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Intervention de Bruno Sandras

Réunion du 6 avril 2009 à 21h30
Développement économique des outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Sandras :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, conformément aux engagements du Président de la République, le projet de loi qui nous est présenté vise à donner un nouvel élan à l'outre-mer, à valoriser les atouts de chacun de ses territoires et à leur permettre de mieux affronter les grands défis de notre époque.

En tant que député de la Polynésie française, je ne peux que me féliciter de ces orientations, à l'heure où la crise économique internationale frappe d'autant plus durement notre population qu'elle accentue ces handicaps structurels que sont l'éloignement et la dispersion géographique de nos îles.

Notre économie insulaire, construite essentiellement autour du tourisme, est touchée de plein fouet. Les derniers chiffres sont clairs, sans appel : 30 % de touristes en moins au premier trimestre – après une baisse qui atteignait déjà 15 % en 2008 –, 66 % de croisiéristes en moins. Pour le seul mois de février, on compte 10 000 touristes de moins que l'année dernière. L'emploi est en chute libre : 3 000 emplois salariés de moins en 2008, alors même qu'il faudrait créer chaque année 2 800 emplois pour absorber l'arrivée des jeunes sur le marché du travail.

Il n'y a pas d'allocation chômage ni de RMI en Polynésie française. En cas de crise économique et de licenciements, les familles n'ont pas d'amortisseur. Elles n'ont rien : aucune rentrée d'argent à la fin du mois.

Les répercussions de cette crise économique et financière sont également immédiates en matière de protection sociale : l'équilibre des régimes, déjà fragile, est à présent fortement menacé.

Oui, 2009 est bien l'année de tous les dangers : année de crise économique et financière, elle risque de se transformer très rapidement, comme on l'a vu en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion, en année de crise sociale. Pour le pays, elle pourrait très bien déboucher sur une crise budgétaire majeure.

En effet, selon les projections, la diminution des rentrées fiscales en 2009 devrait logiquement conduire la Polynésie française à une importante contraction de ses moyens financiers, alors que la situation exige, à l'inverse, un soutien colossal de la puissance publique envers les acteurs économiques.

Mais, me direz-vous, la Polynésie française est dotée d'un statut d'autonomie interne, dans lequel il est inscrit que cette collectivité de la République se gouverne librement et démocratiquement, dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues. Cela implique en effet qu'elle doit surmonter, par les moyens dont elle dispose, la plupart des difficultés économiques qui peuvent se présenter. Mais soyons réalistes : face à une crise internationale de l'ampleur de celle que nous connaissons, la faiblesse constatée de nos ressources propres – nos ressources endogènes, pour reprendre le terme adéquat – nous rend totalement démunis.

En d'autres termes et en toute objectivité, sans une solidarité nationale accrue, la Polynésie française est – ou sera très rapidement – dans l'incapacité de fournir à sa population les standards minimaux de la nation en termes d'accès aux soins, au logement et aux produits de première nécessité, à commencer par les produits alimentaires. Notez que je n'évoque même pas ici notre retard considérable dans le développement de services publics aussi essentiels que l'eau, l'assainissement, les déchets, les transports en commun.

Je sais que, ces dernières années, l'image de la Polynésie a été ternie aux yeux de l'État, de ceux qui dirigent la France, de vous-mêmes, chers collègues. Le comportement de certains hommes politiques polynésiens a pu choquer. L'instabilité que connaît la Polynésie depuis 2004 a pu lasser. Mais il serait faux de croire que les Polynésiens, les responsables politiques, les partenaires économiques et sociaux, les pouvoirs publics, n'ont pas pris la mesure des choses.

Nous agissons, avec tous les moyens dont nous disposons, pour mettre en place des mesures permettant de contrecarrer, d'atténuer autant que faire se peut, le choc sans précédent que nous subissons : les dispositions locales d'aides à l'investissement privé ont été renforcées, des actions de soutien aux entreprises et à l'emploi sont mises en oeuvre, la commande publique est renforcée, des actions sont conduites pour accompagner les secteurs les plus exposés, comme le tourisme, la perliculture, la pêche. Ce sont des efforts importants, coûteux pour notre collectivité, dont les ressources se tarissent pourtant sous l'effet de la récession. Mais ces efforts de redéploiement et ces emprunts supplémentaires ne seront pas suffisants. Nous n'y arriverons pas seuls. Ne croyez pas que je sois résigné quand je fais ce constat. Je suis simplement lucide.

À titre d'exemple, la chute de la fréquentation touristique représente à elle seule un manque à gagner de près de 20 milliards de francs – soit 170 millions d'euros – en année pleine. En comparaison, le gouvernement de la Polynésie n'a réussi à mobiliser, pour son plan de relance, que 7 milliards de francs supplémentaires – à peine 60 millions d'euros –, à travers l'adoption d'un collectif budgétaire.

À cet égard, je dois avouer ma crainte que la situation budgétaire de la Polynésie française ne se traduise en fin d'année par un déficit d'exécution qui, vous le savez, est beaucoup plus problématique pour une collectivité territoriale que pour l'État : cette option n'est en effet ni admise ni viable financièrement.

