Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comment aborder l'examen du projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer sans parler de la situation dans les Antilles et à la Réunion ? Adopté en conseil des ministres en juillet 2008, ce texte est examiné par l'Assemblée en avril 2009. Or, entre-temps, le contexte est devenu brûlant et difficile. La crise a révélé le fragile équilibre socio-économique de l'outre-mer français et les lourds problèmes structurels qu'il connaît, parmi lesquels un taux de chômage important, un coût de la vie élevé et un manque de logements sociaux.
Ces déséquilibres structurels ont été exacerbés par la crise mondiale, provoquant dans les collectivités d'outre-mer des mouvements de très grande ampleur qui se sont inscrits dans la durée, d'abord en Guyane, puis en Guadeloupe, à partir du 20 janvier, en Martinique et, enfin, à la Réunion. Le malaise social de nos concitoyens ultramarins est donc général et demande des réponses sur le fond.
Après de longues discussions, le Gouvernement s'est engagé sur un certain nombre de mesures, la plus emblématique d'entre elles étant l'augmentation de 200 euros des bas salaires. Mais, comme le souligne le travail de notre rapporteur, Gaël Yanno, les collectivités d'outre-mer souffrent de handicaps structurels. Elles subissent en effet des contraintes liées à l'éloignement, au climat – je pense notamment aux risques cycloniques –, à l'insularité, aux coûts de transport importants, à une faible intégration territoriale, à une forte dépendance économique, à un taux d'importations élevé et à des marchés locaux étroits.
Les conséquences sociales sont, bien entendu, très lourdes : le niveau de vie y est nettement inférieur à celui de la métropole et de l'Union européenne, le taux de chômage très élevé – atteignant en moyenne 36 % de la population active – et le pouvoir d'achat très dégradé, puisque les revenus sont plus bas et les prix plus élevés qu'en métropole, avec des écarts pouvant aller jusqu'à 35 % pour des produits de première nécessité.
Nous nous devons donc d'être au rendez-vous avec les Antillaises et les Antillais, les Réunionnaises et les Réunionnais. Ce rendez-vous est à la fois historique et politique, et il comporte une forte dimension humaine.
Ce projet de loi est tout d'abord un rendez-vous historique, non seulement parce qu'il s'inscrit dans un contexte social particulier – sur lequel je ne reviendrai pas –, mais aussi parce qu'il s'agit de la cinquième loi relative à l'outre-mer en vingt-trois ans. Les problèmes structurels de ces territoires existent depuis de nombreuses années : les premiers événements en Guadeloupe remontent à 1967. Déjà, à l'époque, les revendications syndicales s'étaient mêlées aux revendications politiques et avaient provoqué une série d'événements sanglants.
Depuis 1986, cinq lois, en comptant celle-ci, auront été discutées et adoptées en vue de promouvoir l'essor économique de l'outre-mer : la loi Pons, en 1986, qui a institué une aide à l'investissement immobilier dans les départements d'outre-mer ; la loi Perben, en 1994, qui visait à favoriser l'insertion professionnelle et l'emploi, en mettant en place des exonérations et des allégements de cotisations sociales ; la loi Paul, en 2000, qui permettait de bénéficier d'une réduction d'impôt en cas d'acquisition d'un bien immobilier neuf dans les DOM-TOM ; enfin, la loi Girardin, en 2003, qui est venue compléter les dispositifs fiscaux et d'allégements de charges.
Le fait que quatre lois aient été votées sous des majorités différentes doit nous conduire, les uns et les autres, à faire de ce projet de loi un rendez-vous réussi, car force est de constater que nous sommes bien loin d'avoir atteint les objectifs initiaux. Il est désormais indispensable de poser très rapidement les fondements d'un nouveau développement économique, seul capable de répondre aux préoccupations sociales et politiques.
Ce projet de loi est également un rendez-vous politique, car il nous rappelle l'importance de l'outre-mer dans le paysage et l'équilibre politique français, voire européen. Grâce à l'outre-mer, en effet, la France est la troisième puissance maritime mondiale, avec une zone économique exclusive couvrant plus de 10 millions de km2. Nous sommes ainsi présents dans tous les océans de la planète et sur tous les continents, à l'exception de l'Arctique.
Grâce à l'outre-mer, la France bénéficie également d'une richesse exceptionnelle en matière de biodiversité et, à l'heure du Grenelle de l'environnement, je ne pouvais manquer de le rappeler.
Grâce à l'outre-mer, la France et, surtout, l'Europe disposent d'une base de lancement de fusées à Kourou, en Guyane. Ce projet, véritable succès de la coopération européenne, est un fleuron de l'industrie aérospatiale.
L'examen de ce projet de loi nous permet ainsi de mesurer l'importance géopolitique et géostratégique de l'outre-mer.
Ce texte est enfin un rendez-vous avec les hommes et les femmes de l'outre-mer, nos compatriotes. Les soulèvements du premier trimestre 2009 ont permis de mesurer l'ampleur de la crise et les inquiétudes légitimes des Antillais et des Réunionnais. Le projet de loi a été modifié pour tenir compte des conséquences de cette crise et répondre à ces inquiétudes. Cette réponse doit être forte et rapide ; ce texte nous fournit la boîte à outils qui nous permettra d'agir.
Le problème de fond est celui de la création de richesses, car, pour l'heure, ces territoires souffrent d'un réel déficit en la matière. Or la viabilité économique et la cohésion sociale n'existeront réellement que si le développement économique est fondé sur des capacités de production propres. Cet objectif nécessite de promouvoir les principes de responsabilité, de liberté d'entreprendre et de croissance endogène, mais il suppose également une action publique efficace.
