Le système fiscal doit gagner en simplicité et en lisibilité.
Madame Karamanli, il est évident que cette réforme doit être conduite dans la concertation. Si l'on souhaite qu'elle dure, ne serait-ce que cinquante ans, elle doit faire consensus. Les collectivités, comme les citoyens, ont besoin de savoir qu'il existe un accord, des règles reconnues de tous, un socle commun.
Les avis peuvent diverger, c'est le principe de la démocratie, mais il est indispensable de partir d'une analyse consensuelle. À cet égard, la mission d'information de votre Commission des finances éclairera notre réflexion.
Mais, dans une conjoncture économique particulièrement difficile, des mesures doivent être prises sans attendre pour renforcer la compétitivité de nos entreprises. C'est pourquoi le mécanisme de la taxe professionnelle, qui doit être profondément réformé pour soutenir nos entreprises et nos territoires, sera modifié dès 2009, les nouveaux investissements étant exonérés de la taxe. Je confirme, monsieur Laffineur, que le coût de cette mesure pour les collectivités locales sera intégralement compensé.
Je n'ai rien contre l'idée de revoir l'assiette de la taxe professionnelle, monsieur Brard, mais cela ne peut s'envisager que dans le cadre de la réflexion globale qui s'engage, et dont je souhaite que les conclusions s'appliquent en même temps que s'appliqueront les recommandations du Comité Balladur. La logique commande qu'il en soit ainsi, car la réorganisation des compétences des collectivités locales implique celle de leurs ressources.
Tout cela ne peut se faire en un jour ni en une loi de finances. Nous devons donc construire un partenariat de confiance. Travailler ensemble, au-delà de nos différences, à l'établissement d'un socle méthodologique consensuel suppose l'association de toutes les instances de décision. C'est l'objet de la Conférence nationale des exécutifs ; c'est aussi le sens de la commission consultative d'évaluation des normes. Pour avoir été maire, je n'ignore rien de ce que représente le changement des normes pour une collectivité qui vient de décider un investissement. C'est pourquoi j'ai voulu créer une commission consultative d'évaluation des normes dès mon arrivée au ministère. Cela n'a pas pu se faire aussi vite que je l'aurais souhaité, mais cette commission est installée depuis le 9 octobre et je m'en réjouis.
Vous avez raison, monsieur Piron, nous devons aussi nous interroger sur l'origine – ou plutôt les origines – des normes. Il en est d'administratives, telles les normes de sécurité ; nos concitoyens demandent qu'elles soient renforcées, mais cela a un coût, comme en ont un les normes environnementales que vous avez votées, et les normes européennes dans ces deux domaines. À ce corpus s'ajoutent des normes que je qualifierai d'« extérieures » – par exemple, lorsqu'il faut repeindre un gymnase à neuf pour qu'un match soit retransmis.
Qu'une réflexion d'ensemble s'engage sur tous ces points ne pourrait que me réjouir car on se rendrait compte que toutes les normes n'émanent pas du champ politique, comme on se plaît trop souvent à le dire. S'agissant des questions de police et de sécurité, il conviendra de définir quelle société de sécurité nous voulons, à quel prix économique, mais aussi à quel prix pour la liberté des collectivités territoriales.
J'ai, monsieur de Courson, bloqué quelques initiatives. Mais, aussi longtemps que la commission consultative d'évaluation des normes n'était pas installée, je ne pouvais le faire qu'un peu. Bien que passionnée d'archéologie, j'aurais beaucoup à dire, en tant qu'élue locale, sur les dispositions relatives à l'archéologie préventive, qui semblent conçues pour faire augmenter les prix et les délais des chantiers. Je ne dis pas qu'il n'en faut pas, mais des aménagements me semblent nécessaires.
Je partage votre point de vue, monsieur Aeschlimann : le même travail d'évaluation serait utile pour ce qui est des lois, mais cela supposerait la création d'une autre instance que la commission consultative d'évaluation des normes.