Nous n'y arriverons pas seuls, c'est une certitude. Pourtant, à la lecture du projet de loi de développement économique de l'outre-mer, devant toutes les mesures proposées aux départements, malgré l'objectif affiché d'un nouvel élan et de la prise en compte des spécificités des économies insulaires, je sens la Polynésie un peu esseulée.

En raison de notre statut d'autonomie, nous sommes en effet exclus des dispositifs de soutien au pouvoir d'achat ou aux entreprises et des mesures en faveur des jeunes chercheurs d'emploi que justifie la gravité exceptionnelle de la situation outre-mer, dans un contexte de crise économique internationale majeure.

Or, si le caractère exceptionnel de la situation est indubitable dans tout l'outre-mer, vous conviendrez avec moi que, en définitive, cela n'a pas de sens d'exclure de ces dispositifs une partie de nos collectivités ultramarines, dont la Polynésie, pour des motifs statutaires. À tout le moins, c'est un sujet de fond qu'il conviendra d'aborder sérieusement à l'occasion des états généraux.

Venons-en à présent aux dispositions intéressant la Polynésie française.

La continuité territoriale est une mesure essentielle, dont la motivation est profondément ancrée dans nos valeurs républicaines. J'y souscris pleinement et adresse, au nom des familles polynésiennes concernées, tous mes remerciements au Gouvernement pour son engagement en la matière.

Je tiens néanmoins à préciser qu'il s'agit de la reprise d'un dispositif existant et dont la portée est d'ailleurs toute relative : 4 à 5 millions d'euros consacrés à la Polynésie pour la continuité territoriale, comparés aux 170 millions d'euros pour la Corse, pour une population équivalente et, de surcroît, beaucoup plus proche.

Les orientations fortes proposées par le Gouvernement en matière de relance de la politique du logement et l'élargissement du champ des secteurs éligibles à la défiscalisation sont à la hauteur des enjeux. Mais force est de constater que la loi de finances de 2008 en limite singulièrement la portée. En outre, en matière de conditions d'accès à des financements permettant de développer le logement social, on se rend compte que la Polynésie est la seule collectivité française à ne pas pouvoir obtenir de prêts de la Caisse des dépôts et consignations. Cette situation, qui pénalise les plus démunis des ménages pouvant prétendre à un logement social, me conduit d'ailleurs à déposer un amendement pour y remédier : j'espère qu'il sera accepté.

Enfin, le Gouvernement a entrepris de mettre rapidement en oeuvre le fonds exceptionnel d'investissement, destiné à financer des opérations qui participent de façon déterminante au développement économique, social et environnemental local. J'adhère complètement à cette démarche, essentielle pour notre avenir et qui comporte, pour cette année, 13,5 millions d'euros sur un total de 115 millions, ce qui est loin d'être négligeable.

Comme vous, monsieur le secrétaire d'État, je pense que les outre-mer sont une richesse, une chance pour la France d'aujourd'hui et pour la France de demain. Je veux donc croire que, pour la Polynésie française au moins, ce projet de loi ne constitue que la première pierre d'un processus en ordre de marche, qui, à court terme, permettra d'atténuer les conséquences de la crise économique et financière internationale sur nos économies insulaires, aussi fragiles qu'exposées, et qui, à long terme, permettra de répondre à cette ambition que vous avez pour nos collectivités ultramarines et que je partage sans aucune réserve.

Pour cette ambition commune, pour ces valeurs que nous partageons et que ce texte porte à bien des égards, mais également parce qu'il apporte de vraies réponses à nos compatriotes des départements d'outre-mer dont je me sens solidaire, je vous apporte donc, monsieur le secrétaire d'État, mon soutien et mon vote. La population polynésienne a entendu les paroles du chef de l'État. Elle attend énormément des états généraux, ainsi que des mesures qui seront prises dès lors qu'un bilan objectif et partagé aura pu être réalisé.

Je souhaiterais à cet égard obtenir un peu plus d'informations sur le calendrier et les modalités préparatoires de ces états généraux. En effet, dans le cas de la Polynésie, aucune discussion n'a, à ma connaissance, été entamée à ce jour. Le temps presse, pourtant. La gravité et l'urgence de la situation nous invitent à élaborer ensemble, et rapidement, les réponses aux enjeux immédiats qui tiennent à la réalité économique et sociale dans nos collectivités d'outre-mer en général et en Polynésie française en particulier.

Ces enjeux sont clairs.

Il s'agit de la préservation de nos entreprises et de notre tissu économique, qui risque de s'effilocher avec les fermetures d'hôtels – déjà le Club Med de Bora Bora a annoncé sa fermeture définitive –, avec les faillites d'entreprises et de prestataires.

Il s'agit de la préservation d'une cohésion sociale très concrètement menacée par la montée du chômage – dont je rappelle qu'il n'est pas indemnisé en Polynésie française, où il n'y a pas non plus de RMI –, par le renforcement de la précarité et par des régimes de protection sociale fortement mis à mal. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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