Tout d'abord, je dois préciser que le taux de réponses classifiées à mon questionnaire budgétaire atteint près de 50 %, contre 35 % environ les années précédentes. Cette contrainte restreint singulièrement le champ de notre examen.
Le budget de la mission Défense s'élèvera à 47,8 milliards d'euros d'autorisations d'engagements et à 37,4 milliards de crédits de paiement en 2009. La hausse inhabituelle des autorisations d'engagement est destinée à faciliter les commandes groupées de matériels, afin de bénéficier de meilleurs prix.
La mission met en oeuvre un plan de modernisation qui se traduira par la fermeture de 82 unités, par le transfert de 33 autres et par la suppression totale de 54 000 emplois militaires et civils d'ici à 2014. C'est un effort sans équivalent dans les autres administrations françaises.
À ce jour, la mission n'a subi aucune annulation de crédits, ce qui n'était pas arrivé depuis longtemps, car elle est souvent traitée comme une variable d'ajustement budgétaire. Le niveau des reports de charges - 2,6 milliards d'euros - tend toutefois à assombrir ce tableau.
Parmi les éléments positifs, il faut noter les efforts consacrés au renseignement : le budget du programme Environnement et prospective de la politique de défense s'élèvera à 1,8 milliard d'euros en autorisations d'engagements, soit une hausse de 10%, qui témoigne du volontarisme du chef de l'Etat dans ce domaine. Dans le même temps, le niveau des crédits de paiement sera porté à 1,7 milliard d'euros.
Cette hausse profite à l'ensemble du programme, mais particulièrement à l'action Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France : ses moyens augmenteront de 23 % en AE et de 8 % en CP.
Les études amont bénéficient également d'une hausse de crédits de près de 3 %. Le soutien aux exportations et la diplomatie de défense reçoivent également un coup de pouce.
Le renseignement est essentiel, car il ne sert à rien d'avoir la meilleure armée du monde si l'état-major est incapable de savoir ce qui se passe de l'autre côté de la montagne. Nous avons constaté cet été encore que l'absence de renseignement pouvait être lourde de conséquences… En quelques mois, la France a été prise en défaut à trois reprises : au Tchad en février, en Somalie pendant l'affaire du Ponant, puis en août en Afghanistan. Dans les trois cas, aucun moyen aérien n'était disponible pour fournir au centre de commandement des images en temps réel de la situation.
La location dans l'urgence de drones d'origine israélienne révèle bien nos manques capacitaires. Le système SDTI, seul drone récent et aujourd'hui opérationnel, ne peut pas encore être déployé simultanément sur deux théâtres d'opérations : il est attendu à l'automne au Kosovo, mais son déploiement en Afghanistan ne semble toujours pas être à l'ordre du jour.
Faute de crédits suffisants, la direction du renseignement militaire a d'ailleurs renoncé au drone HALE - haute altitude longue endurance - pour se contenter du programme MALE - moyenne altitude longue endurance -, dont les retards s'accumulent. L'armée a reconnu que les drones avaient été les principales victimes de la loi de programmation militaire 2003-2008. Pendant la crise tchadienne de février, nos forces n'ont pu disposer que d'un Transall du Commandement des opérations spéciales pour obtenir des images en temps réel.
Chacun des vecteurs – satellites, drones et avions – est pourtant nécessaire pour que l'on dispose de l'ensemble des capteurs. J'insiste donc sur la complémentarité des différents programmes, qui doivent tous être menés rapidement à terme. C'est d'autant plus nécessaire que le renseignement n'est pas seulement une composante essentielle de la stratégie militaire : c'est également la meilleure arme contre le terrorisme.
Il faut enfin rappeler l'importance de l'intelligence économique : dans la guerre économique mondiale, nous devons assurer la sécurité de nos entreprises. Il nous reste des efforts à faire pour égaler nos voisins anglo-saxons dans ce domaine.
J'en viens au programme Équipement des forces, dont les crédits s'élèveront à 20,9 milliards d'euros en AE et à 12,2 milliards en CP. L'augmentation des crédits prévus en 2009 permettra des commandes groupées sur toute la durée de la loi de programmation militaire 2009-2014, afin d'obtenir de meilleurs prix auprès des industriels.
Nous devrons veiller à ce que les crédits de paiement correspondants soient bien inscrits dans les budgets des années à venir. Si ce n'était pas le cas, le niveau exceptionnel des autorisations d'engagement perdrait sa crédibilité.
L'année 2009 sera marquée par des niveaux de commandes et de livraisons de matériel rarement atteints.
