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Intervention de Manuel Aeschlimann

Réunion du 4 novembre 2008 à 9h00
Commission élargie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaManuel Aeschlimann, rapporteur pour avis de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Les relations entre l'État et les collectivités territoriales doivent être régies par la confiance et la responsabilité. Par la confiance, d'abord, parce que les collectivités doivent pouvoir compter sur le maintien des concours financiers de l'État, dont le niveau doit être ajusté en fonction des nouvelles charges transférées, mais aussi par la responsabilité parce que l'État comme les collectivités doivent s'associer à une gestion maîtrisée de l'évolution des dépenses et de l'endettement publics, dont la composante locale prend une importance croissante.

Le projet de loi de programmation des finances publiques fixe d'ailleurs des objectifs rigoureux, puisqu'il prévoit que les concours de l'État aux collectivités n'augmentent pas plus rapidement, de 2009 à 2012, que l'inflation prévisionnelle : cela représente assurément une contrainte financière forte pour les collectivités. Il me semble toutefois que, dans le projet de loi de finances pour 2009, le Gouvernement s'efforce de concilier, avec un succès inégal, ces exigences de responsabilité et de confiance.

En effet, dans un contexte budgétaire marqué par de fortes incertitudes économiques et le souhait de contenir la dépense publique, les crédits de paiement de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » atteindront 2,34 milliards d'euros en 2009 : à périmètre constant, réserve parlementaire exclue et mesures nouvelles incluses, ces crédits augmentent de 2,3 %. Cette consolidation globale masque toutefois une évolution plus contrastée des différentes dotations de la mission : on l'a vu, le budget prévoit le gel de la dotation générale de décentralisation (DGD), de la dotation générale d'équipement (DGE) et de la dotation de développement rural (DDR), mais aussi une augmentation des dépenses d'informatique de l'administration centrale.

Je me félicite surtout de la création de nouveaux outils de solidarité nationale, tels que la dotation de développement urbain (DDU), dotée de 50 millions d'euros concentrés sur les cent villes les plus défavorisées, ou le fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées. Dans ce dernier cas, il est toutefois évident qu'une enveloppe de 5 millions d'euros ne suffira pas à compenser les conséquences économiques de la restructuration dans les collectivités locales concernées.

D'autre part, les prélèvements sur recettes, qui s'élèvent à 52,4 milliards d'euros et représentent donc plus de vingt fois le budget de la mission, augmenteront l'an prochain de 2,1 % à périmètre constant, ce qui demeure tout de même bien inférieur à la hausse des prix des dépenses communales, qui atteint 3,4 % sur un an, selon le dernier indice du « panier du maire ». Cette hausse s'explique, pour l'essentiel, par la progression de 13 % des crédits alloués au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, qui est un remboursement dû aux collectivités locales. Il est vrai que les dépenses du FCTVA augmentent beaucoup plus vite que le PIB depuis 2005 et qu'elles sont difficiles à anticiper. Estimez-vous souhaitable pour l'avenir, madame la ministre, d'en modifier les règles de fonctionnement, sachant tout de même que les investissements qui sont soutenus par ce biais assurent l'avenir et soutiennent l'activité économique ?

En outre, les crédits de la DGF devraient progresser de 2 % et atteindre 40,86 milliards d'euros, grâce notamment à l'augmentation de 70 millions d'euros des crédits versés aux cent cinquante communes les plus pauvres dans le cadre de la dotation de solidarité urbaine. Le bon sens a prévalu s'agissant de la réforme annoncée des critères de répartition de la DSU : les évolutions nécessaires pour mieux concentrer les efforts sur les communes les plus défavorisées devront être précédées d'une évaluation concertée.

Il semble en revanche que l'annonce d'une diminution de 2 % du complément de garantie de la part forfaitaire de la DGF des communes au profit des dotations de péréquation aurait mérité une concertation et un débat spécifique au sein du Comité des finances locales, même si la volonté de renforcer la solidarité en faveur des collectivités les plus défavorisées est louable. Par ailleurs, l'annonce, le 23 octobre dernier, d'une nouvelle exonération de taxe professionnelle pour les nouveaux investissements donne un curieux relief à la réduction de presque 10 % des crédits destinés à compenser les exonérations de taxes locales. Cette évolution budgétaire ne pourra pas être durablement suivie et rend plus urgente encore une refonte de l'ensemble de la fiscalité locale, dont l'alourdissement pénalise l'activité des entreprises : quelle méthode et quel calendrier proposez-vous, madame la ministre, pour mener cette réforme et doter chaque niveau de collectivités d'un grand impôt moderne ?

