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Intervention de Patrick Beaudouin

Réunion du 22 octobre 2008 à 12h15
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Beaudouin, rapporteur pour avis :

Le projet de loi de finances pour 2009 s'inscrit dans un contexte particulier.

Tout d'abord, celui de la parution du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Ce dernier traduit la consolidation du lien entre l'armée et la Nation de deux façons. D'une part, il réaffirme la pertinence de la journée d'appel et de préparation à la défense (JAPD). Il en élargit toutefois le contenu pour tenir compte de l'imbrication contemporaine entre sécurité extérieure et sécurité intérieure. En effet, cet enrichissement doit permettre aux jeunes générations de prendre conscience du caractère diffus des menaces pesant sur notre société. D'autre part, il préconise la mise en place d'un véritable esprit de défense par la convergence de diverses politiques publiques. Une série de propositions vise ainsi à pérenniser l'adhésion de la Nation par le biais de la formation des jeunes générations et des élus locaux, du développement des recherches universitaires ou encore par l'instauration d'une « mémoire nationale partagée ».

Le projet s'inscrit ensuite dans le processus de révision générale des politiques publiques. Le programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » est concerné par la mise en place de cette démarche de modernisation de manière directe ou indirecte : directement au travers de la réorganisation de la chaîne du service national, indirectement au travers des conséquences des fermetures et transferts d'unités sur l'organisation logistique de la JAPD.

Je souhaiterais montrer que le budget pour 2009 procède d'une logique gestionnaire qui ne me semble pas à la hauteur du défi lancé par le Livre blanc faute de lisibilité politique. Ce constat établi, je soulignerai néanmoins l'effort soutenu du ministère en faveur de la politique mémorielle et patrimoniale qui ne relève plus du programme 167 mais n'en apparait pas moins constitutive du lien entre l'armée et la Nation.

Tel que proposé, le projet de loi de finances m'invite à une attitude contrastée. Dans mon avis rendu l'année dernière, j'avais notamment fait part de mon insatisfaction quant au périmètre restreint de ce programme. Le projet de loi de finances pour 2009 ne répond pas du tout à ces attentes. La lisibilité du lien entre la Nation et son armée est affectée par une dispersion des crédits même si l'on peut reconnaître que l'effort budgétaire demeure soutenu. Ainsi, le programme 167 ne comprend plus le budget des organismes tels que la DICoD, l'ECPAD, le SHD et les 3 musées. Comment édifier une culture de défense sans référence à son patrimoine et son histoire ?

En effet, la structure budgétaire du programme « Liens entre la Nation et son armée » a été modifiée, ce que je regrette. Désormais, le programme couvre deux domaines d'activités : l'organisation de la journée d'appel de préparation à la défense (JAPD) et la politique de mémoire. L'action 1 « journée d'appel et de préparation à la défense » regroupe les moyens de la direction du service national (DSN) : elle concentre désormais 96 % des crédits de paiement, soit 156,7 millions d'euros et mobilise la totalité des dépenses de personnels du programme, correspondant à 2 587 équivalents temps plein. L'action 2 « Politique de mémoire » regroupe 4 % des crédits soit 6,8 millions d'euros. Les anciennes actions 3 et 4, respectivement « Promotion et valorisation du patrimoine culturel » et « Communication » sont transférées à compter du 1er janvier 2009 vers le programme 212. Cette modification emporte deux conséquences. D'une part, elle ne favorise pas la lisibilité de la politique publique du lien armée-Nation. L'année dernière, j'avais notamment souligné que certaines des actions voyaient échapper une part conséquente des crédits relevant de leur champ de compétence. Le projet de loi de finances pour 2009 accentue cependant la dispersion des crédits : la politique de mémoire voit désormais ses crédits répartis entre trois programmes, les programmes 167, 169 et 212 et deux missions, la mission « Défense » et la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». D'autre part, la réduction du périmètre du programme 167 à l'action de la seule DSN associée à la disparition programmée de la Direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale, qui relève du programme 169, limite le droit d'amendement des parlementaires. Dès lors, il n'est guère possible d'opérer le moindre financement de mesures en faveur du monde combattant par redéploiement de crédits au sein de la mission sans fragiliser l'édifice existant.