Le système de forces Dissuasion recevra une enveloppe de 2,9 milliards d'euros, qui permettra de poursuivre la modernisation des différentes composantes de la dissuasion nucléaire, grâce aux missiles M51, dont un troisième et dernier lot sera commandé, et grâce aux missiles ASMPA, en cours de production. La construction du SNLE-NG le Terrible, qui pourra directement utiliser le missile M51, sera également achevée ; ses essais à la mer devraient débuter prochainement. Le SNLE-NG Le Vigilant sera par ailleurs adapté au missile M51, et le Mirage 2000N sera mis au standard K3.
Le système de forces Engagement et combat sera doté de 11,9 milliards d'euros.
Dans le domaine aérien, la montée en puissance des escadrons Rafale se poursuivra avec la livraison de 14 appareils. Soixante autres exemplaires du Rafale seront également commandés, pour un montant de 4,7 milliards d'euros, ainsi que 1 000 armements air-sol modulaires.
Dans le domaine naval, seront commandés un deuxième sous-marin nucléaire d'attaque Barracuda, pour 1,4 milliard d'euros, de même que trois frégates multi-missions, pour 2,3 milliards, et 150 missiles de croisière navals seront commandés.
Dans le domaine terrestre, nos forces recevront 8 hélicoptères de combat Tigre ; les livraisons prévues de véhicules blindés de combat d'infanterie et celles d'équipements Félin pour fantassin permettront respectivement d'équiper un groupe tactique interarmes, et deux régiments.
Le système de forces Commandement et maîtrise de l'information bénéficiera d'une enveloppe de 2,1 milliards.
La priorité accordée à la fonction stratégique Connaissance et anticipation se traduit par le renforcement des moyens d'observation spatiale, avec la préparation du programme MUSIS, qui devrait être lancée en 2010. Sont aussi renforcés les moyens de reconnaissance et de surveillance aérienne, ainsi que des moyens de renseignement d'origine électromagnétique, notamment grâce à la rénovation des deux avions Transall. La numérisation des forces se poursuivra et les moyens de communication par satellite seront renforcés.
Le système de forces Projection mobilité soutien recevra 1,3 milliard d'euros de crédits. Le financement du programme A400M, malheureusement en retard, se poursuivra ; le premier hélicoptère NH90 sera livré à la marine nationale, et 250 porteurs polyvalents terrestres seront commandés.
Le système de forces Protection sauvegarde bénéficiera enfin d'une enveloppe de 474 millions d'euros. La marine nationale recevra une seconde frégate anti-aérienne Horizon, avec son système de défense sol-air. Il est également prévu de livrer trois systèmes de défense sol-air à l'armée de l'air, ainsi que 30 missiles air-air MICA. Un programme de détection d'agents biologiques sera également lancé.
La liste des équipements qui devraient être soit commandés soit livrés en 2009 est donc fort longue. Mais nous devrons être vigilants sur la date de livraison de l'Airbus A400M, encore inconnue.
Ce budget va dans le bon sens. Il tendra notamment à améliorer le ratio entre les dépenses opérationnelles et les dépenses administratives, dont la part respective est aujourd'hui de 40 et 60 % du total. L'objectif est d'inverser ce ratio pour nous rapprocher du modèle anglo-saxon.
Les crédits ouverts pour 2009 contribueront en outre à renforcer la compétitivité de nos industries de défense. Le marché mondial de la sécurité représente 250 milliards d'euros par an, et croît de 10 % par an. Il faut donc donner un coup de pouce à nos industriels : nous devons les aider à accroître leurs parts de marché. L'emploi et la richesse nationale y gagneront.
Ce budget permet également de mieux nous protéger et de préparer notre pays aux nouvelles menaces - catastrophes naturelles ou encore terrorisme. Dans notre monde plein de surprises et d'incertitudes, c'est un engagement des plus hautes autorités de l'État.
La modernisation de notre armée dépend enfin de sa capacité d'innovation. Celle-ci alimentant souvent la recherche civile, la défense contribue à la croissance. En soutenant la recherche-développement militaire, nous soutenons donc indirectement l'ensemble de notre économie.
La modernisation de l'armée dépend également de la conclusion de partenariats ambitieux et des progrès de l'externalisation, qui a déjà fait ses preuves. Je pense notamment à la formation.
Au total, ce budget est une première étape de l'ambitieuse loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014, qui permettra à notre armée - aujourd'hui la sixième au monde - de conserver son rang.