Travailler ensemble, c'est, je l'ai dit, poser des diagnostics communs pour parvenir à des réponses acceptables par tous. Telle est la démarche qui a prévalu pour la dotation de solidarité urbaine. Le diagnostic était partagé : la DSU était destinée aux communes les plus pauvres mais, les trois quarts des communes y étant éligibles, on aboutit à un saupoudrage inefficace. Il fallait recentrer la DSU, et c'est ce que nous avons fait. Cette évolution a suscité en retour la réaction d'élus de communes dont la dotation allait être réduite ou disparaître. Ils ont contesté plusieurs critères fondant la réforme de la répartition, dont certains étaient pourtant demandés depuis des années et avaient été élaborés par le Comité des finances locales – ainsi du critère d'équilibre entre le nombre de mètres carrés de logements sociaux et le nombre d'habitants de la commune allocataires de l'aide au logement. J'ai considéré indispensable de parvenir à un accord sur les critères d'attribution de la DSU, et j'ai aussi été attentive à l'argument de la prévisibilité budgétaire. Les collectivités préparent leur budget très longtemps à l'avance, en tablant sur une certaine stabilité des ressources. On comprend donc qu'une amputation budgétaire sensible, dans des délais assez courts, puisse susciter l'inquiétude. J'y ai été sensible et j'en ai tenu compte.
Nous ne renoncerons pas à la réforme, qui est juste et attendue, mais elle entrera en vigueur progressivement, selon un calendrier que toutes les associations d'élus ont approuvé. Dans une première étape, en 2009, le bénéfice principal de la réforme ira aux 150 villes les plus défavorisées, dont la dotation augmentera de 6 %. Pour le reste, 2009 sera un exercice de transition ; pour 327 communes, la DSU sera augmentée de 2 % et pour toutes les autres elle demeurera au niveau de ce qu'elle était en 2008. Avec l'aide de votre rapporteur général, nous nous attacherons à préciser avant Pâques les nouveaux critères de répartition de la DSU. La réforme d'ensemble se fera sur cette base, et une sortie du dispositif « en sifflet » sera prévue pour les communes dont la dotation disparaîtra. Le Gouvernement a déposé un amendement à cette fin. Voilà qui devrait répondre à votre question, monsieur Laffineur.
J'en viens au FCTVA, sujet éminemment sensible de par l'importance du fonds, mais aussi pour des raisons psychologiques.
Certains orateurs l'ont souligné, le fonctionnement du FCTVA n'est pas parfaitement satisfaisant car l'absence de clarté rend compliqué l'appréhension de ce qui est remboursé et ce qui ne l'est pas. De plus, le FCTVA distingue les collectivités qui investissent le plus, mais investir est difficile pour les petites communes qui ont des besoins mais de faibles ressources.
La moindre des choses serait que nous réfléchissions ensemble à l'amélioration du dispositif, selon la méthode proposée pour la réforme de la DSU, et je trouve singulier que certains refusent même de s'asseoir autour d'une table.
Cela ne préjuge en rien les conclusions, mais cela permet au moins de faire un diagnostic commun, en examinant ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas et quelles sont les actions possibles. Je pense que c'est ainsi qu'il faut travailler, sinon nous n'avancerons pas.
Certes, madame Karamanli, il s'agit d'un dispositif complexe, dont certains aspects ne paraissent guère logiques, ou peu compréhensibles. Alors, mettons-nous autour de la table et voyons ce que nous pouvons faire !
Le projet de loi de finances pour 2009 n'a pas prévu de réforme du FCTVA, parce que j'estime que nous ne sommes pas prêts pour cela et qu'il est nécessaire d'engager préalablement une concertation approfondie avec les élus locaux – ce que je souhaite faire au cours de la prochaine année.
