souligne qu'il convient de distinguer les rôles spécifiques de la recherche et de l'innovation et les moyens de les mettre en phase.
La recherche dépend de laboratoires qui font avancer les connaissances dans un état d'esprit de rigueur et dont les travaux sont justifiés internationalement mais qui n'envisagent pas une application a priori. Diriger la politique de la recherche en imposant des axes d'application constitue une erreur méthodologique grave. La priorité consiste donc à identifier et à soutenir les laboratoires d'excellence mondiale dont la France dispose. Dans plusieurs domaines où la France s'était spécialisée et occupait une situation reconnue, elle est en péril car elle perd des places dans les classements mondiaux. Un laboratoire doit être aidé non pas parce qu'il entretient des contacts avec l'industrie, mais si ses recherches sont reconnues internationalement comme contribuant au progrès des connaissances.
L'innovation est du ressort des entreprises. Elle est destinée à concevoir des produits compétitifs qui seront ensuite fabriqués et vendus. L'avantage technologique qu'elle procure permet d'ouvrir un marché du futur et de s'assurer des parts de marché significatives. L'innovation n'est pas fonction de la taille de l'entreprise : toutes sont susceptibles d'innover. Hiérarchiser les entreprises à l'excès et les opposer est par conséquent une erreur. Toutefois, cela ne signifie pas que l'État doit intervenir de façon indifférenciée au profit de toutes les entreprises. La politique de l'État doit être de soutenir intelligemment toutes les actions créant sur le territoire français des emplois bien payés, à forte valeur ajoutée, et contribuant à l'exportation. Le solde du commerce extérieur français se dégrade gravement. Dans l'aide à l'innovation, l'intervention de l'État est massive et efficace : aux États-Unis, au Japon, en Allemagne et maintenant en Chine.
L'autonomie des universités, accompagnée d'une amélioration de la qualité de leurs laboratoires, est valable, à condition de concentrer les moyens et de renforcer l'objectivité de l'évaluation.
Il est question de supprimer le CNRS. Tout miser sur les universités est hâtif alors que la politique d'autonomie n'en est qu'à ses débuts. En outre, les universités ont tendance à recruter en interne alors que le CNRS sélectionne les meilleurs chercheurs du pays. Il serait dangereux de ne plus se donner les moyens de retenir les jeunes et de les repousser à l'étranger, où ils ne manqueraient pas de se faire recruter.
Il est urgent de créer un groupement d'intérêt économique afin de mettre en commun les laboratoires des grandes écoles d'ingénieurs parisiennes, qui font parfois doublons. L'enjeu est d'offrir aux jeunes chercheurs un lieu privilégié d'accueil, ce fameux « MIT français », école doctorale d'excellence de la technologie en France constituée de laboratoires reconnus au plan international. La nouvelle loi fournit les instruments ; il faut maintenant agir, rechercher l'excellence en concentrant et en rationalisant les efforts, sans réduire les moyens.
L'Agence nationale de la recherche, l'ANR, est utile, mais elle doit moins disperser ses moyens et s'écarter de la recherche appliquée moyenne au profit d'une recherche de base de haut niveau, à risque, misant sur des jeunes. L'ANR a trop tendance à reproduire les habitudes du passé et, au lieu de favoriser les mutations, n'intervient qu'en complément de ce qui existe déjà.
En ce qui concerne l'innovation, les pôles de compétitivité sont positifs, car ils font prendre conscience aux régions de leurs atouts scientifiques et économiques. Il reste à se montrer réaliste dans l'action. Un pôle de compétitivité sera efficace quand il se traduira par une série de projets innovants débouchant sur des produits portés par des entreprises, grandes, petites ou moyennes.
Il convient autant que possible de privilégier les secteurs dont le centre de décision est situé dans la région. En revanche, il faut, si nécessaire, mettre en réseau des sites de plusieurs régions ; c'est en particulier le cas en matière de céramique industrielle, avec le site traditionnel de Limoges et le centre de recherche de Saint-Gobain, localisé à Cavaillon. Les crédits ne doivent pas simplement permettre aux gens de se rencontrer et de se connaître mais aboutir sur des accords contractuels avec des objectifs de production concrets, des délais et une entreprise porteuse, de n'importe quelle taille.
Le recentrage du dispositif d'aide à l'innovation sur les entreprises moyennes est une bonne décision. Plus de la moitié des projets financés par l'AII ne viennent d'ailleurs pas de grands groupes mais d'entreprises familiales moyennes de 2 000 salariés ; néanmoins il s'agit de projets ciblés.
Par ailleurs, si l'idée de créer un guichet unique est valable, la fusion entre OSEO Innovation et l'AII est trop rapide, car la première est tournée vers les PME tandis que la seconde adoptait une approche stratégique de dialogue sur des projets d'une certaine taille, avec un suivi.
Le crédit d'impôt recherche de 30 % en faveur des PME est une excellente mesure. Par contre, le crédit d'impôt de 5 % aux grandes entreprises sans contrepartie sera moins efficace que le financement de produits ciblés par le biais de l'AII. Comment seront employées les sommes considérables dépensées suivant ce schéma ? Le choix d'un crédit d'impôt recherche indifférencié est un désengagement vis-à-vis des projets de grande ampleur qui va à contre-courant de ce que font tous les autres pays : les États-Unis ont la Defence Advanced Research Projects Agency (DARPA), le Japon a la New Energy and Industrial Technology Development Organization (NEDO) et l'Allemagne s'oriente aussi dans cette direction.
Le rapprochement aurait dû être mené plus progressivement. Les députés devront vérifier que l'argent alloué au travers du crédit d'impôt recherche se traduira réellement par des recherches supplémentaires et pas uniquement par une réduction du coût supporté par les entreprises.
Le Président Didier Migaud remercie M. Beffa d'ignorer la langue de bois.