièces de rechange, par exemple.
Le second principe qui a guidé nos pas dans l'élaboration de ce format est celui de la polyvalence des vecteurs. Nous pouvons là encore réaliser des économies d'échelle sans diminuer nos performances. En cas de crise, il n'est plus nécessaire de projeter différents types d'avions spécialisés chacun dans une seule mission. Une seule flotte d'avions suffit, dont la panoplie d'emport ou la cargaison peuvent varier. Là encore, la chaîne logistique est largement simplifiée, avec tous les avantages que cela peut procurer.
Dans cet environnement, vous comprendrez l'importance que revêt le PLF 2009 pour l'armée de l'air, afin de poursuivre convenablement la modernisation de nos équipements. Les moyens alloués pour 2009 évoluent en cohérence avec les décisions du comité de modernisation des politiques publiques. Ils sanctionnent également différentes priorités inscrites dans le Livre blanc : renouvellement des radars de détection haute et moyenne altitude, contractualisation du soutien et des outils de formation de l'A400M, commande globale de 60 Rafale, lancement de l'opération de mise à niveau des Mirage 2000D et rénovation mi-vie des avions radars AWACS. Je soutiens évidemment fortement tous ces choix.
Je suis particulièrement satisfait d'obtenir les ressources permettant de remettre à niveau notre flotte de Mirage 2000D tandis que la commande des Rafale assure la modernisation de nos capacités. Cet avion a démontré ses excellentes performances opérationnelles au cours de deux campagnes de quatre mois en Afghanistan en 2007 et en 2008, ainsi que lors des exercices internationaux de grande ampleur organisés en Europe, au Moyen-Orient ou aux États-Unis. Il a fait chaque fois forte impression et il a largement concrétisé tous les espoirs que nous placions en lui.
Une nouvelle version du Rafale est qualifiée depuis le 1er juillet 2008. Ce standard F3 ajoute aux capacités initiales la possibilité de tir du missile nucléaire stratégique ASMPA – air-sol moyenne portée amélioré – et du missile anti-navire AM39, ainsi qu'une capacité de reconnaissance de nouvelle génération avec la nacelle que nous appelons Reco NG. Ce nouveau standard est désormais disponible sur les avions sortant d'usine. Le « retrofit » des appareils déjà livrés en standard F2 vers le standard F3 a par ailleurs débuté et se poursuivra jusqu'au début 2010.
Fin 2008, le deuxième escadron Rafale débutera sa transformation sur la base aérienne de Saint-Dizier. Les nouvelles capacités du standard F3, hors missile ASMPA, devraient être déclarées opérationnelles en 2009. Il faudra attendre mi-2010 pour la capacité nucléaire.
Aujourd'hui, en raison des nombreux décalages dus aux régulations financières récurrentes, 42 avions Rafale ont été livrés à l'armée de l'air au lieu des 57 prévus. Une commande intermédiaire de 8 appareils est prévue pour fin 2008. La prochaine commande globale de 60 avions inscrite au PLF 2009 est donc la bienvenue. Je ne saurais trop insister sur le fait que ces commandes sont indispensables pour que l'armée de l'air soit en mesure de remplir les contrats opérationnels qui lui ont été fixés et que la cadence de production en est un paramètre capital.
La situation pour l'aviation de transport peut également être améliorée. L'A400M est destiné à remplacer la flotte de transport tactique de Cl60 et de Cl30. Il doit également compléter la capacité de ravitaillement en vol sur le théâtre. Cinquante avions ont été commandés par la France. Comme vous le savez, le temps presse car nos valeureux Transall sont désormais à bout de souffle. La vétusté de la flotte est de plus en plus prononcée. Le petit-fils d'un des premiers membres d'équipage du Transall dans les années soixante pourrait tout à fait piloter le même avion que son grand-père !
Le respect des nouveaux contrats est dans ce contexte de plus en plus difficile à tenir. L'armée de l'air doit par exemple être capable de projeter en cinq jours, à 7 000 ou 8 000 kilomètres, une force de réaction immédiate composée de 2 200 hommes et de plus de 3 000 tonnes de matériel. Nous pouvons aujourd'hui projeter la totalité du personnel, mais seulement le tiers environ du matériel prévu. Et, dans l'attente de l'arrivée de l'A400M, ce chiffre va décroître lentement au fur et à mesure du retrait des Transall. C'est pourquoi nous espérons que la plupart des difficultés liées au développement de l'avion seront rapidement levées. Nous savons maintenant que la première livraison dépassera un retard d'un an ; des solutions intermédiaires sont étudiées pour maintenir nos capacités et continuer à assurer un flux logistique entre nos troupes déployées et la métropole. Je suis donc avec beaucoup d'attention l'évolution du programme A400M.
