Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Éric Jalton

Réunion du 6 avril 2009 à 21h30
Développement économique des outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Jalton :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j'aurai, pour commencer, une pensée pour notre collègue Alfred Almont, empêché par des problèmes de santé qui, je l'espère, seront passagers, et pour les députés de La Réunion, qui doivent affronter les dégâts causés par un cyclone.

Nous voilà arrivés à l'examen tant de fois annoncé depuis 2007 du projet de loi de développement économique des outre-mer pour les quinze prochaines années, qui doit se substituer à la loi Girardin votée en 2003.

La crise sociale qui frappe encore les départements d'outre-mer, et singulièrement la Guadeloupe, donne une dimension particulière à l'examen de ce projet de loi de développement des outre-mer – sans s, n'en déplaise à notre collègue Mariton.

À la lecture du document que nous examinons aujourd'hui, je crains que l'exercice ne soit compliqué par la dimension de la crise sociale et sociétale que connaissent nos régions, par la pluralité des problématiques qu'elle entraîne et des attentes qu'elle éveille, et par le caractère forcément limité de l'enveloppe financière consacrée au projet de loi. Ce texte concerne en effet essentiellement le domaine économique, alors que la crise dépasse largement ce cadre, comme vous avez pu vous en rendre compte, monsieur le secrétaire d'État, lors de vos récents déplacements, notamment en Guadeloupe.

Vous y avez d'ailleurs déclaré que, ce que veut l'outre-mer, c'est davantage d'État. Ayant appris à vous connaître, j'ose penser que vous ne l'entendez pas comme une forme de mendicité, d'insatiabilité ou d'assujettissement des peuples d'outre-mer, mais davantage comme une quête de solidarité, d'équité et d'efficacité dans les politiques publiques qu'engage l'État. En tout cas, je préfère interpréter ainsi votre déclaration.

Là où nous avons besoin de plus d'État, c'est notamment pour lutter contre l'injustice sociale, l'iniquité territoriale et les discriminations de toute sorte dont souffrent encore nos territoires et leurs ressortissants, même quand ils migrent en métropole. À cet égard, il faudrait que l'État nous aide à mettre fin une bonne fois pour toutes aux abus de position dominante dans le secteur privé comme dans le secteur public, ainsi qu'à toutes les formes d'injustice et d'abomination qui y subsistent et qui sont d'ailleurs à l'origine de conflits dans nombre d'entreprises et d'administrations. Je réclame donc une intervention du Gouvernement pour débloquer certaines situations de grève qui persistent et qui sont préjudiciables à la vie en Guadeloupe : à la CCI, à l'IEDOM, à la Maison de l'enfance, à La Poste. Ces grèves sont une des nombreuses manifestations d'une crise qui, en Guadeloupe notamment, interpelle toutes les composantes de nos sociétés. L'État ne peut se défausser en se contentant d'un projet de loi dont la portée est forcément limitée dans les moyens et dans les domaines concernés.

Je devine que vous m'opposerez l'argument de la tenue des états généraux. Permettez-moi d'anticiper à ce propos : j'ai pris acte de l'engagement du Président de la République à venir lui-même inaugurer les états généraux de la France en Guadeloupe. S'il s'agit d'une consultation, d'une concertation sur diverses problématiques, pouvant donner lieu à des modifications législatives, réglementaires ou administratives qui complèteraient les dispositifs existants tels que la LODEOM, insuffisants pour la plupart, alors nous sommes prêts à apporter notre contribution. Si, au contraire, il s'agit de prétendre nous apprendre à dialoguer dans l'entreprise ou dans les collectivités territoriales, à mettre en oeuvre des politiques publiques qui relèvent d'ores et déjà de notre compétence locale ou, tout simplement, à mieux organiser notre « vivre ensemble » en Guadeloupe, alors vous allez vous fourvoyer et l'échec sera certain. En tout état de cause, dans ces conditions, je ne participerai pas à cette entreprise.

À mon sens, c'est aux élus, aux forces vives locales – syndicales, associatives, culturelles, cultuelles même, et j'en passe – de mettre en branle les instances démocratiques nous permettant de réfléchir à l'élaboration d'un projet social, économique et culturel. L'État sera forcément interpellé sur la mise en oeuvre de ce projet, notamment par le biais d'une consultation populaire, afin de procéder aux modifications institutionnelles ou statutaires qui permettront de mieux partager le pouvoir entre l'État, l'Europe et les autorités locales. C'est ainsi que nous pourrons redéfinir des rapports plus responsables et efficaces avec nos voisins caribéens et américains pour, in fine, être mieux ensemble, plus respectueux les uns des autres, dignes face à notre histoire, à nos savoirs et à nos capacités, plus solidaires et fraternels au service du progrès de nos peuples respectifs.

