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Intervention de Yves Fromion

Réunion du 8 avril 2009 à 16h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Fromion, rapporteur :

Le projet de loi comporte trois articles modifiant successivement certaines dispositions du code de procédure pénale, du code pénal et du code de la défense afin de compléter la définition du secret défense et de préciser la procédure applicable en cas de perquisition dans les lieux susceptibles d'abriter des éléments classifiés. La protection du secret défense et la recherche des auteurs d'une infraction pénale sont en effet deux objectifs de valeur constitutionnelle qu'il faut concilier, et c'est bien là la difficulté.

Selon une jurisprudence constante du Conseil d'État et de la Cour de cassation, les magistrats ne sont pas qualifiés pour accéder à des informations protégées au titre du secret défense, y compris dans le cadre de leurs enquêtes. S'ils prennent connaissance de documents classifiés, ils peuvent tomber sous le coup de l'infraction pénale de compromission.

À ceux qui estiment que notre pays ne se conformerait pas aux exigences de transparence démocratique, je rappelle que ces règles prévalent également au sein des instances internationales. L'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme prévoit ainsi la possibilité pour les États de ne pas communiquer à la Cour européenne des droits de l'homme des informations confidentielles mettant en cause la sécurité nationale. Le traité instituant la Communauté européenne offre la même possibilité aux États devant la Cour de justice des Communautés européennes, la Cour ne pouvant que prendre acte de leur refus de communication. Enfin, la Cour pénale internationale et les tribunaux pénaux internationaux constitués pour le Rwanda et l'ex-Yougoslavie ont prévu de semblables dispositions.

Le principal objectif du projet de loi est de protéger les magistrats contre le risque pénal de compromission. La création en 1998 de la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN) a permis aux magistrats d'obtenir plus facilement la déclassification d'informations protégées. Les avis de cette commission sont presque systématiquement suivis par l'administration concernée et les magistrats sont globalement satisfaits de la procédure. Dans certains cas, assez rares, les magistrats peuvent néanmoins avoir à perquisitionner dans des lieux susceptibles de contenir des informations classifiées. Les procédures prévues par les articles 12 à 14 du projet de loi visent à assurer, dans ce cas, tout à la fois la protection du secret défense et celle des magistrats. Elles s'inspirent des dispositions prévues pour les perquisitions dans un cabinet d'avocats et reprennent les préconisations d'un avis du Conseil d'État du 5 avril 2007.

L'article distingue trois cas. Si un magistrat souhaite perquisitionner dans un lieu déclaré comme susceptible d'abriter des documents couverts par le secret défense, il doit être accompagné par le président de la CCSDN, préalablement informé par une décision écrite et motivée. Les documents classifiés saisis sont pris en charge par la CCSDN jusqu'à leur déclassification. Si un magistrat, lors d'une perquisition dans un lieu neutre, découvre de manière incidente des éléments classifiés, le projet de loi prévoit que la perquisition est suspendue jusqu'à l'arrivée du président de la CCSDN, lequel prend en charge les éléments classifiés – nous vous proposerons des amendements à ce sujet, car la suspension de la perquisition ne nous convient pas. Dans ces deux cas, l'intervention de la CCSDN, autorité administrative indépendante qui remplit depuis maintenant dix ans sa mission à la satisfaction des autorités judiciaires et administratives, vise à garantir la confidentialité de la perquisition. Enfin, le projet de loi prévoit la possibilité de classifier des lieux qui, par leur nature même, constitueraient un secret de la défense nationale. Dans ce cas, les perquisitions doivent être précédées d'une déclassification temporaire du lieu, demandée au président de la CCSDN. J'ai bien compris que la création de lieux classifiés soulève des inquiétudes. La liste en sera établie par le Secrétariat général à la défense et à la sécurité nationale et devrait être très limitée, de l'ordre de quelques dizaines. L'Île Longue, le PC Jupiter sont des exemples que l'on peut citer.

Ces dispositions sont le résultat d'un travail qui a duré trois ans. Il s'agit d'un dispositif équilibré, qui protège d'égale manière les magistrats enquêteurs et les intérêts fondamentaux de la Nation. Néanmoins, des amendements vous seront proposés afin de clarifier certaines dispositions et de mieux garantir le bon déroulement des procédures.

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