Malgré tout, je souligne, non sans satisfaction, que l'effort budgétaire demeure soutenu dans un contexte de réformes volontaristes. À périmètre constant, le budget relatif au lien armée-Nation devrait être consolidé : 258,6 millions d'euros en 2009 contre 257, 8 millions d'euros en 2008. La sanctuarisation de la JAPD en constitue le premier aspect. Le budget qui lui est consacré devrait permettre à la direction du service national de maintenir son activité. S'agissant de la politique de mémoire, la diminution constatée (- 2,2 millions d'euros) s'explique par des mesures de transfert au profit d'autres programmes ou par le caractère non pérenne de dotations. Elle ne remet pas en cause la poursuite du programme de restauration des nécropoles nationales ni le soutien des collectivités territoriales dans l'aménagement et la valorisation touristique des sites de mémoire au moyen des contrats de plan État-régions. S'agissant enfin des crédits qui ne relèvent plus du programme 167, je me félicite du maintien des efforts entrepris pour valoriser le patrimoine mémoriel et culturel : je pense notamment à la poursuite du plan de numérisation des archives sur lequel je reviendrai. Tous ces efforts s'inscrivent enfin dans le cadre de la modernisation des politiques publiques. La direction du service national ambitionne ainsi de resserrer son dispositif territorial tout en continuant à accueillir 780 000 jeunes au titre de la JAPD. Elle engage en outre une réflexion sur l'élargissement de son contenu dans le droit fil des préconisations du Livre blanc.

J'en viens maintenant, mes chers collègues, à mon second point.

La réduction du programme 167 à la portion congrue ne laisse pas d'inquiéter sur l'importance accordée au lien armée-Nation.

Au travers de mes auditions, j'ai pu constater à quel point la valorisation du patrimoine constitue un enjeu d'ouverture au public et d'appropriation de l'histoire. Tous les acteurs de la mémoire que j'ai rencontrés me l'ont confirmé. Prenons l'exemple du service historique de la défense situé au château de Vincennes. La numérisation des archives et leur accès en ligne constituent désormais une modalité d'accès à distance pour le public. Il faut souligner le travail du service historique accompli en lien avec la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives : après l'important projet du site Internet « Mémoire des hommes », la DMPA envisage, dans le cadre des événements commémoratifs de la fin de la Première Guerre mondiale, de mettre en ligne la base des journaux de marches et opérations des unités engagées dans ce conflit. Ces orientations complètent les investissements entrepris par l'ECPAD qui est devenu un acteur incontournable de l'actualité de nos armées – suivi des événements du 18 août dernier – et de la production audiovisuelle. Ses travaux de numérisation des fonds ont désormais acquis une réelle visibilité puisque les courts-métrages qu'il réalise sont aujourd'hui retransmis au cours des commémorations En conséquence, nous devons veiller à ce que cet effort soit soutenu.

En outre, la disparition programmée de la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale fera de l'office national des anciens combattants et victimes de guerre un opérateur clé de la politique mémorielle puisqu'il se verra attribué une partie de l'entretien des lieux de mémoire. Il nous appartient de veiller à ce que le prochain contrat d'objectifs et de moyens de l'ONAC pérennise les actions menées à ce titre.

Au-delà de ces préoccupations, il me semble opportun de réaffirmer notre attachement au lien consubstantiel entre l'institution militaire et les citoyens que nous sommes tous. Je serai amené prochainement à faire des propositions en ce sens qui pourraient être discutées au sein de cette commission si vous le jugez utile, Monsieur le Président.

En conclusion, il me semble que l'effort en faveur du lien armée-Nation demeure complet même si l'on peut conclure à une action dispersée.

Ayant évoqué il y a quelques instants l'attention qu'il faut porter à la pérennisation de l'ONAC dont le contrat d'objectifs sera prochainement signé, j'en viens maintenant à la situation des anciens combattants. Naturellement, il faudra être vigilant quant aux conclusions de la mission d'étude juridique et financière conduite par M. Audouin concernant la question des orphelins de guerre. En outre, il nous faudra lier les conclusions du rapport Kaspi aux conclusions de la mission d'information sur les questions mémorielles.

Nous demeurons en outre soucieux de la revalorisation du montant de la retraite du combattant. Le Gouvernement avait annoncé l'année dernière qu'un effort conséquent serait fourni pour porter la retraite du combattant à 48 points d'indice à la fin de la législature. L'évolution démographique de la population émargeant à ce dispositif est telle qu'il est possible d'envisager un financement. C'est pourquoi je me suis associé, notamment avec le Président de notre commission, à la rédaction d'un amendement, soumis à l'examen de la commission, visant à porter la retraite du combattant à 41 points d'indice compter du 1er juillet 2009.

Enfin, il me semblerait utile d'attirer l'attention du secrétaire d'État sur l'allocation différentielle de solidarité en faveur des conjoints de survivants les plus démunis. Des efforts ont déjà été accomplis puisque son plafond a dernièrement été augmenté à 750 euros. Je m'en réjouis même si je demeure persuadé qu'un alignement sur le seuil de pauvreté monétaire calculé par « Eurostat », soit 817 euros, permettrait de répondre définitivement et positivement aux revendications exprimées par les associations d'anciens combattants.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, je vous invite donc, mes chers collègues, à émettre un avis favorable aux crédits du programme 167 « Liens entre la Nation et son armée ».

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