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Intervention de Jean-Yves Le Bouillonnec

Réunion du 6 avril 2009 à 21h30
Développement économique des outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Le Bouillonnec :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaiterais, dans le bref temps qui m'est imparti, revenir à un questionnement de fond, déjà évoqué par certains de nos collègues : celui des stratégies choisies pour le logement dans les territoires d'outre-mer, et plus particulièrement pour le logement social. En cela, je prolonge le débat que le groupe SRC ouvert il y a quelques semaines, lors de l'examen de la loi de mobilisation pour le logement, à travers de nombreux amendements qu'il a présentés.

Nous savons que 21 910 logements autorisés ont été produits dans les DOM en 2000, contre seulement 16 127 en 2007. Sur cet ensemble, 11 303 ont été réalisés avec les financements de l'État en 2003, contre 7 713 en 2007. Enfin, nous sommes passés de 6 035 logements locatifs sociaux en 2000 à 2 365 en 2006. À l'heure actuelle, il faudrait en construire 60 000 pour rétablir la situation !

C'est ce constat qui traduit la réalité sociale des populations des DOM, telle qu'elle a été évoquée par de nombreux collègues à cette tribune. C'est sur ce constat, inacceptable au regard des valeurs de la République, que doit s'appuyer la politique du logement.

Aujourd'hui, l'instrument de cette action de l'État, c'est la ligne budgétaire unique. Ce qui doit demeurer le socle de la politique du logement si nous voulons rattraper le retard accumulé est toutefois insuffisant. Plus d'un tiers des opérations locatives sociales dépassent, dans les DOM, l'enveloppe que la LBU finance par logement – 1 600 euros par mètre carré –, alors même que la contribution obligatoire des collectivités locales au financement des opérations par le foncier aménagé ou par les subventions paraît difficile, voire impossible à mobiliser, ce qui empêche l'engagement de nouveaux programmes.

Dans les DOM, l'État est aussi le garant du droit au logement. La coresponsabilité du secrétariat d'État chargé de l'outre-mer, lui-même placé sous la tutelle du ministère de l'intérieur, et du ministère du logement, est à mes yeux une source d'affaiblissement de l'action de l'État en faveur de ces territoires. Les services de ces deux ministères ne cessent de se défausser de leurs responsabilités et de se renvoyer leurs échecs au détriment de nos concitoyens ultra-marins. Lors de la discussion de la loi MOLLE, j'avais déjà eu l'occasion d'interpeller la ministre du logement sur le fait qu'il fallait impérativement que les conflits de compétence cessent d'être « un facteur d'inertie ou de faiblesse de l'action de l'État ». Aujourd'hui, monsieur Jégo, c'est à vous que je demande d'agir. Je ne mets pas en cause un ministère plutôt que l'autre, mais il me semble urgent de régler ce problème afin d'améliorer l'efficacité de l'action publique. Ne pensez-vous pas, par exemple, qu'il serait fort souhaitable d'envisager que le ministère du logement assume seul la politique du logement outre-mer, du budget à la construction en passant par la réhabilitation ?

C'est un questionnement que nous ne pouvons éluder si l'on veut à l'avenir agir de façon efficace et coordonnée. Quelle est la pertinence d'une organisation qui laisse au secrétaire d'État chargé de l'outre-mer la compétence en matière de réglementation de l'aide à la pierre alors que le financement de cette aide dépend du ministère du logement ? Toutes les bonnes volontés auront beau se mobiliser, elles ne pourront remédier à l'inefficacité d'un tel système.

L'outre-mer est également victime du désengagement financier de l'État. Les dispositifs mis en place par le Gouvernement, qui prétend accentuer ses efforts en direction des DOM, génèrent, en fait, une inégalité de traitement. Nul n'ignore pourtant que, dans certains territoires ultramarins, subsistent des taudis indignes d'une République juste et égalitaire.

Paradoxalement, alors que l'outre-mer connaît une hausse de sa démographie et un taux de chômage supérieur à 22 %, les offres de logements sociaux accusent une nette baisse alors qu'il faudrait impulser une franche accélération – ce n'est pas le cas en métropole, même si l'action y est insuffisante. Comme je l'ai relevé, en 2007, il y a eu trois fois moins de constructions de logements sociaux qu'en 2001 ! La demande augmente et l'offre baisse !

Enfin, l'intervention de l'État devrait, en tout état de cause, tenir compte des inégalités territoriales. Cela nécessite une véritable stratégie d'aménagement du territoire, stratégie qui devra associer les élus locaux et prendre en compte la spécificité des territoires. C'est à cette seule condition que la situation du logement dans les DOM sera améliorée.

Forts de ces remarques, vous conviendrez tous ici que la situation du logement outre-mer ne saurait connaître d'améliorations notables qu'à la condition que l'État daigne engager des moyens importants ou, du moins, créer des dispositifs d'affectation de fonds spécifiques.

Préalablement à toute définition d'une nouvelle stratégie, l'État ne pourra pas faire l'impasse d'un diagnostic partagé et concerté sur l'existant et sur les besoins en matière de logement. Cela évitera des lois mal ciblées, mal encadrées, aux effets partiels et pervers.

La réforme proposée, qui recentre le dispositif de défiscalisation sur le logement social, laisse craindre le pire : François Pupponi a eu raison de le dire, jamais un financement privé n'a permis de conduire une politique de logement social, qui est une politique d'État. Il ne faudrait pas que ce « financement privé » du logement social vienne se substituer à l'État et amorce son désengagement total. L'État doit rester le principal constructeur du logement social outre-mer et accompagner fortement les collectivités s'il ne veut pas aggraver la crise.

Je regrette que votre loi ne mette pas fin à l'improvisation et aux enchevêtrements de compétences que je dénonçais en introduction. L'adoption d'une loi de programmation sur le logement et l'aménagement du territoire outre-mer est nécessaire pour garantir des financements pérennes. L'État devra s'investir dans une stratégie de relance du logement social outre-mer qui réponde effectivement aux attentes de nos compatriotes, en le finançant vraiment et fortement. Sans quoi, monsieur le secrétaire d'État, vous ne ferez pas progresser l'offre de logement locatif social quelle que soit votre volonté de le faire, et je sais qu'elle est grande.

Ces propositions, nous les avons déposées sous forme d'amendements. À vous de montrer que vous voulez vraiment sortir de la crise du logement dans les DOM en les acceptant. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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