En ce début de semaine pascale, monsieur le secrétaire d'État, j'attends avec impatience, comme un espoir de résurrection pour les îles méridionales de l'archipel guadeloupéen, de connaître les suites données au rapport de mission que vous m'avez confié le 23 mars 2009 à Marie-Galante, face à une population qui, toutes composantes confondues, criait sa détresse et sa soif d'équité et de justice territoriale, compte tenu de la double – voire triple – insularité et de ses conséquences, autrement plus graves dans ces îles que dans le reste de l'archipel, déjà durement frappé.

C'est cette situation qui a inspiré les cinq premières propositions dudit rapport dont, avant tout, la mise en place d'une « zone franche globale toutes activités », y compris le commerce et les services, avec un abattement à 100 % entraînant l'exonération d'un certain nombre d'impôts, de taxes et de charges patronales dont je vous épargne l'énumération, qui figure dans le rapport.

Deuxième proposition : mettre en place un véritable service public des transports de biens et de personnes, dans le cadre de la création d'un groupement d'intérêt public destiné à favoriser la baisse du prix du transport de marchandises en supprimant les surcoûts appliqués au transport entre les îles guadeloupéennes.

Troisième proposition : modifier la quotité de l'abattement DOM sur l'impôt sur le revenu des personnes physiques, en le faisant passer de 30 à 60 %.

Quatrième proposition : augmenter la dotation globale de fonctionnement des collectivités communales des îles du sud, afin de lutter contre les effets de la double insularité – voire de la triple insularité à Terre-de-Bas. Enfin, le rapport suggérait de majorer le coefficient géographique servant à la répartition des charges de fonctionnement de l'hôpital public de Sainte-Marie de Grand-Bourg en le faisant passer de 25 à 40 %, pour assurer le maintien de cette unité de soins indispensable à Marie-Galante.

Les assises voulues pas les élus et les acteurs socio-professionnels des îles du sud nous fourniront l'occasion de compléter, le cas échéant, notre rapport de mission au-delà des autres propositions qui y figurent. Il me semble d'ailleurs, monsieur le ministre, que vous soutenez le principe de ces assises.

En guise de conclusion, je lancerai un cri d'alarme quant à la situation catastrophique de notre jeunesse, en proie à tous les maux, à toutes les difficultés, à tous les bouleversements du monde. Ses brutales manifestations au paroxysme du mouvement social – les jeunes de toutes conditions sociales, formés ou non formés, étaient nombreux sur les barrages – ne sont que les stigmates annonciateurs d'un mal profond, et le ressac qui, si l'on n'y prend garde, précèdera le raz-de-marée de la révolte qui gronde déjà et nous submergera tous, à défaut d'une mobilisation sociétale et du déclenchement de politiques publiques à tous les niveaux de décision.

À cet égard, je rejoins les propositions de Mme Bello et vous invite d'ores et déjà à réfléchir, au-delà des amendements consentis de ci de là, à l'élaboration d'une grande loi, d'un « plan Marshall » – appelez-le comme vous voudrez – pour la jeunesse d'outre-mer. Ce texte serait porté par l'ensemble de la classe politique ultramarine car, sur cet enjeu majeur, un seul parti pris est possible : celui de la jeunesse d'outre-mer – et notamment de Guadeloupe – qu'il faut sauver.

D'ici là, nous attendons vos réponses à notre rapport de mission sur les îles du sud, ainsi que l'adoption de quelques amendements déposés sur le présent projet, que les diverses commissions saisies n'ont pas retoqués mais que le temps qui m'est imparti ne me permet pas d'évoquer dans cette intervention liminaire.

Au-delà des débordements et des excès constatés, les Guadeloupéens, monsieur le ministre, ont poussé un immense cri pacifique fait de révolte et d'espérance. La Gwadloup sé tan nou ; la Gwadloup sé pa ta you ; yo pé ké fé sa yo vlé adan péyé an nou. Pour ceux qui ne comprennent pas ce cri en créole, pour M. Mariton par exemple, je le traduirai ainsi : la Guadeloupe nous appartient, à nous qui la construisons et qui voulons la construire solidairement. Elle n'appartient pas et ne doit pas appartenir…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion