Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après René-Paul Victoria que je remercie, je tenais à informer notre assemblée sur la catastrophe liée à la traîne du cyclone Jade qui touche le sud de La Réunion depuis la nuit dernière.
Il s'agit d'un nouveau coup dur porté aux territoires ruraux de notre département. Des pluies d'une rare violence se sont abattues sur Saint-Joseph, dont je suis le maire, Petite Île et les Hauts de Saint-Pierre, causant des dégâts considérables : des routes sont détruites, des écoles sont endommagées et donc fermées, des dizaines de commerces et plus d'une centaine de foyers ont été inondés par des torrents de boue, de très nombreuses exploitations agricoles ont été mises à mal. À l'heure où je vous parle, neuf centres d'hébergement accueillent trente-trois sinistrés de Saint-Joseph, Petite-Île et Saint-Philippe.
À mon tour, monsieur le secrétaire d'État, je demande au Gouvernement de tout mettre en oeuvre pour nous aider à compenser les conséquences dramatiques que cette catastrophe a déjà entraînées. Je souhaite témoigner ma solidarité à l'ensemble des administrés de ma circonscription touchés par ce coup du destin.
Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes réunis pour procéder à l'examen de votre projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer. Tour à tour baptisé « loi de programme » puis « loi pour l'excellence », ce texte se résume finalement à une simple « loi pour le développement ».
Pendant près de deux ans, ce projet a été programmé, déprogrammé, reprogrammé pour finalement être expédié en moins d'un mois et en une seule lecture, Sénat compris, tout en explorant un nouveau règlement de l'Assemblée auquel les services ne sont pas encore adaptés.
En effet, alors que notre assemblée doit examiner et amender le texte adopté par la commission des finances, saisie au fond, on ne peut que déplorer les circonstances dans lesquelles s'est déroulée cette procédure. Examiné par la commission mercredi, le texte définitif n'a été mis à notre disposition que vendredi dans la soirée. Vous conviendrez que le délai est un peu court pour un texte soumis à la discussion en séance le lundi suivant, après avoir logiquement subi de substantielles modifications.
Cette réforme constitutionnelle, mes chers collègues, ne revalorise pas le rôle du Parlement, ne renforce pas les échanges démocratiques ni le pluralisme pour atteindre l'excellence législative. Je regrette que ce débat ne se déroule pas dans les meilleures conditions.
Je le regrette d'autant plus que je reste persuadé que la situation que connaissent nos territoires depuis maintenant quatre mois commandait que l'examen d'un projet annoncé comme capital se déroule dans la plus grande sérénité, en tenant compte des voix qui s'étaient élevées en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion. C'est pour cela que j'avais proposé à mes collègues de demander collectivement un report provisoire de ce projet, afin qu'il intègre la gravité sociale que connaissent nos territoires et qu'il prenne réellement une dimension historique.
Loin de cette belle ambition, nous examinons un texte hautement technique, illisible pour la plus grande majorité – parfois même d'entre nous –, dans l'urgence, et alors que les peintures du nouveau fonctionnement de l'Assemblée ne sont pas encore sèches. La précipitation dans laquelle nous avons dû travailler va altérer la qualité de ce rendez vous qui se voulait historique, malgré les apports et les vertus de ce texte.
Les états généraux de l'outre-mer combleront cette attente, me répondrez-vous. Sur le principe, je peux vous rejoindre puisque mes collègues et moi-même en avions réclamé l'organisation. Mais, pour nous, ces états généraux n'avaient de sens que si leurs fruits étaient immédiatement intégrés à la LODEOM et non repoussés à une possible nouvelle loi.
Il ne faudrait pas, d'ailleurs, que le travail parlementaire de cette semaine se réduise à un renvoi systématique de nos propositions aux prochains états généraux.
Monsieur le secrétaire d'État, je me permets de vous avertir car, si la situation s'est apaisée dans nos territoires, les braises sont encore chaudes, et rien n'est vraiment réglé. Prenez garde de ne pas transformer ce futur rendez-vous en un énième Grenelle de l'outre-mer peinant à se traduire concrètement, et qui n'aurait d'autre effet que d'attiser la rancoeur et la révolte de nos populations. Ce serait une mauvaise manière de terminer le cursus législatif de ce projet de loi d'orientation, et une piètre façon de préparer ces états généraux.
