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Intervention de Frédéric Lefebvre

Réunion du 16 septembre 2008 à 15h00
Mission d’information sur les questions mémorielles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Lefebvre :

La dichotomie entre loi normative – loi Gayssot – et lois « proclamatives » – sur le génocide arménien ou l'esclavage – soulève certes un certain nombre de problèmes sur lesquels nous nous sommes exprimés mais personne ne doute que le racisme, le négationnisme ou l'antisémitisme ne soient responsables de troubles à l'ordre public et qu'ils doivent être comme tels sanctionnés. La LICRA, au moins autant que le MRAP, a ainsi eu l'occasion de faire condamner plusieurs fois MM. Faurisson, Le Pen, Gollnisch et Garaudy.

Il me semble, en revanche, qu'il serait opportun de rallonger le délai de prescription des délits négationnistes – qui n'est que de trois mois – en le portant à un an, notamment afin de lutter contre la diffusion de ce genre de propos sur Internet.

Je conteste, par ailleurs, le point de vue de M. Karam : ce n'est en rien au pouvoir politique de définir ce qui relève ou non du génocide, lequel est une notion historique – assez difficile à manier, tant elle est parfois parasitée par des considérations juridiques. De grâce, ne demandons pas aux politiques de trouver une juste définition : c'est là le travail des genocide studies, lequel est déjà suffisamment complexe ! Si, par ailleurs, certains cherchent à utiliser ce terme, c'est en raison de ce « Graal victimaire » qui conduira celui qui parvient au terme de la quête à la première place du podium. Or, non seulement il ne s'agit évidemment pas de hiérarchiser les souffrances mais il ne faut pas étendre inconsidérément la notion de génocide, comme ce fut le cas avec Srebrenica. Je rappelle que trois génocides sont à ce jour officiellement reconnus au XXe siècle : ceux des Arméniens, des Juifs et des Tutsis du Rwanda ; des questions se posent encore par ailleurs s'agissant de l'Ukraine ou du Cambodge.

Le comparatisme est quant à lui essentiel car il favorise la prévention en identifiant précisément la mise en oeuvre d'une politique génocidaire. Le Rwanda, de ce point de vue-là, a été un cas d'école : de nombreux chercheurs, dont Jean-Louis Chrétien, ont étudié la langue génocidaire des Hutus extrémistes dès le début des années 90, mais hélas, ils n'ont pas été entendus. Il est donc temps de passer à cette approche.

Enfin, il importe de distinguer l'histoire, qui est une science humaine – comme telle toujours en devenir – et l'histoire scolaire : en tant que professeur d'histoire-géographie en collège de banlieue, je sais fort bien que je transmets parfois des connaissances qui ne sont plus nécessairement en adéquation parfaite avec le dernier état de la recherche mais il faut malgré tout continuer cette transmission, si imparfaite soit-elle. Je me félicite à ce propos que l'étude des civilisations chinoise, africaine ou indienne fasse désormais partie des programmes scolaires : l'école, en effet, est le lieu adéquat pour entendre la demande du corps social. La LICRA est par ailleurs très active dans le domaine de l'éducation puisque dans le cadre d'un partenariat avec le ministère de l'éducation nationale, nous intervenons dans les écoles, là où se construit l'identité civique et symbolique mais, également, l'estime de soi. Or, c'est la menace de l'infériorisation sociale qui conduit au repli communautaire, à la concurrence mémorielle et aux mémoires fantasmées. Le défi est donc grand pour l'école de la République mais je suis certaine que la mixité sociale et ethnique est un gage de réussite.

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