La problématique de l'A400M est par ailleurs étroitement liée à celle du MRTT. Nous avons considéré nos besoins dans les deux cas selon le principe de juste suffisance, en jouant de la polyvalence des deux vecteurs et de leur complémentarité. Une telle approche nous a permis de réduire les cibles initialement envisagées si nous avions considéré le cas des deux avions séparément. Ainsi, 14 MRTT remplaceront 19 appareils : la flotte actuelle de C135, dont les plus vieux exemplaires ont été construits en 1962, ainsi que les trois A310 et les deux A340. Tout décalage de ce programme, ajouté à la faible disponibilité de la flotte C135, ferait peser un risque croissant de rupture des capacités stratégiques de ravitaillement en vol et d'évacuation sanitaire.
Outre les vecteurs aériens traditionnels, l'armée de l'air s'engage avec enthousiasme dans l'ère de la robotisation. L'intérêt des drones s'est définitivement imposé lors des affrontements en Irak et en Afghanistan. Armés ou de reconnaissance, ils sont devenus indispensables sur le champ de bataille. Ils satisfont au besoin de permanence, que les avions ou les hélicoptères ne peuvent honorer qu'avec le soutien de ravitailleurs spécialisés. Les opportunités sont très nombreuses.
D'un point de vue militaire, le couple droneavion de chasse forme une combinaison désormais redoutable. En Afghanistan cet hiver, un Mirage 2000D a frappé de nuit avec une bombe guidée laser des insurgés qui profitaient de l'obscurité pour poser un dispositif explosif improvisé. Ces hommes avaient été repérés en toute discrétion grâce aux capteurs infrarouges d'un drone. Un attentat a ainsi été empêché grâce à des moyens exclusivement aériens, qui montrent leur complémentarité avec le dispositif terrestre.
D'un point de vue interministériel, les applications des drones sont aussi très nombreuses. Les différentes charges utiles qui peuvent être emportées permettent de remplir des missions aussi variées que la protection d'événements sensibles – comme des sommets internationaux ou la visite du Pape –, la prévention de trafics illicites, la détection d'incendies de forêt ou de pollution, entre autres. À ce titre, le drone symbolise le rapprochement des affaires de défense et de sécurité.
Le programme SIDM (Système intérimaire de drone MALE), contractualisé avec la société EADS en août 2001 pour l'acquisition et le soutien d'un système de 3 drones et de 2 stations de contrôle au sol, arrive enfin à terme après cinq années de retard dues aux difficultés rencontrées par l'industriel. Ce système intérimaire est conçu pour offrir une première capacité de surveillance et de désignation d'objectif. À l'horizon 2015, il doit être remplacé par un système de drone MALE plus robuste. La livraison officielle à l'armée de l'air du SIDM sera réalisée ce mois-ci à Mont-de-Marsan. L'expérimentation du système et l'entraînement du personnel opérateur et technicien vont pouvoir débuter. Ils s'effectueront très vite sur le théâtre afghan où le système devrait commencer à évoluer début 2009. Des négociations sont en cours avec EADS pour l'acquisition d'une plateforme supplémentaire et la contractualisation d'un MCO (maintien en condition opérationnelle) couvrant une activité opérationnelle jusqu'en 2016.
Si la modernisation de nos équipements est indispensable, elle ne suffit cependant pas pour assurer notre efficacité sur le champ de bataille. Nous devons être capables de nous entraîner, de répéter régulièrement nos gammes sur les équipements performants que nous possédons pour en exploiter tous les aspects, pour adapter nos tactiques. Mais pour s'entraîner, il faut que les matériels soient disponibles ! Vous n'ignorez pas tous les efforts qui ont été faits dans le domaine du MCO. De grandes réformes ont été menées dans le soutien aéronautique avec la création de nombreuses structures comme la Structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la Défense, la SIMMAD, le Commandement du soutien des forces aériennes au sein de l'armée de l'air, le CSFA, le Service industriel de l'aéronautique, le SIAé, créé au 1er janvier, le tout en moins de dix ans. De même, nous avons réduit de trois à deux les niveaux de maintenance des aéronefs, rationalisant largement notre approche dans ce domaine. Nous disposons ainsi d'une véritable expertise aéronautique étatique qu'il importe de préserver pour conserver un niveau de connaissance technique face aux industriels, orienter l'activité en fonction des priorités opérationnelles ou encore garder un savoir-faire pour les flottes anciennes.
Les résultats de ces réformes peuvent être appréciés aujourd'hui. Nous avons pu stabiliser puis faire progresser la disponibilité qui atteint désormais 95 % sur les théâtres extérieurs. En revanche, le taux de disponibilité en métropole reste de l'ordre de 60 % depuis trois ans. Ce niveau est tout juste suffisant pour assurer sereinement la préparation de nos forces.
Par ailleurs, malgré une forte contraction du format des flottes et le maintien des niveaux actuels des crédits de MCO sur la prochaine LPM, la disponibilité ne devrait pas progresser.
Nous constatons en effet une tendance à la dérive des coûts de rechange et de tarification des prestations industrielles pour nos flottes d'aéronefs, qu'elles soient anciennes ou récentes. Le besoin en ressources augmente aussi significativement pour certains matériels d'information et de communication aéronautiques ou sol-air. Enfin, la restauration et le maintien à niveau des stocks de rechanges, dont la situation continue de se dégrader, nécessiteront probablement un effort financier supplémentaire.
