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Intervention de Yves Jégo

Réunion du 6 avril 2009 à 21h30
Développement économique des outre-mer — Discussion générale

Yves Jégo, secrétaire d'état chargé de l'outre-mer :

Je veux d'abord remercier les rapporteurs et toutes celles et ceux qui, dans les commissions, ont travaillé pour faire en sorte que la nouvelle procédure législative se mette en place dans les moins mauvaises conditions possibles. J'en ai conscience, nous essuyons les plâtres. En examinant pour la première fois dans cet hémicycle le texte issu de la commission, nous bouleversons bien des habitudes. Ce changement de méthode traduit l'évolution du travail parlementaire. Nous devons nous réjouir que les commissions aient pu donner toute leur mesure en écrivant directement le texte ou en réécrivant la rédaction issue du Sénat.

Je m'associe également aux voeux adressés à Alfred Almont, que j'ai eu au téléphone dans l'après-midi et à qui je souhaite un prompt rétablissement.

Quant aux violentes intempéries qui se sont abattues sur la Réunion, je veux assurer les députés qui représentent ce département que nous serons solidaires des victimes de ces pluies qui causent tant de dégâts et de désordres.

Le Gouvernement souhaite, avec ce projet de loi, jeter les bases d'un nouveau modèle. Ce texte a une ambition essentiellement économique. Des questions relatives à l'éducation, à la culture, à la formation professionnelle, ont été soulevées. Elles sont toutes importantes, certes. Mais elles ne sont pas, par nature, contenues dans un texte dont le moteur est le développement économique. Elles seront abordées dans les jours qui viennent, dans le cadre des états généraux de l'outre-mer.

Pourquoi changer la législation ? Pourquoi autant de lois en aussi peu de temps ? Nous pouvons nous poser la question collectivement puisque, depuis 1986, les majorités qui se sont succédé ont toutes éprouvé le besoin de modifier les textes en vigueur pour essayer de les améliorer. Sans doute parce qu'il est compliqué de trouver la loi la plus parfaite. Sans doute aussi parce que nous sommes dans un monde qui change brutalement et que l'économie évolue dans des conditions qui nous perturbent et nous laissent souvent sans réponse immédiate. Cela nous oblige à nous adapter en permanence. Qui aurait pu imaginer, au moment où ce projet était examiné par le conseil des ministres, le 21 juillet dernier, que les bouleversements de l'économie seraient tels qu'ils aboutiraient aux situations que vous avez décrites ?

S'agit-il de changer pour faire des économies, comme l'ont prétendu certains ? L'enveloppe des outre-mer est passée de 15 à 16,7 milliards dans le budget de la nation et ce texte, qui revient profondément sur les dispositions de la loi Girardin, fait passer les moyens consentis aux entreprises dans le cadre de cette loi de 1,3 à 1,5 milliard. On ne peut donc pas parler de mesures d'économie. Il y a au contraire la volonté de renforcer, d'adapter et surtout de mieux affecter les moyens financiers pour les rendre plus efficaces encore. Après tant d'études, de rapports et d'analyses sur les problèmes des outre-mer, le Gouvernement a le souci d'agir le plus concrètement et le plus rapidement possible afin de répondre aux angoisses de nos compatriotes ultramarins.

Il a souhaité agir dans la concertation. Ce texte a été pétri, manié, remanié, à de nombreuses reprises. On peut le dénoncer. Mais c'est peut-être aussi un signe de qualité que d'avoir un projet passé au filtre de nombreuses concertations, avec les socio-professionnels, les élus, le mouvement social. Pour ma part, je pense que le texte s'est amélioré de mois en mois, de semaine en semaine. Celui que vous propose aujourd'hui le Gouvernement, issu de cette longue concertation – trop longue aux yeux de certains – est bien meilleur que le projet initial.

Ce texte doit aussi être en cohérence avec la volonté du Président de la République d'ouvrir des états généraux de l'outre-mer. La question s'est évidemment posée : fallait-il attendre ces états généraux et donc retarder l'examen de ce projet de loi ? Je ne le crois pas. Celui-ci contient en effet des éléments de réponse conjoncturels à la crise, aux difficultés des entreprises, à la problématique du logement, à l'insuffisance du pouvoir d'achat. Le report du texte aurait retardé l'application de ces mesures et aurait sans doute fait l'objet de bien des critiques de la part des populations.

Ce texte est-il exclusif ? Sûrement pas ! Le Président de la République l'a dit, et je vous le confirme au nom du Gouvernement : au-delà des états généraux, il y aura de nouveaux rendez-vous législatifs. Certains sont déjà impérativement fixés, notamment pour le processus qui visera à mettre en oeuvre le choix des Mahorais, dimanche dernier. De par la volonté du Gouvernement, dès l'automne au besoin, des textes viendront également traduire ce que les états généraux auront permis de faire remonter à la surface.

