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Intervention de Dominique Méda

Réunion du 23 octobre 2007 à 17h00
Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Dominique Méda :

a, au préalable, fait part de son pessimisme après avoir travaillé sur le sujet depuis une dizaine d'années, notamment dans le cadre de la DARES. Elle a également travaillé à de nombreuses reprises avec les déléguées et les ministres aux droits des femmes des gouvernements successifs et a ainsi pu observer que sur la question de l'égalité entre les hommes et les femmes, il existait un véritable plafond de verre. Du point de vue politique, ces sujets n'ont pas acquis la « noblesse » qui leur permettrait de faire l'objet d'un véritable débat public – comme dans les pays du Nord par exemple. Au plan administratif, il existe un service aux droits des femmes dont le travail est remarquable, mais dont les propositions ont du mal à s'imposer, car les déléguées aux droits des femmes évoluent dans un monde d'hommes qui oppose une très grande résistance à toute évolution des mentalités.

Aujourd'hui, il convient de s'appuyer sur une argumentation qui tourne résolument le dos à toute perspective victimaire. Si l'exigence de justice doit toujours être prise en considération – il est juste que les femmes aient les mêmes chances professionnelles que les hommes –, il faut aussi prendre en compte des arguments d'ordre économique.

En effet, l'emploi des femmes est une nécessité pour financer la protection sociale. L'augmentation du travail féminin – telle est la position de la Commission européenne et de l'OCDE – aura un effet bénéfique sur la croissance.

Le salaire féminin constitue par ailleurs un rempart contre la grande pauvreté : dans une famille monoparentale, la femme doit évidement travailler et le salaire féminin est une nécessité lorsque le mari est au chômage.

Par ailleurs, il a été prouvé qu'il existait une corrélation positive entre les taux d'activité féminine et le taux de fécondité ; les arguments d'ordre démographique ne peuvent donc plus être opposés au travail féminin. En effet, les femmes qui veulent avant tout travailler mais qui désirent également avoir des enfants le font, si elles ont l'assurance de pouvoir poursuivre leur carrière professionnelle.

Enfin, l'investissement de l'État dans l'éducation des filles est un véritable gâchis financier s'il n'est pas rentabilisé en termes d'activité professionnelle des femmes. Il ne l'est, d'ailleurs que partiellement, lorsque l'emploi occupé est d'un niveau inférieur aux compétences acquises.

Tous ces arguments d'ordre économique montrent que la société tout entière a intérêt à promouvoir l'emploi des femmes et qu'il est donc légitime d'investir sur ce point.

Il convient pour cela de mettre en place un service de garde des enfants qui permette d'accueillir tous les enfants de 0 à 3 ans, car toutes les études montrent que la présence de jeunes enfants est corrélée avec des taux d'activité féminins plus bas, surtout chez les femmes peu diplômées. Dans Le Deuxième âge de l'Émancipation, avec Hélène Périvier, nous avons chiffré le coût d'une telle mesure, en utilisant toutes les formes de modes de garde : crèches, assistantes maternelles, garde à domicile, école et jardins d'enfants.

Il est également absolument nécessaire de mettre en oeuvre un nouveau congé parental, qui devrait se substituer à l'actuel complément de libre choix d'activité dont les effets dirimants sur l'emploi des femmes peu diplômées ont été bien mis en évidence par les études. Le complément de libre choix d'activité incite les femmes peu qualifiées à quitter le marché du travail. Il faut donc mettre en place un nouveau congé parental, plus proche du modèle nordique, et prenant en compte les limites de celui-ci.

Le congé parental devrait être plus court – dans le livre nous proposons une durée de quarante-deux semaines –, totalement partageable entre le père et la mère et bien rémunéré, seules façon d'assurer les conditions d'un choix véritable pour les hommes comme pour les femmes, ce qui n'est pas aujourd'hui le cas. Hommes et femmes auraient ainsi les mêmes possibilités de poursuivre leur carrière ou de l'interrompre momentanément pour se consacrer à leurs enfants. Un tel dispositif (service public de la petite enfance et substitution d'un congé parental plus égalitaire à l'actuel complément de libre choix d'activité) coûterait chaque année environ 5 milliards d'euros en dépenses de fonctionnement. C'est assurément un investissement important. La société peut toutefois le consentir en raison du profit qu'elle en retirera en termes d'élévation du taux d'emploi des femmes, du taux de croissance, de financement de la protection sociale et d'économies réalisées par les nombreuses dépenses sociales qui seraient rendues inutiles. On obtiendra de cette façon, un véritable retour sur l'investissement consacré à l'éducation des filles.

Il faudra convaincre les entreprises du bien-fondé de ces mesures, ce qui est très difficile. Dans les années soixante-dix et quatre-vingts, la société ne s'est pas adaptée à la montée rapide de l'activité féminine car les institutions n'ont pas modifié leur mode de fonctionnement : on n'a pas touché à la norme d'emploi à temps plein, peu compatible avec l'éducation de jeunes enfants ni à l'inégale répartition des tâches domestiques, ni à l'offre de modes de garde, surtout pour les enfants de la naissance à trois ans. Aujourd'hui, seulement 36 % d'entre eux vont en crèche ou dans des jardins d'enfants.

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