Malgré ces réserves, on peut noter que le présent texte, par rapport à sa version d'origine, comporte des avancées notables. À titre personnel, je me satisfais de la reprise de ma proposition visant à intégrer les Hauts de La Réunion au second étage de la défiscalisation. Je suis également heureux que la commission des finances ait choisi de faire bénéficier de la ZFA les petites entreprises soumises au régime de la micro-entreprise – j'ai même déposé un amendement en ce sens, après celui de nos collègues de l'UMP.
Néanmoins, je crois que l'on doit aller plus loin encore. Si l'ensemble des DOM souffrent économiquement et socialement, certaines zones souffrent encore plus. L'élargissement du nombre des secteurs éligibles au second étage de la défiscalisation a réduit mécaniquement l'intérêt à s'installer dans les zones rurales prioritaires. En effet, si les opérateurs de ces secteurs bénéficient des mêmes avantages fiscaux en s'installant dans des zones littorales bien pourvues en infrastructures et totalement désenclavées, ils s'y établiront tout naturellement. Cela me semble particulièrement vrai pour les secteurs d'activité traditionnels des Hauts de La Réunion que sont l'agro-nutrition, l'environnement et le tourisme. Aussi ai-je proposé un véritable bouclier rural, afin de maintenir l'activité économique et, éventuellement, d'attirer de nouveaux opérateurs.
Si la philosophie qui avait présidé à l'instauration du bouclier fiscal consistait à retenir les plus grandes fortunes tentées par l'exil, celle du bouclier rural que j'appelle de mes voeux consiste à retenir, voire à attirer les opérateurs économiques dans des zones rurales et enclavées afin d'y développer l'économie, l'emploi, et de sortir les populations des Hauts de la désespérance sociale. Pour ce faire, je crois qu'il faut augmenter, d'une part, les taux d'abattement pour l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur le revenu et, d'autre part, les taux d'exonération pour la taxe sur le foncier bâti et la taxe sur le foncier non bâti.
Il importe également d'orienter le fonds exceptionnel d'investissement et même, à La Réunion, le fonds régional pour le développement et l'emploi vers les territoires ruraux. J'entends déjà des voix qui parlent de la constitution de paradis fiscaux. Je voudrais d'avance répondre que certaines zones de nos îles, loin des images paradisiaques des cartes postales, sont parfois de véritables enfers sociaux, où le chômage et le RMI sont les seules perspectives. Songez que, dans nombre de communes comme la mienne, le chômage atteint plus de 50 % de la population active !
Soutenir un développement endogène, j'y suis absolument favorable, monsieur le secrétaire d'État ; mais ce développement doit être équilibré sur l'ensemble de nos territoires et tenir compte des spécificités des zones rurales. Les amendements que je propose peuvent nous permettre d'y parvenir. Je pense, à cet instant, à un exploitant d'un abattoir de volailles, installé dans les Hauts de La Réunion, qui me disait qu'avec une exonération de 90 % de l'impôt sur les sociétés et de 100 % de la taxe sur le foncier bâti, il envisageait de faire passer ses effectifs de quinze à vingt-deux salariés. Son entreprise, qui fait en outre vivre seize éleveurs de volailles, est un exemple significatif du type d'activité économique que l'on peut développer dans les Hauts de La Réunion. L'agro-nutrition étant, et c'est heureux, devenu un secteur prioritaire sur tout le territoire, il serait regrettable que cet entrepreneur quitte les Hauts pour s'installer là où les infrastructures permettent des conditions d'exploitation plus faciles et plus rentables. C'est pourquoi l'instauration de taux bonifiés, au moins pour certaines zones prioritaires, serait à mon sens un moyen de compenser la faiblesse naturelle et structurelle de territoires comme celui des Hauts de La Réunion.
Monsieur le secrétaire d'État, comme je l'indiquais d'emblée, la situation dans nos territoires est maintenant très critique ; des ajustements au projet de loi peuvent cependant permettre d'y remédier, au moins partiellement, notamment en ce qui concerne les zones rurales. Nos populations ne comprendraient pas que notre assemblée n'enrichisse pas les dispositifs prévus au bénéfice du développement de nos territoires : ne les décevons pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)