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Intervention de Louis Giscard d'Estaing

Réunion du 14 octobre 2008 à 23h15
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLouis Giscard d'Estaing, Rapporteur spécial :

Le programme 178, Préparation et emploi des forces, est le plus important de la mission Défense, puisqu'il recouvre tous ses aspects humains : le recrutement, les rémunérations et les charges sociales, mais aussi l'entraînement, la projection, la disponibilité des forces, ainsi que les opérations extérieures. Nous ne disposons pas, pour le moment, d'un « bleu » budgétaire en bonne et due forme, et nous subissons des contraintes de calendrier très délicates.

En 2009, les crédits du programme Préparation et emploi des forces bénéficieront d'une hausse substantielle : les autorisations d'engagement s'élèveront à 22,4 milliards d'euros, en hausse de 6,3 %. Les crédits de paiement seront de 21,8 milliards d'euros, en hausse de 2,4 %. Ces augmentations témoignent d'une volonté d'améliorer la condition matérielle et l'entraînement des militaires, ainsi que la disponibilité des matériels. Il est vrai que la bonne exécution du budget 2009 dépendra de celle du budget 2008. Aucune annulation de crédits n'a été décidée à ce jour, ce qui est plutôt encourageant.

En application du plan de modernisation présenté le 24 juillet dernier par le Premier ministre, pour faire suite au Livre Blanc de la défense, des réductions d'effectifs auront lieu dès l'année prochaine. D'ici à 2014, 82 unités seront ainsi supprimées et 33 autres transférées. Dans le même temps, un renforcement opérationnel de 65 régiments et bases militaires est prévu afin d'atteindre la masse critique.

L'armée de terre sera la première concernée : ses effectifs se réduiront de 26 500 hommes, et 20 régiments ou bataillons devront disparaître. L'armée de l'air perdra 11 bases aériennes, notamment celles de Colmar, de Reims, de Metz, de Cambrai et de Toulouse. La marine perdra enfin 6 000 hommes, mais un seul de ses sites d'importance fermera, à savoir la base aéronavale de Nîmes-Garons.

En 2014, la défense aérienne de la France reposera sur une flotte de 350 avions de combat, dont 270 en ligne, armée de l'air et forces aéronavales confondues. Ce parc relativement homogène sera constitué de Rafale F3 et de Mirage 2000D.

Je l'ai dit, 65 unités bénéficieront d'un renforcement opérationnel : 80 bases de défense, appelées à regrouper plusieurs unités dont les fonctions de soutien seront mutualisées, doivent être en effet être constituées d'ici à 2014. Bon nombre de régiments d'artillerie seront dissous, mais d'autres seront renforcés, et certaines unités de fantassins recevront le renfort de compagnies de combat. Ces restructurations, qui seront réalisées entre 2009 et 2014, devraient aboutir à une suppression totale de 54 000 postes.

En contrepartie, la défense avait obtenu de bénéficier directement du produit des cessions d'implantations devenues vacantes. Toutefois, afin de dédommager les collectivités qui perdront des unités militaires, il est probable que nombre de biens immobiliers seront cédés pour un euro symbolique, ce qui réduira les rentrées financières escomptées.

Je souhaite maintenant appeler l'attention de la Commission sur deux sujets de préoccupations graves : les OPEX, à savoir les opérations extérieures menées par la France, et le maintien en condition opérationnelle du matériel.

Depuis près de deux décennies, la France doit gérer en permanence la participation de plus de 10 000 militaires à des OPEX, mais aussi le pré-positionnement d'environ 8 000 soldats dans des pays amis.

Les effectifs participant aux OPEX fluctuent naturellement en fonction du contexte international. Ainsi, alors que l'évolution de la situation en Bosnie-Herzégovine avait permis le départ de la quasi-totalité des troupes françaises, la déclaration d'indépendance du Kosovo a ravivé les tensions et requis un léger renforcement du dispositif dans ce pays.

