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Intervention de général d'armée Jean-Louis Georgelin

Réunion du 10 septembre 2008 à 10h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

général d'armée Jean-Louis Georgelin :

Monsieur le député, je partage totalement vos propos !

Je voudrais dire à M. Remiller qu'il n'y a pas de thèse officielle, mais seulement une vérité, celle des faits. J'ai demandé au colonel Paulet, ancien commandant du 2e régiment étranger de parachutistes de reconstituer cet accrochage dans son ensemble. Pour cela, il a interrogé tous les blessés, notamment le chef de section – je les ai moi-même rencontrés. Après avoir confronté toutes les informations, nous avons reconstitué les événements, notamment les conditions de la mort de nos neuf camarades – le dixième étant décédé dans un accident de VAB. À Kaboul, les journalistes se sont précipités sur les blessés et chacun d'entre eux a raconté ce qu'il avait perçu sur le terrain, sans avoir une vision d'ensemble. Vous avez d'ailleurs remarqué que des informations contradictoires nous étaient parvenues. Je comprends que l'on puisse douter des déclarations du commandement, mais j'ai trouvé regrettable que nous soyons suspectés d'emblée, ce qui n'était pas loin d'une accusation. Je sais bien que c'est la règle de la démocratie et de la liberté de la presse, et je prends cela comme une donnée de terrain. Mais il n'y a pas de thèse officielle, qui aurait été inventée comme au temps du Second Empire et qui contredirait ce qu'ont déclaré les blessés.

S'agissant des missiles Stinger, si les talibans en possèdent ils ne les utilisent pas. La coalition possède la suprématie aérienne, mais cela ne signifie pas que les hélicoptères soient la panacée : les talibans en ont abattu plusieurs. Au cours des dix derniers jours, nos hélicoptères ont subi six agressions : tirs d'armes légères ou de RPG-7. Des hélicoptères américains ont été détruits au début de l'OEF en 2002-2003, occasionnant plusieurs dizaines de victimes, notamment au cours de missions de reconnaissance. Il est évident que si nous avions mis en place des hélicoptères le 18 août et que ceux-ci avaient été abattus, les mêmes qui nous critiquent pour avoir conduit une reconnaissance à pied auraient trouvé cela incompréhensible. À ma connaissance, les talibans n'ont pas d'armement du type que vous évoquez, et heureusement, car leurs capacités tactiques sont tout à fait remarquables.

L'un des blessés nous a confié qu'il attendait une intervention des A-10 dès leur arrivée. Mais si nous l'avions fait, les tirs auraient été fratricides. À cet égard, je rappelle que l'examen des corps de nos soldats a permis d'écarter l'hypothèse de tir fratricide !

J'en viens aux questions sur les équipements ; si vous le permettez, je vais les regrouper, tout en essayant de répondre aussi précisément que possible.

Je souscris tout à fait à la dernière partie de votre intervention, monsieur le député Viollet. On peut rêver que tout bataillon français soit déployé avec ses hélicoptères, ses drones et sa batterie propres. Hélas, l'armée française n'est pas taillée de telle sorte qu'un équipement aussi riche soit envisageable. En revanche, nous faisons partie d'une coalition, ce qui fait que sur le terrain, il y a mutualisation des moyens ; dans l'affaire d'Uzbeen, nous avons ainsi pu bénéficier d'avions, d'hélicoptères et de drones de la coalition. Ainsi, dire que nous sommes dépourvus de drones est vrai à l'échelle du contingent français, mais pas à l'échelle de la coalition. Le colonel Aragones, qui commande remarquablement son bataillon dans la vallée de Kapisa, réalise toutes ses opérations avec des drones. Toutefois, ce n'est pas une excuse au manque de moyens.

S'agissant précisément des drones, je réclame depuis longtemps que tous les détachements français partant sur le terrain en disposent. J'en avais demandé pour le Liban ; des considérations diplomatiques ont fait que nous avons dû les retirer. Dans les réflexions en cours, cette question est au premier plan. Nous disposons de systèmes de drones tactiques intérimaires (SDTI), de systèmes intérimaires de drones MALE (SIDM) – encore qu'ils soient en phase d'acquisition; je fais tout mon possible pour que les délais administratifs de mise en service soient réduits au minimum –, et de drones de reconnaissance au contact (DRAC), dont nous avions quelques unités au Kosovo. Des propositions seront donc faites en ce sens. Cependant, ne croyons pas que cela résoudra tous les problèmes : les opérations de guerre ne sont ni un modèle mathématique, ni un jeu vidéo. Elle ne se réduit pas à reconnaître le terrain, déployer des drones, repérer les talibans et leur envoyer des avions les tuer ! Nous ne devons pas sous estimer l'adversaire ! Il trouvera des parades !

À toutes les conférences de génération de forces, l'OTAN manque d'hélicoptères, parce que les nations ne veulent pas en donner. Nous devons nous demander quel effort nous pouvons faire en ce domaine – sachant que, là encore, ce n'est pas la parade absolue. Quant aux Tigre, dans l'état actuel de mes informations, leur déploiement opérationnel imposerait des délais plus difficilement compressibles que ceux des SIDM.

S'agissant du renseignement, celui-ci passe d'abord par des capteurs humains : tous les hommes sur le terrain sont des agents de renseignement, et c'est au chef d'agréger leurs informations. Toutefois, nous devons chercher à augmenter encore nos capacités, grâce notamment à de nouveaux équipements – ce que je proposerai. Nous devons en outre utiliser des drones, les satellites n'ayant pas toujours la souplesse nécessaire pour obtenir les renseignements adéquats.

S'agissant de l'équipement des soldats sur leurs fonds propres, il s'agit d'une faute de commandement : un chef militaire n'a pas le droit de laisser un soldat qui est sous ses ordres acheter un équipement au prétexte qu'il le trouve meilleur que celui que lui procure la République. Le commandement doit imposer aux soldats le port de l'uniforme, au sens large, ce qui inclut l'équipement : il s'agit, à mon sens, d'une des bases de la discipline. Aussi ai-je demandé au chef d'état-major de l'armée de terre de faire cesser ces achats à titre privé. S'il existe un équipement jugé intéressant, le commandement doit en tenir compte.

C'est en particulier le cas des moyens de renseignement technique ou des gilets pare-balles. Le chef d'état-major de l'armée de terre a pris le problème à bras-le-corps : toutes les troupes seront équipées du gilet S4. Soit dit en passant, ce modèle présente d'autres inconvénients par rapport au précédent.

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