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Intervention de Manuel Aeschlimann

Réunion du 6 avril 2009 à 21h30
Développement économique des outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaManuel Aeschlimann :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis dix ans, les textes de loi sur l'outre-mer se sont succédé à un rythme soutenu, illustrant la nécessité de l'action publique et l'impatience de nos compatriotes ultramarins, relayée par leurs élus : je salue d'ailleurs la présence de la plupart d'entre eux dans cet hémicycle.

De l'extérieur, cet activisme législatif s'est traduit par une instabilité réglementaire peu propice à des conditions optimales de développement économique. Parfois, nous avons pu donner l'impression de ne pas comprendre les « vraies » difficultés quotidiennes de nos compatriotes.

La loi pour le développement économique de l'outre-mer met en oeuvre quelques-uns des engagements de campagne du candidat à l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy : viser l'excellence, valoriser l'exemplarité des territoires français d'outre-mer et y promouvoir l'égalité des chances. Il faut d'ailleurs se réjouir des mesures visant à augmenter le pouvoir d'achat outre-mer.

J'appartiens par alliance à ces départements de beauté et de soleil, dont mon épouse est originaire. J'ai appris à connaître leurs habitants, à vivre au milieu d'eux. Comme eux, j'ai été souvent surpris, parfois scandalisé, par le coût de la vie. Par-delà ces nécessaires mesures de redressement, le Gouvernement prend ses responsabilités, en y créant les conditions d'un développement endogène et durable. Certes, c'est plus facile à dire qu'à faire, mais reconnaissons que la mesure visant à relancer les économies des départements ultramarins en améliorant leur attractivité dans un environnement régional très concurrentiel va dans le bon sens.

Le dispositif des zones franches d'activités va plus loin qu'un simple avantage fiscal. Par son fondement sélectif et sa démarche concertée, il encourage une forme de spécialisation pour chaque économie, tout en limitant les effets d'aubaine. Plus qu'un outil, les zones franches d'activités sont une stratégie de développement économique et social.

Sans tourner le dos aux secteurs économiques traditionnels, la France d'outre-mer doit s'adapter à l'environnement concurrentiel régional, européen et mondial. Les économies ultramarines ne doivent pas craindre l'innovation, la recherche et le développement, ou les nouvelles technologies de la communication.

La question des ressources humaines ne doit pas être sous-évaluée. L'outre-mer est fort et riche de sa jeunesse : 40 % de la population y est âgée de moins de vingt ans, 60 % de moins de quarante ans. C'est là un potentiel humain inestimable, mais qui nécessite un effort de formation initiale et continue soutenu. Il faut un vrai plan Marshall ou un Grenelle de la formation outre-mer. Trop de compatriotes ultramarins sont contraints à la mobilité pour se former. Leur diplôme en poche, l'étroitesse des marchés, conjuguée à la faiblesse des débouchés, agissent comme un repoussoir. La continuité territoriale doit être approfondie – j'y reviendrai.

Pour ce qui est du calendrier parlementaire, il est clair que le texte ne règle pas immédiatement tous les problèmes soulevés par les récents événements survenus outre-mer. Les états généraux de toutes les forces vives des territoires, que le chef de l'État ouvrira dans les prochaines semaines, seront l'occasion d'amplifier la démarche et de concrétiser le volontarisme du Gouvernement. Si cette démarche prend des allures de nouveau départ, elle tire les leçons des textes passés, au regard des apports positifs et des déséquilibres qu'ils ont pu introduire. Je pense naturellement à l'effet pervers de certaines mesures encourageant la défiscalisation pour le logement libre au détriment du logement social, qui manque cruellement.

Aujourd'hui, 60 000 logements seraient nécessaires pour faire face à la demande dans les quatre DOM. Se loger est un droit fondamental. Contrairement à l'idée que l'on peut s'en faire du fait des conditions climatiques exceptionnelles, il n'est pas plus facile de vivre en étant mal logé – ou pas logé du tout – sous les tropiques ! Là-bas comme ailleurs, c'est sous un toit que s'abrite la dignité de l'homme. À côté de la pénurie de logement social, il y a l'habitat insalubre, qui n'est pas plus tolérable. Toutes ces poches de pauvreté doivent être résorbées.

Je voudrais m'arrêter quelques instants sur la question de la continuité territoriale. La France forme, avec ses collectivités d'outre-mer, une communauté de destin que l'éloignement et l'insularité mettent souvent à l'épreuve. Il faut réaffirmer fortement ce lien politique et affectif, mais il faut surtout lui donner un vrai contenu, nos compatriotes ultramarins ayant encore trop souvent le sentiment d'être des « Français entièrement à part ». C'est l'objectif de mon amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 26. Cette politique nationale de continuité territoriale pourra concerner des domaines aussi variés que les transports, la santé ou la formation. Il faut améliorer la formation sur place en renforçant une université de qualité mais faiblement liée au tissu économique local. Outre-mer, les parcours d'insertion sociale et professionnelle doivent être mieux sécurisés.

Les taux de chômage, trois fois supérieurs à la moyenne nationale, sont inquiétants. Il est indispensable de développer l'emploi marchand afin de limiter un secteur tertiaire démesuré et l'évolution vers une économie de consommation. Le faible taux de couverture des économies ultramarines est un signal d'alerte. Trop tournées vers la métropole dans leurs échanges, elles doivent mieux s'inscrire dans un environnement international et caribéen. Les efforts en matière d'agro-nutrition permettront de tendre vers l'autosuffisance alimentaire.

Par-delà les mesures et les dispositifs qui seront créés, c'est aussi la relation entre la France métropolitaine et ses territoires d'outre-mer qui est en jeu. Réussir outre-mer est un défi pour la France. Non pour l'image du creuset multiculturel français, mais parce que l'outre-mer est au confluent de tant de cultures, de populations, d'influences, et qu'il préfigure le « vivre ensemble » dans nos agglomérations hexagonales. S'il n'est pas de vraie liberté sans droit de propriété – les peuples ultramarins ont payé pour le savoir –, de même, il n'y aura pas de fraternité si l'égalité n'est pas vécue comme une vraie égalité des chances. C'est dans une République forte, mais juste, que la dignité si chère à nos concitoyens de l'outre-mer rayonnera au-delà de leurs frontières insulaires.

Pour l'ensemble des raisons que je viens d'exposer, je voterai, monsieur le secrétaire d'État, pour votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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