En outre, la création de l'EUFOR au Tchad et le renforcement des effectifs présents en Afghanistan n'ont pas été entièrement compensés par la réduction de la présence militaire française en Côte d'Ivoire. Il en résulte une hausse de 5,8 % des effectifs déployés en OPEX, et le coût de ces opérations a encore augmenté de 167,3 millions d'euros en 2008.

Le projet de budget pour 2009 prévoit 525 millions de crédits pour les OPEX – 510 millions pour la défense et 15 pour la sécurité –, contre 475 millions en 2008 et 375 en 2007. Déjà en hausse de 100 millions en 2008, la budgétisation des OPEX augmentera encore de 50 millions en 2009.

Les demandes réitérées de notre commission pour une plus grande sincérité dans ce domaine ont donc été entendues : les sommes inscrites sont en augmentation constante depuis 2003, année où nous sommes partis de zéro.

Les dépenses réelles ont toutefois continué à augmenter au cours des dernières années : elles sont passées de 685 millions d'euros en 2007 à 852 millions en 2008. Les crédits inscrits en loi de finances ne correspondent donc qu'à la moitié des dépenses réelles.

Pour maîtriser davantage cette charge financière, qui pourrait atteindre un milliard d'euros en 2009, j'appelle l'attention de la commission sur la nécessité de faire participer d'autres pays à certaines OPEX auxquelles la France est partie prenante, mais qui sont menées sous mandat international.

En Côte d'Ivoire, où je me suis rendu en compagnie de M. Jean-Michel Fourgous, il est grand temps d'impliquer davantage les pays de l'Union africaine. Nous devons les sensibiliser à la situation de la Côte d'Ivoire et les placer face à leurs responsabilités. Des troupes africaines participent déjà à l'ONUCI, l'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire, mais l'essentiel de la préparation et de l'organisation des élections est assuré par le dispositif militaire français.

Au Tchad et au Darfour, où une opération européenne est en cours, il est également nécessaire de trouver d'autres relais parmi les pays de l'Union européenne. La France assure aujourd'hui la quasi-totalité d'une logistique aérienne particulièrement coûteuse, alors que les opérations menées sur le terrain s'apparentent parfois plus à une oeuvre humanitaire qu'à une opération militaire nécessitant des soldats aguerris.

Il faudra en outre mieux appréhender les possibilités de remboursement des opérations sous mandat international, sujet que nous aurons l'occasion d'examiner à l'occasion d'une mission d'évaluation et de contrôle. Au Liban, par exemple, notre participation donne lieu à un remboursement, mais sous une forme et selon des critères qui justifieraient un examen approfondi.

Notre dispositif de forces pré-positionnées à l'étranger va être profondément remanié pour des raisons d'économies.

Les implantations françaises en Allemagne seront réduites. Le 16e bataillon de chasseurs, actuellement basé à Saarburg, sera transféré à Illkirch dans le Bas-Rhin. Il reste à décider de l'avenir du 110e régiment d'infanterie et du 3e régiment de hussards, qui appartiennent à la brigade franco-allemande. Des discussions sont en cours avec l'Allemagne.

La présence militaire française en Afrique, qui s'appuie sur quatre bases, au Sénégal, en Côte d'Ivoire, au Gabon et à Djibouti, fait également l'objet d'une importante réorientation. D'autres effectifs étant déployés sur place dans le cadre de l'opération Licorne, les 484 soldats du 43e bataillon d'infanterie de marine, présents à Abidjan depuis l'indépendance de ce pays, sont en cours de rapatriement depuis cette année, et n'apparaissent plus sur les effectifs des forces pré-positionnées. La dissolution de cette unité interviendra en 2009, et le pays devrait être totalement évacué lorsque sa situation politique sera apaisée. Ce sera la fin d'un siècle et demi de présence militaire française en Côte d'Ivoire.