Le groupe Nouveau Centre est avant tout attaché au principe de l'économie de marché régulée, dans laquelle l'État détermine le cadre des initiatives économiques. À ce titre, nous sommes favorables à un renforcement du rôle de l'Autorité de la concurrence, pour lutter contre les monopoles et les situations de rente et assurer une baisse significative des prix.
Nous estimons que ce texte va dans le bon sens. Il reprend, d'ailleurs, trois objectifs que nous défendons depuis plusieurs années.
Tout d'abord, il met l'accent sur le nécessaire développement économique endogène de l'outre-mer. Essentiellement tourné vers les entreprises ultramarines, il rejoint nos ambitions. Il nous semble en effet indispensable de mettre en place les conditions d'un développement économique plus prospère, qui permette de créer des emplois et d'accompagner les entreprises locales, y compris les plus petites d'entre elles. Pour ce faire, il faut remettre les entreprises et les entrepreneurs au coeur de nos préoccupations et de notre action. Ainsi, la principale mesure du projet, créant des zones franches d'activités où les entreprises pourront bénéficier d'abattements à hauteur de 50 % sur les bases de l'impôt sur les bénéfices, de la taxe professionnelle et de la taxe foncière sur les propriétés bâties, va dans le bon sens. Grâce au travail de la commission, un certain nombre de secteurs prioritaires ont été identifiés, qui seront éligibles au régime d'abattement de 80 % – et je tiens à souligner, monsieur le secrétaire d'État, la capacité d'écoute dont vous avez fait preuve lorsque vous avez présenté ces dispositions en commission.
Ce sera notamment le cas des exploitations exerçant leur activité dans la recherche et développement et les nouvelles technologies, dans le tourisme et également dans les énergies renouvelables, pour les entreprises de Martinique et de Guadeloupe ; dans le tourisme, l'agronutrition ou les énergies renouvelables, pour les exploitations situées à la Réunion. Néanmoins, nous tenons à rappeler que nous ne croyons pas à l'utilité d'une exonération à 100 % sur le foncier non bâti, car cette mesure aurait, selon nous, tendance à favoriser plus encore le propriétaire au détriment de l'exploitant.
Ce texte répond à un second objectif : le recentrage des aides sur le logement social. Nous nous devions de réagir, car les dispositifs fiscaux antérieurs avaient été porteurs d'effets secondaires dommageables. La défiscalisation, en favorisant le logement libre, a, en effet, porté un sérieux préjudice au logement social. Ainsi, les entreprises de construction ont principalement choisi les opérations en défiscalisation, plus rémunératrices, et le prix du foncier ayant fortement augmenté grâce à la défiscalisation, les terrains sont devenus indisponibles pour les opérations de logement social. Les demandes en logements sociaux ont alors explosé ces dernières années pour dépasser les 60 000. Ainsi, le groupe Nouveau Centre se félicite-t-il que soit ajouté aux crédits budgétaires existants un nouveau mode de financement permettant aux sociétés anonymes de HLM et aux sociétés anonymes coopératives de HLM de bénéficier du dispositif de défiscalisation des logements sociaux.
Le groupe Nouveau Centre se satisfait, enfin, de la possibilité offerte à l'État de réglementer les prix des produits de première nécessité dans les collectivités territoriales d'outre-mer où il a compétence pour le faire. C'est, pour nous, le seul moyen à court terme de répondre aux grandes difficultés que connaît le pouvoir d'achat outre-mer, conjuguant prix élevés et revenus faibles. Néanmoins, nous ne devons pas oublier que la liberté de fixation des prix dans le domaine de l'économie de marché doit rester la règle à moyen et long terme.
Le groupe Nouveau Centre souhaite néanmoins appeler l'attention du Gouvernement sur quelques points majeurs.
Premièrement, nous nous opposons fermement à l'amendement visant à créer une taxe supplémentaire de 10 % sur les jeux et les courses pour les parieurs ultramarins. Celui-ci nous semble totalement contraire au principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques. Une inégalité de traitement serait ainsi créée entre les parieurs métropolitains et leurs homologues d'outre-mer.
Deuxièmement, le groupe Nouveau Centre souhaite rappeler encore une fois l'importance d'un développement économique propre pour l'outre-mer. Sans cela, l'outre-mer se retrouvera sous perfusion et sa pérennité à long terme ne sera pas assurée. Monsieur le secrétaire d'État, nous devrons procéder à l'évolution de ce cinquième texte, avant d'en bâtir un nouveau.
Troisièmement, nous souhaitons assister au développement et à la délégation de compétences de l'État vers les collectivités d'outre-mer sur le modèle de ce qui a été fait en Guadeloupe, s'agissant de la maîtrise de la demande en énergie.
Quatrièmement, nous souhaitons que toutes les collectivités territoriales – régions, notamment, et départements – s'impliquent totalement dans le développement économique des territoires et départements d'outre-mer. La loi leur a donné cette compétence ; elles doivent l'exercer.
Cinquièmement, nous avons confiance dans nos compatriotes ultramarins.
Chacun l'a compris, le développement de l'outre-mer revêt un enjeu particulier. Il s'inscrit dans une histoire complexe et spécifique, dans un climat social et économique difficile, mais aussi dans la volonté de bâtir un avenir prospère et prometteur grâce aux atouts et à la complémentarité entre l'outre-mer et la métropole.
C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre soutient ce projet de loi dans son esprit et sa lettre et encourage l'action difficile, mais juste, je tiens à le dire, que conduit le secrétaire d'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)