Ces états généraux – je rassure François Pupponi – sont prévus pour ce qu'on appelle, non pas le sixième mais le cinquième DOM, c'est-à-dire les ultramarins vivant en métropole. C'est le délégué interministériel à l'égalité des chances qui a été chargé par le Gouvernement de les organiser dans l'Hexagone, les ultramarins de métropole devant être associés à la réflexion. À nous de faire en sorte que la tenue des états généraux ne soit pas le prétexte pour ne pas répondre aux questions de fond qui pourraient trouver leur place dans cette loi. Pour ma part, je ne ferai pas une réponse unique aux demandes formulées.

Ayons conscience cependant que toutes les propositions, que tous vos combats, toutes vos attentes n'ont pas forcément leur place dans un texte législatif axé sur l'économique. Ces états généraux – tels que les perçoit en tout cas le Gouvernement – doivent être l'occasion, non seulement de débattre, mais aussi de faire des propositions, d'imaginer des actions, de fond et structurelles, et de travailler à une évolution du modèle en profondeur. Il n'y a pas de tabou, pour reprendre les termes du chef de l'État. Il n'y aucun débat interdit, aucune proposition qui ne pourrait rencontrer de notre part un souci d'expertise à l'issue de cette période, courte somme toute, de deux mois de réflexion.

Cette LODEOM repose sur un triptyque : l'emploi, le logement et le pouvoir d'achat.

Commençons par l'emploi et la création des zones franches d'activités, saluée par nombre d'entre vous. Certes, elles ne règleront pas, à elles seules, le problème économique, sinon toute la France serait une ZFA. Elles sont différentes de l'expérimentation métropolitaine puisqu'elles ne sont pas géographiquement limitées. Elles concernent en effet la totalité d'un territoire et dégagent surtout des secteurs clés, des secteurs moteurs qui pourront porter le développement économique et qui bénéficieront d'aides plus importantes. Ces ZFA permettent aussi, monsieur Jalton, de reconnaître les difficultés propres à des secteurs ruraux ou à des secteurs frappés par la double insularité. Il y a là un moteur nouveau pour engager l'économie vers plus de production locale et favoriser ce développement économique endogène que nous recherchons depuis longtemps. Il fallait trouver les leviers nécessaires.

Il faut voir aussi dans cette mesure la volonté de diminuer les charges pesant sur les salaires et donc d'agir en faveur de l'emploi. Ces baisses de charges sont ciblées vers les petites entreprises, qui ont plus besoin d'être confortées que les grands groupes, et vers les secteurs prioritaires, qui doivent être aidés si l'on veut en faire des moteurs de l'économie. Je pense évidemment au tourisme, à l'énergie, à l'environnement, à l'agro-nutrition, aux nouvelles technologies, à la recherche. Voilà les nouveaux moteurs de l'économie de l'outre-mer ! Voilà les secteurs qui doivent entraîner le développement des départements et des collectivités d'outre-mer ! Voilà aussi les secteurs pour lesquels les acteurs de la formation professionnelle – je pense aux régions – doivent se mobiliser, afin de fournir les salariés de demain à ces entreprises qui seront à l'origine du développement économique endogène. Je l'ai dit tout à l'heure, il faut moins d'importation et plus de production locale. C'était d'ailleurs un leitmotiv pendant les conflits sociaux.

Cette loi permet donc de favoriser la production locale. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement sera attentif aux amendements sur la bagasse, bon exemple d'une d'agro-production vertueuse qui permet de concilier une activité traditionnelle, le respect de l'environnement et la création d'énergie. Nous serons également sensibles au secteur important de la pharmacopée.

Quant au petit commerce, nous proposons en premier lieu une baisse des charges patronales, avec une exonération totale pour les salaires n'excédant pas 1,4 SMIC ; au regard du salaire moyen dans cette branche, la mesure a une portée assez large.

Nous proposons aussi la création d'un FISAC outre-mer, doté de 8 millions d'euros, car, souvent, c'est de l'aménagement de sa rue que le commerçant a besoin, ce qui inclut la construction de parkings et une meilleure accessibilité des magasins.

Enfin, nous instaurons une politique innovante de prêts à taux zéro d'un montant de 25 000 euros, qui doivent permettre aux commerçants d'investir dans le matériel qui leur manque.

L'ensemble de ces mesures vous montre que nous n'avons pas oublié le petit commerce. Sans parler des amendements que nous accepterons sur les micro-entreprises, dont le président Alfred Marie-Jeanne a souligné combien elles sont importantes dans le tissu économique : 32 000 sur 40 000 entreprises au total en Guadeloupe. Elles bénéficieront de mesures de mise en cohérence, afin que le régime forfaitaire s'applique pour elles avec la même force que dans les zones franches d'activités.