La France ne conserve donc pour l'instant que deux des trois bases situées sur la façade atlantique de l'Afrique. Celle de Dakar permet de disposer d'une ouverture sur l'Atlantique sud, d'un contact avec l'Afrique sahélienne et d'un relais avec l'Amérique latine ; celle du Gabon est proche des ressources minières et pétrolifères de l'Afrique centrale et du Golfe de Guinée ; quant à la base de Djibouti, sur la côte est du continent, elle se trouve à proximité d'un axe essentiel du commerce maritime mondial et des champs pétrolifères du Moyen-Orient.

Suivant les préconisations du Livre blanc, une de ces trois implantations devrait disparaître, et les effectifs des deux bases restantes devraient être notablement réduits.

Compte tenu du contexte géopolitique, la pérennité de l'implantation française à Djibouti paraissait assurée – jusqu'à ce qu'il soit décidé d'installer une structure militaire permanente aux Emirats arabes unis, c'est-à-dire dans la même zone géographique. Il faudra donc comparer le coût élevé de l'implantation à Djibouti avec celui de la nouvelle base d'Abou Dhabi. Bien que j'aie reçu moins de réponses classifiées que mon collègue Jean-Michel Fourgous, je ne peux pas vous donner d'informations sur ce point. Les éléments qui m'ont été fournis sont en effet classifiés.

J'en viens à la disponibilité du matériel, qui conditionne le caractère opérationnel de nos forces.

La marine est la seule arme qui dispose d'un bon taux de disponibilité, compris entre 70 et 90 %, même si celui des sous-marins nucléaires d'attaque est limité à 40 %. Mais notre porte-avions est également indisponible à 100 %, puisqu'il est actuellement immobilisé pour quinze mois.

La situation est plus délicate pour l'armée de terre, compte tenu du vieillissement de certains matériels. Ainsi, le taux de disponibilité du véhicule blindé AMX-10 RC ne dépasse pas 53 %, et celui des hélicoptères Puma et Gazelle va de 45 à 70 %.

Plus préoccupants encore sont les problèmes techniques persistants du char Leclerc, qui limitent sa disponibilité à 33 % du parc. Cela étant, une partie des chars a été volontairement mise « sous cocon », et les douze chars déployés au Sud Liban fonctionnent très bien. Le problème est que les chars Leclerc, utiles pour démontrer que nous sommes en mesure d'agir, ne peuvent pas traverser les villages sans risquer de dégrader la voirie, à moins d'installer des patins de caoutchouc dont la durée de vie ne dépasse pas trois semaines, car les pistes situées le long de la frontière sont en terre…

La disponibilité du Rafale, en service depuis maintenant deux ans, s'est en revanche sensiblement améliorée : elle est passée de 45 % en 2006 à 50 % en 2007 et 65 % en 2008. Une formule satisfaisante de gestion des pièces détachées a en effet été trouvée avec le fournisseur.

En revanche, la situation devient critique en matière de transport et de ravitaillement, pourtant indispensables pour le soutien de nos forces sur des théâtres éloignés des voies maritimes, comme l'Afghanistan et le Tchad. Ainsi, les Hercules C130 ne sont disponibles qu'à 60 % et les Transall à 52 %. Le nombre de ces appareils se réduit également du fait du vieillissement du parc. Par conséquent, il faudra impérativement adopter une solution de transition en attendant la livraison de l'A400M.

Le projet de budget pour 2009 devrait permettre de relever trois défis majeurs : mettre en oeuvre la première annuité du plan de modernisation de la défense ; améliorer l'entraînement de nos forces, dont l'actualité nous a cruellement rappelé à quel point elle était nécessaire malgré les problèmes de disponibilité des matériels et la hausse des prix des carburants ; améliorer enfin le maintien en condition opérationnelle du matériel. Sur ce dernier point, les problèmes de jeunesse de certains matériels commencent à s'estomper, mais les retards des programmes d'hélicoptères de transport NH90 et d'avions A400M conduiront à maintenir en activité plus longtemps que prévu des Puma et des Transall, dont certains ont déjà plus de 35 ans de service.

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