Sur le plan budgétaire, il semble que les concours financiers de l'État, complétés par la fiscalité dynamique des collectivités locales, leur donneront l'essentiel des moyens financiers dont elles ont besoin pour exercer leurs compétences l'an prochain. Leur budget risque tout de même d'être affecté par la baisse du produit des droits de mutation à titre onéreux, ainsi que par les premiers effets de la crise économique et financière.

Plus fondamentalement, je crois que l'expansion des recettes locales doit amener à s'interroger sur les causes et les conséquences de l'augmentation durable des dépenses des collectivités. Bien sûr, cette évolution s'explique en partie, pour les quatre dernières années, par l'importance des transferts de compétences et de personnels décidés dans le cadre de « l'acte II » de la décentralisation, en particulier pour les départements et les régions. Toutefois, la hausse résulte aussi de facteurs structurels et augmente l'endettement des collectivités. Même s'il demeure limité par rapport à celui de l'État et ne représente que 11 % des dettes publiques, cet endettement est de plus en plus difficile à gérer et le soudain renchérissement de nombreux emprunts à taux variables, qui provoque l'inquiétude des élus locaux, pourrait avoir des conséquences graves pour les finances de certaines collectivités. Le dernier rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques, réalisé avant que la crise financière ne frappe la France, souligne que la situation financière des collectivités locales demeure saine, en général, mais qu'elle se tend progressivement, car la croissance des dépenses locales est très forte, alors que celle de leurs ressources ralentit. Le temps de « l'argent facile » est révolu pour les collectivités, et je crois qu'il serait souhaitable que leurs dépenses n'augmentent pas plus vite que le PIB hors nouveau transfert de compétences.

Même si l'État ne s'est guère montré plus vertueux depuis le début des années quatre-vingt-dix, les collectivités devraient s'efforcer de mieux analyser et anticiper les risques financiers, avec l'aide des administrations financières et, plus largement, de prendre en compte les perspectives d'évolution de nos finances publiques. La Conférence nationale des exécutifs pourrait être le cadre approprié pour mener, dans ce domaine, la concertation approfondie entre l'État et les collectivités, que le Conseil économique, social et environnemental appelle de ses voeux dans un avis du 8 octobre dernier.

L'examen du budget alloué par l'État aux collectivités territoriales nous conduit naturellement à analyser l'évolution des finances locales. Mais il fournit aussi à la Commission des lois l'occasion d'évoquer les conditions juridiques qui permettraient aux collectivités de mieux assurer la maîtrise de leur budget. Des réformes importantes ont déjà été engagées pour garantir aux collectivités le respect de leur autonomie financière, moderniser les outils contractuels qui leur permettent d'associer les entreprises privées à leur développement et, de façon encore embryonnaire, les associer à l'évaluation préalable de l'impact des lois et règlements sur leurs finances. S'agissant des règlements, la tâche qui attend la nouvelle Commission consultative d'évaluation des normes est immense, puisqu'elle pourrait être saisie d'un millier de textes par an. J'aimerais d'ailleurs savoir, madame la ministre, si, dans la foulée de la vaste révision constitutionnelle adoptée en juillet dernier, la loi organique prévoira que les futures évaluations préalables accompagnant les projets de loi présentent leur impact financier pour les collectivités. Cet effort de transparence et d'anticipation me semble nécessaire pour que les relations entre les collectivités et l'État reposent sur la confiance que j'évoquais au début de mon propos. Même s'il nous faut demeurer vigilants pour que l'État ne transfère pas en cours d'année des charges imprévues aux collectivités, je crois que toutes ces innovations vont dans le bon sens, puisqu'elles confortent la responsabilité des collectivités dans le pilotage des finances locales.

Pour autant, il ne faut pas oublier que des réformes plus structurelles et sans doute plus difficiles restent à entreprendre. Nous devrons non seulement, comme je le disais, moderniser l'ensemble de notre fiscalité locale, mais aussi remédier à la multiplication des échelons administratifs, ou encore réduire l'enchevêtrement des compétences et la lourdeur des financements croisés. À cet égard, le Comité pour la réforme des collectivités locales créé le 22 octobre dernier et présidé par M. Édouard Balladur, sera utile, mais le récent rapport de notre mission d'information sur la clarification des compétences des collectivités territoriales a déjà permis de franchir une étape déterminante dans cette réflexion, puisqu'il a été adopté à l'unanimité.

Même si la crise financière crée un contexte économique et budgétaire difficile pour les collectivités locales, il me semble que ce projet de budget préserve nombre de dotations stratégiques pour leur action et renforce la solidarité financière au profit des plus fragiles d'entre elles. Pour ces raisons, mes chers collègues, je vous inviterai tout à l'heure, à l'approche de réformes importantes pour clarifier notre organisation territoriales, à adopter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » pour 2009.

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