En matière d'insertion professionnelle, 15 millions d'euros seront prélevés en contrepartie de la baisse de l'impôt sur les sociétés pour financer des plans de formation professionnelle, venant en soutien des efforts réalisés par les régions dans ce domaine.

Nous oeuvrerons également en faveur de l'emploi des jeunes, pour lequel, selon une étude récente de l'Union européenne, nos quatre départements d'outre-mer obtiennent les plus mauvais résultats européens. La République ne peut accepter qu'il y ait, dans certaines de ses régions, plus de 50 % des jeunes au chômage. Nous devons nous attaquer à ce fléau par le biais du développement économique mais aussi grâce au plan pour l'emploi des jeunes que présentera prochainement le Président de la République et qui concernera aussi les outre-mer. Il faut également des mesures en faveur de l'éducation et de la formation – je pense notamment au doublement du service militaire adapté, annoncé par le Président, ou à d'autres mesures, qui ne figurent pas dans la LODEOM. C'est donc la politique globale menée par le Gouvernement qu'il faut prendre en compte.

Nous partageons votre constat sur le logement. Oui, le logement social est en panne, et nous devons donc trouver des solutions nouvelles. La première réponse du Gouvernement passe par une augmentation des crédits de la ligne budgétaire unique : nous passons de 190 millions d'euros dans les budgets des années précédentes à 253 millions d'euros, garantis sur les trois prochaines années, ce qui représente une augmentation de 30 %. Vous l'avouerez, ce n'est pas une paille !

Nous entendons également mieux travailler avec les collectivités locales sur le foncier. Le prix du foncier est un problème majeur. Si la loi Girardin a eu le mérite de relancer le secteur du bâtiment et de permettre la construction de logements libres, elle a malheureusement contribué à augmenter le prix du foncier, ce qui pèse sur la politique du logement social.

Nous avons engagé avec la totalité des communes d'outre-mer une politique de signature de contrats d'aménagement foncier. Nous voulons relancer le FRAFU et créer un réseau d'établissements publics fonciers – certains départements en sont dépourvus. En Guyane, où l'État est propriétaire de la quasi-totalité du foncier, il doit le mettre à la disposition des communes.

Si la ligne budgétaire unique, désormais garantie, doit permettre le financement d'opérations qu'elle seule peut financer, nous innovons avec la défiscalisation non patrimoniale, selon l'idée folle que les impôts des riches pourraient financer les logements des plus modestes ! Nous nous inspirons pour cela de l'expérience calédonienne, où des mesures comparables portent leurs fruits depuis plusieurs années. Il ne s'agit pas de rendre ce dispositif incontournable et de faire dépendre, ce faisant, la construction de logements sociaux du bon vouloir des investisseurs privés, mais de doter la politique du logement social d'un outil supplémentaire. Les logements sociaux pourront être financés par la seule LBU, par une combinaison de LBU et de défiscalisation ou encore par la seule défiscalisation. Cette souplesse que nous revendiquons doit permettre la construction de logements sociaux en nombre suffisant.

Je renvoie ceux, nombreux parmi vous, qui se sont faits l'écho de la crise que connaît le logement social aux études d'impact que nous avons réalisées sur l'attractivité des mesures de défiscalisation, selon lesquelles ces mesures permettraient de mobiliser 200 millions d'euros par an, venant s'ajouter aux 253 millions de la LBU. Si cet objectif est atteint, les crédits disponibles pour le logement social auront été doublés. J'espère donc qu'en y ajoutant une bonne politique foncière, nous pourrons enfin apporter des réponses aux 60 000 familles qui attendent d'être logées dans nos outre-mer.

Concernant enfin le logement intermédiaire et l'accession à la propriété, nous examinerons avec beaucoup d'intérêt les amendements permettant de faire progresser le logement.

Certains d'entre vous se sont inquiétés du plafonnement possible de la défiscalisation. Toutes les études réalisées démontrent que ce plafonnement, qui a pour objet de moraliser le dispositif, n'empêchera pas les investissements importants. Nous veillerons à ce que la défiscalisation permette de soutenir non seulement l'investissement productif mais aussi, en plus du logement privé, le logement social.

Emploi, logement, pouvoir d'achat. Dernier élément du triptyque, le pouvoir d'achat est au coeur de ce projet de loi, qui va permettre de réglementer certains prix. Vous proposiez, monsieur Fruteau, de rendre la réglementation obligatoire. Mais nous devons veiller à ne pas renouveler l'erreur du prix administré de l'essence. En réglementant le prix de l'essence, on a en effet abouti à ce paradoxe que l'on a contribué à augmenter la « profitation » de quelques grandes entreprises, car qui dit prix réglementés dit compensations. Mieux vaut trouver ensemble une formule qui n'aboutisse pas à enrichir ceux que l'on désigne comme responsables de tous les excès mais à faire baisser le prix des biens de consommation courante.

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