Travailler ensemble, c'est aussi entendre les inquiétudes des élus sur certains sujets, notamment l'endettement par des emprunts structurés. C'est pourquoi j'ai réuni, hier matin, avec Christine Lagarde, les représentants des collectivités territoriales et des banques au ministère de l'intérieur afin de dresser un bilan de la situation ; celui-ci devra être approfondi, car nous ne disposons pas de liste précise des communes ayant contracté des emprunts structurés et nous ignorons quelle part ceux-ci représentent dans la totalité des emprunts, et par conséquent quel est leur coût exact. Cependant, nous avons d'ores et déjà deux certitudes : d'une part, globalement, les collectivités territoriales ne sont pas considérablement endettées ; d'autre part, la très grande majorité de leurs emprunts sont à taux fixes, et, à l'intérieur de la catégorie des emprunts dits « à risque », la part des emprunts structurés est faible, de l'avis des banques, de l'Association des maires de France et de l'Association des départements de France. Reste une incertitude concernant la situation des communes moyennes. J'ai donc demandé à chacune des associations de nous faire part des inquiétudes de leurs membres, afin de savoir précisément où nous en sommes et d'examiner les situations au cas par cas. Quant aux autres emprunts, l'effort consenti par l'État pour garantir aux banques 5 milliards d'euros de liquidités qu'elles pourront mettre, de manière ciblée et sur vingt ans, à la disposition des collectivités territoriales, devrait améliorer la situation. Toutefois, qu'on apporte des garanties globales n'implique pas qu'on ignore les cas particuliers.
Moderniser, c'est aussi avoir une vision qui ne soit pas celle d'une gestion au jour le jour, et donc donner plus de prévisibilité et de lisibilité. C'est pourquoi j'avais tenu l'an dernier – non sans un petit bras de fer avec le ministère du budget – à ce que la progression de la dotation globale de fonctionnement soit maintenue au niveau des années précédentes, c'est-à-dire qu'elle intègre, outre l'inflation, la moitié de la croissance. Il ne s'agissait nullement de contester le principe que les aides de l'État aux collectivités territoriales dussent participer à l'effort budgétaire, mais de faciliter l'élaboration des budgets des collectivités territoriales, car je trouvais anormal de leur demander après l'été de réviser un budget qu'elles avaient déjà préparé. J'avais cependant prévenu que les choses changeraient dès cette année, et que la DGF serait désormais indexée sur la seule inflation, sous réserve de la réforme de la fiscalité locale. Sa progression sera donc limitée cette année à 2 %, soit 801 millions d'euros.
En outre, elle tiendra compte du recensement de 2006 : les collectivités locales dont la population a augmenté verront leur DGF augmenter en conséquence. C'est un point sensible, car certaines communes dont la population a fortement fluctué depuis 2006 ont pu demander un recensement complémentaire. Or, comme l'a rappelé le Comité des finances locales, si l'on donne un avantage à certaines collectivités, cela se fait nécessairement au détriment des dotations de péréquation, donc des autres collectivités : c'est une question d'égalité. Si l'on change d'année de référence suivant les cas, il n'y aura plus d'égalité de traitement ! C'est pourquoi, même si la cote est mal taillée, on a retenu l'année 2006. Je comprends que des communes ayant construit beaucoup de lotissements ou de logements sociaux après cette date s'estiment lésées, mais, dans l'état actuel des choses, nous ne pouvons faire mieux.
« Moderniser » doit aussi rimer avec « solidarité ». C'est pourquoi le projet de loi de finances propose plusieurs mesures afin de renforcer l'effort de solidarité au bénéfice des collectivités les plus pauvres.
Ainsi, monsieur Piron, la question de la péréquation horizontale se posera dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale, notamment celle des fonds départementaux de la taxe professionnelle.
Au sein de la DGF, une meilleure répartition au profit de la péréquation peut renforcer cet effort, bien que ce soit au détriment d'autres choix possibles. Dans le présent projet de loi de finances, les dotations de solidarité sont les premières à bénéficier de la progression de la DGF. Les aménagements de la dotation forfaitaire des communes permettront ainsi d'augmenter de 107 millions d'euros les dotations de solidarité. En outre, monsieur de Courson, le Gouvernement propose de diminuer le taux de supplément de DGF accordé aux communautés urbaines – il est vrai que, de manière incitative, celles-ci bénéficiaient d'une dotation importante de 85 euros par habitant…