Nos efforts de productivité ne touchent pas que le soutien aéronautique. Nous sommes conscients que nous devons mettre en oeuvre tous les processus possibles de rationalisation. La RGPP a fixé des objectifs dans ce cadre qui impactent fortement l'armée de l'air, mais qui sont nécessaires pour adapter notre empreinte sur le territoire compte tenu de la diminution du nombre d'unités de combat ou de transport. L'objectif qui nous a été fixé est de dissoudre 8 bases au cours des quatre prochaines années. Nous possédons actuellement 37 bases en métropole : ce nombre devrait passer à 29 en 2012. Les bases restantes seront densifiées, le nombre moyen d'avions passant de 30 à 40 pour chaque plate-forme. Les effectifs vont être réduits mécaniquement. Nous devrions perdre 15 900 personnes en six ans et l'armée de l'air devrait comprendre 50 000 hommes en 2014. Cela correspond à une diminution de 25 % par rapport aux effectifs actuels. De fait, le nombre moyen d'aviateurs par base passera de 1 600 à environ 2 000.
Le plan « Air 2010 », décidé dès 2000 par les autorités de l'armée de l'air, nous avait permis d'anticiper ces réformes nécessaires en modernisant nos structures devenues très complexes, avec de trop nombreux commandements. L'armée de l'air est ainsi passée d'une logique de segmentation du territoire et des responsabilités à une logique de cohérence globale et de décentralisation. Ce projet a rassemblé des familles de métiers, en parfaite adéquation avec les trois grandes fonctions qui caractérisent l'action des forces – préparer, opérer et soutenir – et avec les deux principales fonctions transverses que sont les ressources humaines et le soutien administratif et financier. Cette réorganisation a permis à l'armée de l'air d'être une force de propositions lors des premiers travaux de la RGPP et de servir de base aux réorganisations envisagées selon la même logique de recherche d'efficacité opérationnelle.
Le plan de restructuration du ministère de la défense et de l'armée de l'air s'accompagne également de l'optimisation de l'administration générale et du soutien commun. Un commandement interarmées du soutien est créé, ainsi que des bases de défense, pour pourvoir à ces tâches. Les bases aériennes transféreront ainsi leurs attributions dans le domaine de l'administration générale et du soutien commun au « groupement de soutien des bases de défense » et se recentreront sur leurs missions opérationnelles et de préparation des forces. Ce transfert sera progressif sur la période. Il débutera en 2009 par l'expérimentation de 11 bases de défense dont 4 commandées par des aviateurs : Creil, Avord, Nancy et Djibouti.
L'armée de l'air s'inscrit totalement dans la démarche de rationalisation et de mutualisation interarmées qui, grâce à une bonne communication interne, est parfaitement comprise et acceptée par les aviateurs. Ceux-ci ont bien saisi les trois axes de la réforme : modernisation des équipements, amélioration des conditions de travail, amélioration des conditions de vie.
Néanmoins, et légitimement, chacun s'interroge sur son propre avenir. C'est pourquoi l'accompagnement humain de la réforme revêt, pour moi, une importance capitale. L'adhésion des hommes est primordiale. Les efforts qui leur sont demandés sont très importants et tous les responsables doivent veiller à ce que ces efforts soient reconnus et à ce que les attentes ne soient pas déçues. Dans un environnement évolutif qui placera tout spécialement l'armée de l'air sous tension, le sort des hommes et des femmes que la Nation nous confie doit être au coeur de notre démarche. Je constate cette année une certaine baisse de moral qui peut s'expliquer par la forte attente générée par les différentes annonces contenues dans le Livre blanc et par la mise en oeuvre de la RGPP. Le personnel souhaite des informations concrètes concernant les modalités de mise en oeuvre des restructurations et leur impact humain : mesures d'accompagnement social, gestion des ressources humaines concernant les bases qui fermeront ainsi que les spécialités plus particulièrement touchées. Des préoccupations récurrentes s'ajoutent à ces inquiétudes : baisse du pouvoir d'achat, matériel vieillissant, impact de la mobilité sur la vie familiale. Le personnel a le sentiment que, sur ces points, les avancées sont rares, et une certaine lassitude devient perceptible.
Un doute s'installe par ailleurs quant au pouvoir d'action des instances de concertation et à la capacité de l'institution à défendre les intérêts individuels et collectifs. S'agissant du personnel civil, l'absence de perspective de carrière et la stagnation des rémunérations constituent les principaux sujets de préoccupation.
L'intérêt pour la mission et la fierté de défendre les valeurs de la Nation demeurent en revanche de réels motifs de satisfaction et ils contribuent à l'effort engagé par tous pour la réussite des missions qui sont assignées à l'armée de l'air. Cependant, pour l'ensemble des domaines mentionnés, le personnel attend des améliorations, considérées comme un juste retour de la Nation au regard du dévouement manifesté et des sacrifices consentis, notamment sur le plan familial.